Une affaire montre à quel point l’hystérie antiterroriste entretenue aux Etats-Unis peut mener à désinformer le public lorsque l’ignorance s’en mêle. Le vendredi 17 août, une journée d’échanges d’un genre très particulier est organisée à Orlando. Le principe est simple : tous ceux qui détiennent illégalement une arme peuvent venir au stand de la police. Là, l’arme en question est échangée contre une paire de chaussures de sport dernier modèle ou un chèque de 50 dollars (environ 37 euros). Mais surtout, les cops on dit et répété : ils ne poseront pas de question et ne noteront pas l’identité du receleur. Or, voilà qu’un homme portant un long cylindre vert olive fermé aux extrémités se présente aux policiers ; il prétend l’avoir trouvé dans un abri. Pour les forces de l’ordre comme pour les journalistes présents, pas de doute, il s’agit d’un missile sol-air portable. C’est en ce sens que sont rédigés les premiers communiqués et articles de presse qui sont publiés accompagnés d’un duo de clichés. Ceux-ci montrent une charmante représentante de la police locale portant l’engin à bout de bras. Les textes ne précisent nullement si le tube scellé aux deux extrémités est vide ou contient encore le missile. A priori, on est tenté de croire les journalistes puisque les cops présents, gens que l’on imagine ayant une certaine connaissance des armes, parlent eux aussi d’un missile sol-air. Sauf que, sur les deux photos, le “missile” semble bien léger pour les frêles épaules de la gendarmette. Et puis il est court et épais. Comme de fait, les articles précisent que le tube fait quatre pieds de long, soit environ 1,22 mètre. S’ils avaient été scrupuleux, flics et journalistes auraient au moins consulté Internet pour trouver les caractéristiques des principaux missiles sol-air. Car il y a un problème : le Stinger antiaérien a une longueur de 1,52 mètre tandis que le SA-7 soviétique mesure 1,47 mètre. En revanche, le missile antichars TOW fait 1,28 mètre... Ça n’a pas raté : quatre jours plus tard, John MACGRATH, enquêteur de la société Raytheon Corporation, précise qu’il s’agit d’un conteneur vide pour missile antichars TOW. Dans l’intervalle, de nombreux quotidiens ont repris l’information affirmant qu’un missile antiaérien léger avait été échangé contre une paire de baskets à Orlando. Sous-entendu implicite : ces armes dangereuses très prisées par les terroristes peuvent être trouvées partout, jusque et y compris dans nos arrière-cours. Pour la petite histoire, des petits malins ont tenté de déguiser des jouets en armes réelles pour pouvoir soutirer 50 dollars aux policiers. La journée a néanmoins permis de récupérer des fusils de toute beauté, en particulier un Springfield M1 au calibre .308 à l’état neuf d’une valeur de 1 500 dollars (1 112 euros). En 2006, le même événement avait permis aux forces de l’ordre de collecter 113 pièces.
Jean-Jacques Cécile
"le “missile” semble bien léger pour les frêles épaules de la gendarmette" :