Alors, pour mettre les choses un peu en perspective:
Carte de JFK:
Carte des terminaux:
Ce que je note dès le départ, c'est l'appel non standard d'Air France.
En radio, on suit autant que possible le format suivant, surtout pour un contact initial.
- Station appelée
- Station appelant
// En fonction du niveau de travail de la station appelée, on peut attendre une réponse, ou si c'est l'usage, continuer directement avec la suite du message //
- Où se situe la station qui appelle
- Objet de l'appel
Par exemple:
- Ground this is Air France 008
- Air France 008 go ahead
- Air France 008, gate 09, we have been hit by Alitalia.
ou alors
"Ground this is Air France 008 Gate 9, we've been hit by Alitalia"
Sur l'aéroport d' Ottawa, les contrôleurs préfèrent le second format. si je me permets ça à Toronto, j'ai la chasse canadienne aux fesses dans les minutes qui suivent, et un transport VIP dans un joli fourgon blindé direction les camps de la CIA en Afghanistan.
L'appel non standard d'Air France fait que le contrôleur de JFK est incertain du message et répond avec un "say again" (répétez). S'ensuit un échange de clarification qui fait perdre du temps alors que l'information aurait pu passer de manière bien plus fluide. Le contrôleur JFK répond d'ailleurs avec une interrogation : "Is this your first time calling me?" (Est ce la première fois que vous m'appelez).
Ensuite, Air France emploie le terme "stand" au lieu de "gate" pour désigner la porte d'embarquement. Je n'ai jamais entendu ce terme, ce qui ajoute certainement à la confusion.
Lorsque la communication est semble établie entre les deux, le manque de phraséo standard, le fort accent français, et la communication longue, chargée et inattendue du pilote français noient le corps du sujet. Le contrôleur demande une nouvelle fois une clarification sur la collision et la position de l'appareil, probablement à cause du terme "stand" au lieu de "gate". À ce moment précis, le pilote Air France transmet une nouvelle fois le message sans attendre de retour du contrôleur, ce qui a pour effet de rallonger la communication, l'information passe toujours mal, et je ne serais pas étonné qu'à cet instant les deux parties deviennent légèrement frustrées ; d'autant que le pilote Air France suggère une action au contrôleur alors que la situation n'est toujours pas claire de son côté. Il demande d'ailleurs une nouvelle fois "where are you?" (où êtes vous?).
Là, le pilote Air France, non seulent ne répond pas à une simple question, mais répond avec sa propre question : "Did you copy for Alitalia? I don't know which Alitalia". (Avez vous reçu pour Alitalia? Je ne sais pas quel Alitalia).
Le contrôleur demande alors à Alitalia où ils se trouvent.
C'est enfin à 1min 11 que le pilote ralenti son rythme et fait un effort d'énonciation. 11 secondes pour 2 phrases, c'est énorme, mais ça marche. La situation est claire pour le contrôleur et il demande une clarification pour s'assurer de la compagnie qui a heurté l'avion Air France. Cela dit, le contrôleur ne sait toujours pas où se situe l'avion AF, toujours par manque de phraséo standard. C'est uniquement à 1min 35 que le pilote utilise le terme "Gate", soit 1min et 12 secondes après la transmission initiatle.
Durant ce temps, le vol Alitalia a pu finir son roulage, se positionner sur la piste et recevoir son autorisation de décollage.
Le sol demande à AF de contacter la tour directement, étant donné que c'est elle qui est en charge du vol Alitalia. Le pilote AF répond de manière assez pédante en disant au contrôleur quoi faire. (ce qu'il ne faut JAMAIS faire).
On arrive alors, à 2minutes, au moment où AF note le téléphone de la tour, ce qui est une pratique courante ici lorsqu'une conversation est trop lourde pour la radio.
Lors de l'échange entre la tour et Alitalia, on reprend le format de communication mentionné plus haut
Station appelée / Station appelant (Itarrow 611 Heavy, pas de mention de la tour étant donné que ce n'est pas la comm initiale) à 2.24
Accusé réception de la station appelée (Go ahead / allez y) à 2.24
Transmission du message de la station appelant, concernant la possibilité d'une collision au sol, de 2.26 à 2.38
Accusé réception de la station appelée, en phraséo standard, à 2.39.
L'ensemble de la transmission, incluant un long message non standar, aura pris 15 secondes.
il y a plein de choses qui ne sont pas données dans cette transmission. Qui s'est rendu compte de la collision ? Personnel au sol ? Personnel navigant ? Comment l'information est elle remontée au pilote ? Dans quels délais ? L'avion était il sous tension ou a-t-il fallu allumer les systèmes pour transmettre le message ? etc...
Comme il a déjà été mentionné, un accrochage léger peut n'être absolument pas perçu par aucun des appareils, il est possible que le pilote Alitalia ait agit en toute conscience.
Conclusion : ne pas, ne jamais tirer de conclusions hâtives sur la base d'un seul élément incomplet et qui plus est mal interprété. Surtout pas en aviation.