Article OPEX 360, avec le titre : En cas d’échec du SCAF, la France pourrait miser sur des « évolutions successives du Rafale », selon M. Barre
http://www.opex360.com/2022/08/13/en-ca ... n-m-barre/
Quand Joël Barre a été nommé Délégué général pour l’armement [DGA], la France et l’Allemagne venaient de jeter les bases d’une coopération visant à mettre au point conjointement un Système de combat aérien du futur [SCAF] et un char du futur [MGCS – Main Ground Combat System]. Puis il a été question, plus tard, d’en faire autant dans le domaine de la patrouille maritime [MAWS – Maritime Airborne Warfare Systems] ainsi que pour le standard 3 de l’hélicoptère d’attaque Tigre. Et, durant ces cinq dernières années, il n’a cessé de défendre le bien fondé de ces collaborations industrielles.
« Se doter d’une politique d’armement aussi proche que possible avec notre partenaire allemand est un objectif que je partage en tant que citoyen », a ainsi déclaré M. Barre, lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale en tant que DGA.
Seulement, l’Allemagne a renoncé au Tigre Mk3 [alors qu’elle était initialement partie prenante, ndlr]… et sa participation au MAWS est plus que jamais incertaine, après sa décision de se procurer cinq avions de patrouille maritime P-8A Poseidon auprès de Boeing.
Quant au SCAF et au MGCS, ces deux programmes sont enlisés, faute d’entente entre les principaux industriels concernés. Pour le premier, la phase ouvrant la voie à un démonstrateur n’a toujours pas été lancée, Dassault Aviation et les filiales allemande et espagnole d’Airbus n’étant pas d’accord sur le modèle de coopération qui leur a été proposé. Et le char du futur en est toujours à la phase d’étude d’architecture, qui n’en finit pas d’être prolongée faute de s’entendre sur son armement.
« De mon point de vue de citoyen, je pense qu’il faut faire l’Europe de la défense et qu’on ne peut pas la faire sans l’Allemagne », a répété M. Barre lors de son audition. Cependant, a-t-il continué, « il faut donc essayer mais il ne faut pas la faire à tout prix » et « si les projets de MCGS et de SCAF échouent, ce sera un échec pour l’Europe de la défense » mais « nous nous relèverions en poursuivant l’action nationale que nous menons depuis des décennies ».
« C’est un point de vue personnel qu’on peut ne pas partager. Nous avançons sans, à aucun moment, sacrifier les intérêts nationaux de notre pays et de notre industrie », a insisté M. Barre, à quelques jours de quitter ses fonctions.
S’agissant du SCAF, lors d’une précédente audition, en mai dernier, au Sénat, M. Barre avait dit espérer une initiative politique pour débloquer la situation. Initiative qui n’est pas venue… « Je veux croire à notre capacité à trouver une solution avec nos partenaires industriels et étatiques allemands et espagnols », avait-il cependant affirmé, alors qu’il était interrogé sur un possible échec de ce programme.
Devant les députés, M. Barre a admis qu’il y a un « vrai enjeu de coopération avec l’Allemagne », estimant que « chacun doit faire un pas vers l’autre ». Aussi, a-t-il continué, « nous faisons le maximum pour concilier les objectifs des uns et des autres, en sauvegardant les intérêts de notre pays et les intérêts de notre industrie ».
Cela étant, l’éventualité d’un échec se dessine… « Si jamais nous échouons dans les projets franco-allemands, nous pourrons continuer à faire de l’aviation de combat à partir d’évolutions successives du Rafale. Nous faisons le Rafale par des standards successifs. Nous en sommes au standard F3, nous développons le standard F4. Nous ferons le F5 pour la composante nucléaire aéroportée du futur », a confié M. Barre aux députés. Même chose pour le MGCS. « Pour le char, nous commencerons à livrer la rénovation du Leclerc en 2023. D’évidence, nous n’abandonnerons pas nos capacités », a-t-il assuré.
Si la France a effectivement les capacités technologiques et industrielles de mener seules de tels programmes, elle sera toutefois obligée « de tenir compte des ressources budgétaires disponibles », a prévenu M. Barre.
« L’un des intérêts économiques de la coopération, c’est le partage des coûts non récurrents. Le coût de développement de l’avion de combat du futur, dans sa phase de démonstration, s’élève déjà à 7 milliards d’euros. Nous le partageons à trois et payons, pour notre part, 2,5 milliards d’euros. S’il faut le faire seuls, nous ne ferons pas la même chose avec ces 2,5 milliards d’euros. Un programme en coopération est plus cher qu’un programme national, mais pas au point d’être sans intérêt économique », a fait valoir l’ancien DGA.
Quoi qu’il en soit, l’alternative au SCAF pourrait donc être le Rafale F5, lequel fait déjà l’objet de travaux préliminaires étant donné qu’il devrait être le fer de lance des Forces aériennes stratégiques [FAS], avec la capacité d’emporter le futur missile hypervéloce ASN4G. Le major-général de l’armée de l’Air & de l’Espace [MGAAE], le général Frédéric Parisot, en a donné les grandes lignes lors d’un audition à l’Assemblée nationale, le 20 juillet dernier.
« Nous souhaiterions un standard F5 plus ambitieux qui pourrait constituer un terrain d’essai pour le SCAF. Il conviendrait donc qu’il soit capable d’emmener un équipier de type Loyal Wingman [drone de combat autonome, ndlr], mais aussi que le cockpit intègre de l’intelligence artificielle afin d’aider le pilote – comme R2D2 dans Star Wars. Nous voulons développer différents moyens de connectivité afin de faire, ensuite, les bons choix pour le SCAF », a détaillé le général Parisot.
« Le standard F5 est donc un standard majeur, probablement le dernier qui impliquera des modifications importantes de l’avion, les suivantes étant logicielles, liées à l’amélioration des capteurs et des liaisons de données avec son environnement », a-t-il ensuite ajouté.
Et de conclure : « Le Rafale doit continuer à évoluer. Lors de mes conférences, je parle régulièrement de standards F6 ou F7 car, si le F5 est déployé en 2035, il ne pourra durer jusqu’en 2075. La nouvelle définition productible F5 permettra ces développements ultérieurs ».
Le plan "B" de Dassault pourrait être le Rafale à partir du standard F5 (comme certains l'ont indiqué sur ce topic) ?
Je persiste à croire que ce serait une stagnation par rapport à la concurrence... Alors certes, le TF-X n'est pas encore en l'air, mais (certes encore, il y a beaucoup de "si" dans ce qui suit) si un jour Britanniques, Japonais et Italiens ont le Tempest/F-3, si le NGAD domine les airs (ce qui n'est pas encore fait, vu les prix annoncés, qui font passer le F-22 pour un engin bon marché...), si les Chinois démocratisent le FC/J-31/35, si les Russes en font autant avec le LTS (bon, là encore, surtout dans le contexte actuel, il pourrait mettre quelques temps avant de devenir performant, voire même seulement opérationnel...), si le F-35 continue de profiter de la suprématie politico-économico-technico-militaire occidentale US (même si je reste sceptique sur l'intérêt des acheteurs à long terme, surtout pour les clients de petites quantités), si le KF-X fait son trou, si le futur Saab (qu'ils développeraient donc sans coopération, même s'ils sont "observateurs" sur le Tempest/F-3) fonctionne, même s'il constitue une excellente base, le Rafale (et donc la France) pourrait être déclassé à terme, s'il n'y a pas de successeur en vue à échéance relativement "courte" (et il faudrait encore que ce futur avion se vende dans un paysage économique et concurrentiel toujours plus âpre).
On se retrouverait dans un contexte que je craignais dans un précédent post, sur un autre topic, avec un Rafale qui ferait office, un siècle plus tard, de (même si là, contrairement au Rafale, la base n'était pas bonne) Nieuport 42/62/622/629, constamment amélioré au fur et à mesure des années, mais dépassé pendant ce temps par les autres productions mondiales, et finalement complètement obsolète par rapport à la concurrence quand sa version finale est entrée en service, faisant naître un retard jamais rattrapé avant le début de la 2ème guerre mondiale (même si je n'oublie pas que le problème numéro 1 de l'aviation de combat française de l'époque était, après l'argent disponible, la motorisation)...
A suivre...