Article OPEX 360, avec le titre : Alors que la Russie pousse ses pions en Afrique, les États-Unis vont quitter leur base d’Agadez, au Niger
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En août dernier, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait affirmé que la Russie n’était pas derrière la junte qui, quelques semaines plus tôt, venait de déposer Mohamed Bazoum, le président nigérien. « Ce qui peut surprendre, c’est que le déclencheur de ce coup d’État part avant tout d’un différend personnel », avait-il expliqué. Et de préciser que le groupe paramilitaire russe Wagner [devenu « Africa Corps depuis la mort de son chef, Evguéni Prigojine] pourrait, par opportunisme, « chercher à conforter » les putschistes. Quoi qu’il en soit, si elle n’a pas encouragé ce coup d’État, la Russie en tire les bénéfices, comme elle le fit au Mali et au Burkina Faso… Ainsi, le 16 mars, après avoir obtenu le retrait des forces françaises du Niger, la junte a demandé aux troupes américaines d’en faire autant, en dénonçant avec « effet immédiat » les accords de coopérations militaires autrefois noués entre Niamey et Washington.
Pourtant, la diplomatie américaine avait adopté une position plutôt conciliante avec les putschistes. « Les Américains ont cru pouvoir faire ami-ami avec la junte, notamment avec le général Barmou, formé aux États-Unis et ancien chef des opérations spéciales. Ce faisant, ils ont commis la même erreur que nous, croyant que parce qu’il avait été formé aux États-Unis il leur était acquis, ce qui n’est pas le cas du tout », avait en effet expliqué Sylvain Itté, l’ambassadeur de France au Niger, lors d’une audition parlementaire, en novembre dernier. Un mois après l’annonce de la junte, les États-Unis ont fini par se résoudre à entamer leur retrait militaire du Niger. Cette décision a été communiquée par le numéro deux de la diplomatie américaine, Kurt Campbell, au Premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine, lors d’une rencontre à Washington, le 19 avril.
L’annonce du départ des forces américaines [moins d’un millier d’hommes] a été faite alors que Moscou vient d’envoyer à Niamey des « instructeurs militaires » ainsi que des équipements [dont un système anti-aérien de dernière génération dont le type n’a pas été précisé]. Ce qui n’est pas surprenant étant donné que le Niger et la Russie s’étaient mis d’accord, en décembre, pour renforcer leur coopération militaire.
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Mais en se retirant du Niger, les forces américaines vont devoir abandonner la base aérienne 201 d’Agadez, qu’elles avaient restaurée à grand frais [250 millions de dollars, ndlr] pour y exploiter des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] et d’autres moyens ISR [renseignement, surveillance, reconnaissance] dans la cadre de la lutte contre les groupes jihadistes présents au Sahel. Située à équidistance du septentrion malien et du Sud de la Libye, tout en étant relativement proche du Lac Tchad et du nord du Nigéria, la base d’Agadez occupe une position stratégique dans le mesure où elle permet de garder un œil sur les groupes jihadistes de la région et de surveiller la situation en Libye, où justement, après les multiples rencontres entre le vice-ministre russe de la Défense, Iounous-Bek Evkourov, et l’homme fort de l’Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, Moscou a envoyé des milliers de tonnes d’équipements militaires supplémentaires à Tobrouk.
Selon des images diffusées par le site d’information libyen Fawasel Media, les navires de débarquement russes « Alexander Otrakovsky » et « Vice-amiral Ivan Gren » ont acheminé, vraisemblablement depuis la Syrie, des véhicules blindés, des camions ainsi que des systèmes anti-aériens ZU-23-2. En outre, des avions cargo russes ont récemment été repérés sur la base aérienne de Brak al-Shati [centre-ouest]. Cette activité russe explique sans doute la raison pour laquelle un drone HALE [Haute Altitude Longue Endurance] MQ-4C Triton vient d’être déployé par l’US Navy pour la première fois en Europe, plus précisément à Sigonella [Sicile]. Selon le suivi du trafic aérien, la première mission effectuée par cet appareil, doté de capacités supplémentaires en matière de renseignement électronique et électromagnétique [ELINT/SIGINT], s’est en effet intéressé à l’est de la Libye.