Et puis petit cadeau, je crois que j'avais déjà mis ça ici mais j'en suis plus trop sûr, le vrai m/s Montalto.
Ben non, il n'avait pas de voiles mais un solide Sulzer 5 cylindres de 20 000 cv buvant 20 tonnes de fuel lourd par 24 heures. Mais ça n'empêche que j'aurais pu le skipper tout seul. d'ailleurs je l'ai déjà fait une fois.
Tiens je vais le raconter pour Oli et ceux que ça amuse.
Durant un voyage de retour vers la Belgique, il y avait une fête, un anniversaire je crois, et tous les officiers sauf deux, ma pomme et un officier de pont, étaient au mess occupés à picoler comme des bêtes ! Même mon chef de quart était avec eux ce qui fait que j'étais tout seul dans les machines à espérer qu'il n'y ait pas de problèmes. Mais comme il n'y avait rien d'autre à faire que d'écouter si tout tournait bien et que tout tournait parfaitement, je suis monté à la passerelle tenir compagnie à l'homme de quart.
Apparement ça l'emmerdait de ne pas pouvoir être à la fête. Aussi, voyant l'occasion unique d'être seul à la passerelle(un rêve !), je lui dis d'y aller mais de pas rester trop longtemps(sachant parfaitement qu'il prendrait tout son temps !).
Et c'est comme ça que je me suis retrouvé à 19 ans, absolument seul pour surveiller la route de ce navire de 10 000 tonnes et ses machines.
Ca n'a pas duré plus d'une heure, mais une heure durant laquelle j'ai été à la fois Barberousse, Conan le Barbare, l'amiral Lütgens, Otto Kretchmer, Patrick Tabarly, Christophe Colomb, le capitaine Smith(Titanic) et le capitaine Erlich(Ergenstrasse du film "Le renard des Océans) !!!
Aaah les gosses !
Y avait pas trop de risques, on était en plein milieu de l'Atlantique Sud et y a pas grand monde. Mais enfin, on naviguait quand même sur une route commerciale et après une vingtaine de minutes, je regarde dans les jumelles droit devant et je crois voir des loupiottes. C'est dommage me dis-je, on n'a pas de canon.
Dix minutes plus tard, j'étais formel, sûr et certain et confirmé par le radar: il y avait bien un objet flottant non-identifié droit devant !
Ciel, des pirates !!
Là, ça devenait sérieux. L'officier m'avait dit que si il y avait quelque chose il fallait l'appeller de suite, mais je m'amusais trop bien pour le déranger. Je savais où était le bouton qui commande le gouvernail(système hydraulique commandé électriquement) et je savais donc comment faire pour changer de cap.
Ce qui m'inquiétait, c'est surtout ce qu'allait faire l'autre en face...En plus je ne savais rien de lui, seulement qu'il flottait et était pile sur notre route. Le radar aurait pu m'en dire plus mais je ne connaissais pas très bien son maniement
Mais, il y a en mer une règle comme sur la route. Quand on est face à face, chacun doit dégager à tribord(droite). Aussi, fièrement j'actionne le commutateur vers tribord en surveillant le compas et en me disant que je viens de sauver la flotte belge d'un désastre.
Rien ne se passe...Il était sur automatique et là, je ne savais pas comment le sortir du mode automatique. Il faisait totalement noir sur la passerelle, seuls les reflets du radar et des appareils de navigation phosphorescents donnaient une faible lueur, insuffisante pour lire ce qui était écrit sur tous les boutons du gouvernail. Je teste alors au pif...Et finalement voilà le compas qui bouge !
Ich bin ein Grosse Kaleun !
![Laugh lol](./images/smilies/laugh.gif)
Manque de bol, il bouge dans le mauvais sens car le navire part sur babord et je ne sais plus trop dans le noir, quel bouton j'ai actionné pour en arriver là !
La panique commence à m'envahir, une sorte de sueur froide perle sur mon front, surtout qu'en face, l'autre vient normalement sur son tribord càd du même bord que moi !!!
Suis-je donc né pour périr ainsi en mer en voulant essayer de sauver mes joyeux camarades d'une collision qu'ils ne soupçonnent même pas ? Dois-je sortir les canots de sauvetage et sonner l'abandon du navire ?
Me passe alors dans la tête cette phrase si souvent répétée par mon vénéré père: "Daniel, tu ne sais faire que des conneries" !!
Il n'a pas tout à fait tort sur ce coup-là, faut bien le dire. Après une dernière tentative infructueuse pour ramener "mon" bateau à tribord, je me résouds donc à descendre informer l'officier de quart d'un "contact visuel non-identifié" droit devant. Puis une fois qu'on n'est plus que nous deux, je lui dis que j'ai essayé de venir sur tribord mais que, étrangement, on va en ce moment sur babord, c'est à dire qu'on retourne au Brésil. Mort de rire, car déjà émêché passablement, il me dit que c'est pas grave et une fois qu'il eut remis le navire au bon cap, je retournai alors tout penaud dans mes machines où, heureusement pour moi, rien n'avait explosé ! Quant aux chanceux marins du cargo d'en face, ils n'ont jamais su à quoi ils avaient échappé !
Mais j'm'en fous bien, ça me fait un souvenir en or et j'ai été heureux de vous le raconter.
Le Montalto en grande taille photographié sur le fleuve Congo entre Matadi et Boma(mais je suis incapable de dire dans quel sens...).
![Cowboy :cowboy:](./images/smilies/cowboy.gif)