Vaste sujet, et question très intéressante, vraiment
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, donc spoiler d'entrée : je vais sûrement écrire un message assez long (mais j'espère quand même qu'il sera intéressant
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).
Je suis le responsable de l'École de Chasse depuis à présent 12 ans... Ce qui mine de rien commence à faire, et signifie surtout que j'ai sans doute une expérience un peu différente de pas mal de Falconneux aujourd'hui : d'une part parce que nous ne sommes plus si nombreux à avoir volé en multijoueur de manière continue depuis autant de temps, déjà, et surtout d'autre part parce que tout au long de ces années j'ai observé les évolutions du logiciel et de la communauté avec le regard d'un instructeur virtuel et créateur de doc en plus de celui d'un
simmer.
En 2005, le cursus théorique de l'EDC était très inspiré par la manière de faire de l'Armée de l'Air (avec bien plus de bienveillance, cependant), notamment du fait de l'influence déterminante de certains anciens dans la création de l'EDC, dont en particulier Couby qui avait produit un boulot absolument remarquable. Il y avait une grande ambition, qui se heurtait cependant en pratique à deux limites fortes.
La première de ces deux limites, c'est que produire de la documentation et de l'instruction de niveau "militaire" , c'est très difficile, et pas toujours aussi productif qu'on pourrait le penser : écrire la doc prend beaucoup de temps, les instructeurs virtuels ayant l'envie et le temps de tenir le niveau d'ambition ne sont pas si nombreux, et le côté "militaire" tend à restreindre le vivier des élèves (du fait que les docs sont difficiles d'accès pour des débutants, et que l'esprit de rigueur peut parfois être trop appuyé pour ce qui est certes un jeu très élaboré mais est bien un jeu). La seconde des limites, c'était le logiciel lui-même. Une grande partie de l'avionique était
beaucoup plus simple que ce dont nous disposons aujourd'hui, et même l'aspect aéronautique pur était beaucoup moins développé (songer qu'en 2005 on n'avait même pas de calage de l'altimètre, pas de postes radios, pas de météo évolutive et un modèle de vol bien moins complexe, par exemple). Je pense que beaucoup de Falconneux de 2017 trouveraient le Falcon 4.0 de 2005 au mieux "midcore".
Ces deux limites ont fait qu'à côté des quelques documents presque "militaires" (toutes proportions gardées) sont apparus beaucoup de documents plus simples, rédigés plus vite, pour faciliter l'accès à tous (une des premières choses que j'ai d'ailleurs faites moi-même à l'époque a été d'écrire un chapitre pour comprendre les instruments de vol, par exemple), qui ont été rapidement les plus utilisés, et qu'en pratique l'instruction a été bien plus "à la bonne franquette" que ce que décrivait en théorie les docs.
Avec d'autres, nous avons essayé de conserver le meilleur des deux aspects : une certaine rigueur, un goût pour la transposition dans notre monde virtuel de la culture aéronautique réelle, et en même temps une façon d'instruire détendue, qui ait à cœur d'ouvrir le simulateur au plus grand nombre de joueurs intéressés. Nous avons été d'ailleurs bien aidés pas longtemps après par la sortie de Falcon 4.0 Allied Force, qui avait encore quantité de limitations, mais apportait une stabilité de connexion nouvelle et salutaire.
La philosophie adoptée pouvait vite se retourner contre nous, toutefois, si on dépassait les deux frontières qu'on lui avait données : d'un côté on pouvait vite écrire des docs trop simples, même simplistes, avec des erreurs ou de gros manques (on en a eues, soyons honnêtes) et avoir des moniteurs
trop détendus (si, si
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) pas assez utiles aux débutants, et de l'autre côté on pouvait faire peur aux débutants en montant trop vite la difficulté (le cursus initial de l'EDC souffrait d'ailleurs particulièrement d'avoir été trop calqué sur le cursus militaire réel, alors que celui-ci n'accueille pas des débutants n'ayant jamais volé au contraire de l'Ecole de Chasse C6).
Et puis sont apparus Open Falcon, et surtout Falcon 4.0 BMS, apportant quantité d'avancées avec une qualité de connexion incomparable, avec la 4.32 d'abord, déjà une progression majeure, et ensuite la 4.33 qui a encore accéléré le mouvement, considérablement.
Et là il est apparu clairement, pour moi comme pour les autres moniteurs, que la documentation existante ne convenait plus. Les systèmes étaient devenus trop complexes pour qu'on ait des documents très courts, en fait des fiches, de seulement 4 ou 5 pages, parce que la complexité des systèmes modélisés ou de l'environnement empêchait que la plupart des débutants puisse comprendre un aspect du simulateur en si peu de pages. Il fallait des documents plus longs, permettant de prendre le débutant par la main pas à pas, pour que, petite étape par petite étape, il parvienne finalement à maîtriser un système très élaboré, finement modélisé. Je pense (ou du moins j'espère) que c'est par exemple ce que j'ai fait avec le document sur le Maverick : il est long, c'est certain, mais il l'est pour le rendre plus simple et non plus compliqué. J'aurais ainsi très bien pu le condenser en 5 pages, sans captures d'écran pour montrer les manipulations, mais je pense qu'il n'aurait alors été utilisable directement que par un nombre réduit de débutants. Paradoxalement peut-être, pour simplifier l'explication d'un problème complexe, il ne faut pas faire court, il faut au contraire faire plus long.
Naturellement, cette démarche implique aussi de prêter une grande attention à la progression, c'est-à-dire que pour enseigner la maîtrise de quelque chose de complexe il faut prendre garde à bien commencer par rendre clairs les éléments les plus simples pour emmener graduellement l'élève vers les éléments complexes. Il ne s'agit pas seulement d'aller pas à pas, il faut aller crescendo. Spiryth pourrait ainsi dire comme je lui ai précisément demandé un changement sur son dernier document, avec une inversion de chapitres, parce que c'est un souci constant.
C'est aussi cette attention à la progression qui nous a fait modifier, après discussions, le cursus. Le cursus avait déjà évolué un peu depuis 2005, mais nous étions encore très héritiers du cursus initial, dont la courbe de progression méritait un "lissage". On passait trop vite de modules "faciles" à des modules "difficiles".
En outre, certains se rappellent peut-être que j'avais commencé de traduire de la documentation anglaise de BMS : j'ai finalement abandonné, non pas par difficulté (au contraire, c'est plus simple que de produire de la documentation nouvelle), mais parce que la documentation de BMS est très inspirée par la manière dont sont rédigés les manuels militaires réels. Cela reflète la vision de la pratique de Falcon 4.0 de leur rédacteur principal, Red Dog. Il a fait un travail fantastique, qui a mon entier respect, mais qui n'est pas, à mon sens, finalement adapté à ce que nous faisons à l'Ecole de Chasse, où notre documentation est précisément pensée pour les
simmers qui ne peuvent pas ou n'ont pas le temps d'apprendre d'apprendre des manuels d'inspiration militaire en anglais. Le manuel
Training de BMS est un pas dans le bon sens, mais encore très incomplet et pas toujours assez détaché (à mon sens, du moins) des docs réels.
Toutes ces choses dites, il reste qu'en effet certains sujets sont difficiles par essence, et qu'il n'est pas toujours aussi évident de les vulgariser que je le voudrais bien. On passe beaucoup de temps sur cette question de la lisibilité de la documentation, parce que la lisibilité est bien la première qualité recherchée, mais un sujet comme l'approche sans visibilité, par exemple, reste en effet difficile à vulgariser. J'ajoute que la vulgarisation est un exercice parfois délicat en lui-même, c'est vrai : il faut être intelligible, donc simplifier, mais sans simplifier tellement qu'on écrirait des choses approximatives, voire fausses.