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Campagne Normandie – Rapport de mission du 6 juin 1944

[...]Des bruits métalliques tout autour de moi, des trous de la taille de pièces de monnaie se mettent à fleurir sur le plancher, laissant apparaître une constellation méconnue de petites lumières, semblable à celle que l'on voit la nuit par ciel clair.
C'est au moment où je redresse plein gaz au-dessus de la zone de débarquement que je suis foudroyé par une vive douleur.
Le sang gicle sur le tableau de bord et la verrière. Un morceau de ma combinaison de vol déchirée pend sur le côté gauche, laissant apparaître une plaie béante d'où s'échappe à un rythme régulier le précieux liquide rouge.
La douleur, violente, me donne un affreux mal de tête. Je crois à cet instant que ma route va s'arrêter là, en plein milieu du feu ennemi qui continue de m'entourer. Mais les tirs semblent moins précis et peu à peu, les détonations sont moins fréquentes, au fur et à mesure que je m'éloigne de la portée de leurs tirs. Et puis plus rien ! Juste le bruit de mon moteur. Plus d'éclairs, plus de déflagrations, plus d'impacts sur le fuselage. Je suis maintenant hors d'atteinte. Sain et sauf … du moins pour un temps. Car me voilà salement amoché et mon appareil aussi.
Il commence à faire froid dans le cockpit et tout est teinté d'une couleur rouge pâle autour de moi. Je réalise que c'est du sang qui a coulé sur mes yeux, à moins que ce ne soit des vaisseaux qui ont explosés dans mon œil … je ne sais pas, je n'ai pas vraiment envie de le savoir d'ailleurs.
La voix d'Aloïsius me sort de ma torpeur. Je ne me souviens pas de ce qu'on s'est dit mais je sais qu'à ce moment là, j'ai recouvré un peu mes esprits et je me suis mis en tête de rentrer à la base.
Mes blessures me font terriblement souffrir et l'avion semble peser plusieurs dizaines de tonnes. Qui de nous 2 compte le plus sur l'autre pour rester en l'air ? Mon Fockewulf ou moi ?

Etrangement, le vol retour jusqu'à St Romain ne m'a pas paru long. Et pour cause, je ne me rappelle pas de grand-chose. Juste quelques souvenirs flous, quelques flashs me reviennent : le survol de Balleroy, de Grainville puis de Caen Carpiquet sur lequel j'envisage de me poser. Mais non ! Là bas ! 2 appareils rôdent à proximité du terrain. Vite ! Il faut fuir … la peur … la douleur …les 2 points qui s'éloignent puis disparaissent. Soulagement.
Et puis c'est la remontée le long de la côte jusqu'à l'embouchure de la Seine.
Quelques minutes plus tard, la piste est en vue.
Je m'annonce … Personne !
Ais je réellement parlé ? Un son est il sorti de ma bouche ou bien est ce que je me suis imaginé dire quelquechose ? Je n'en sais fichtre rien.
La piste se rapproche. Je sors volets et trains d'atterrissage. Mon appareil est attiré par le sol comme un bout de métal serait attiré par un aimant.
Je tire sur le manche avec tout ce qui me reste de force. Je serre les dents et me retiens de pousser un cri. Je ne vois plus la piste sous mon capot, seuls les taxiways qui défilent à ma droite et à ma gauche me permettent de jauger mon approche. Long, c'est long … trop long même !
Les roues touchent durement la piste qui se termine à une bonne centaine de mètres devant moi.
Ma vitesse est encore très élevée, au moins 200km/h.
Je parviens à plaquer la roulette de queue au sol avant de sortir de la piste à une vitesse considérablement réduite mais encore importante.
Les trous dans l'herbe haute malmènent le Fockewulf et à chaque impact sur le sol, je reçois des chocs aussi violents et douloureux qu'un uppercut de Max Schmeling en plein foie.
Un rebond plus violent que les autres et c'est tout l'appareil qui bascule vers l'avant pour se retourner.
Un choc terrible ! Et me voilà pendu par les sangles, tête en bas.
Tout se brouille de plus en plus au fil des secondes qui s'égrènent dans cette inconfortable position.
Des ombres et des bruits sourds autour de moi. Des voix fantomatiques, une sirène stridente. La verrière qui s'ouvre et des bras qui me recueillent tandis que les lanières de cuir cèdent sous le fil d'une lame. De l'eau ruisselle sur mon visage. On m'allonge sur une toile.
Les secours sont là : pompiers, brancardiers et infirmières s'agitent autour de moi et de la carcasse de mon Fockewulf.
Mes yeux se ferment …
Le néant m'engloutit.

Shane a écrit :Chouette recit. LOW t'as toujours fait de chouettes rapports.

*Aquila* a écrit : Pas de sang ni de tripes à l'air, mais ça, vu la distance, on n'a pas à le voir et ça ne me manque pas...

pelican72 a écrit :Oui, je suis entièrement d'accord avec toi sur ce point Aquila.

Merci pour vos feedback, il me semblait bien que l'on pouvait mettre les mitrailleurs hors de combat. Je n'ai pas encore la mémoire défaillante, c'est plutôt bon signe pour mon âge....

Pélican 72