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A Christmas story : KATINA

Publié : lun. déc. 20, 2010 12:51 pm
par SpruceGoose
* * *

20/12

KATINA

« Quelques notes brèves au sujet des derniers jours des chasseurs de la RAF durant la première campagne de Grèce »


Peter la vit le premier.

Elle était assise sur une pierre, complètement immobile, les mains sur les genoux. Son regard figé, sans expression, fixait le néant, et autour d’elle, tout au long de la rue, les gens se hâtaient en tous sens portant des seaux d’eau et les vidant aux travers des fenêtres des maisons en feu.

Au milieu de la rue, sur les pavés, gisait le cadavre d’un jeune garçon.
Quelqu’un déplaça le corps sur le bas côté afin qu’il ne gênât pas davantage.
Un peu plus bas, un vieil homme était en train de s’affairer sur une pile de cailloux et de briques. Il les prenait un par un et les jetait de côté. Parfois il se penchait en avant et scrutait dans les ruines, répétant sans arrêt le même nom.

Les alentours n’étaient que vacarme et va-et-vient et incendies et seaux d’eau et poussière. Et la petite fille était calmement assise sur la pierre, fixant son regard droit devant, immobile. Du sang coulait sur le côté gauche de son visage. Il dégoulinait de son front et gouttait de son menton sur sa robe souillée à motifs.

Peter la vit et s’exclama « Regardez cette fillette ! ».

Nous sommes allés près d’elle et Fin lui mit la main sur l’épaule, se penchant vers l’avant afin d’examiner sa blessure. « Il semble bien que ce soit un éclat » dit-il. « Elle devrait voir le toubib ».

Peter et moi formèrent une chaise avec nos mains, Fin la souleva et l’y posa. Nous sommes ainsi retournés vers l’aérodrome à travers les rues, d’une démarche plutôt maladroite, assumant notre fardeau. Je pouvais sentir les doigts de Peter étroitement mêlés aux miens et les fesses de la fillette sur mes poignets. J’étais du côté gauche et le sang de son visage gouttant sur la manche de ma combinaison de vol s’écoulait sur le dos de ma main. La fillette ne bougeait pas et restait silencieuse.

Fin dit « Elle saigne plutôt abondamment. On devrait marcher un peu plus vite ! ».
Je ne pouvais pas très bien voir son visage à cause du sang, néanmoins je pouvais dire qu’elle était bien mignonne. Ses pommettes étaient saillantes, ses grands yeux ronds étaient du bleu pâle des ciels d’automne et ses cheveux clairs étaient coupés courts. Elle devait avoir 9 ans.

Nous étions en Grèce en avril 1941, à Paramythia. Notre escadron de chasse était stationné sur un terrain boueux près du village. Nous étions dans une vallée profonde, entourés de montagnes.
L’hiver glacial était passé, et à présent, le printemps avait fait son apparition avant que l’on puisse s’en rendre compte. Il était venu rapidement et discrètement, fondant la glace des lacs et balayant la neige des sommets montagneux ; et sur tout le terrain on pouvait apercevoir les pousses d’herbe vert pâle émergeant de la boue, formant un tapis pour nos atterrissages.
Dans notre vallée soufflaient à présent des vents tièdes et apparaissaient des fleurs sauvages.

Les Allemands, qui avaient franchi les frontières de la Yougoslavie quelques jours auparavant, opéraient maintenant en force, et cette après-midi 35 Dornier étaient venu bombarder le village.

Peter, Fin et moi n’étions pas de service depuis un moment et étions descendus au village afin de voir ce que nous pouvions faire pour apporter une aide quelconque.
Nous avions passé quelques heures à dégager les ruines et éteindre les incendies, et étions de retour lorsque nous avons aperçu la fillette.

Maintenant, comme nous approchions de la piste d’atterrissage, nous pouvions apercevoir les Hurricanes cercler et atterrir à tour de rôle, et le toubib était debout devant la tente d’alerte, juste comme ça devait être, en attente de voir si quelqu’un était blessé. Nous marchâmes vers lui, portant l’enfant, et Fin à quelques mètres devant nous, dit « Hey toubib, vieux fainéant, y’a du boulot pour toi ».
Le toubib était jeune et doux et réservé sauf lorsqu’il était saoul. Saoul, il chantait fort bien.
« Emmenez-la dans la tente médicale ! » dit-il. Peter et moi l’y portèrent et la mirent sur une chaise.
Nous l’avons laissée et nous sommes rendus dans la tente d’alerte pour voir si les copains allaient bien.

Il commençait à faire sombre. Le soleil couchant était visible au-delà des crêtes à l’ouest, et la lune était pleine, une lune éclatante qui montait dans le ciel. Elle éclairait le sommet des tentes et les rendait blanches ; petites pyramides blanches, dressées et rassemblées en petits paquets ordonnés sur les bords de l’aérodrome. Elles faisaient penser à un troupeau de moutons apeurés et groupés serrés, et en même temps avaient un aspect humain,dressées les unes près des autres, et il semblait presque qu’elles devinaient les ennuis à venir, comme si quelqu’un les avait prévenues qu’elles allaient être oubliées et laissées pour compte.
Comme je les observais, elles semblaient bouger, elles semblaient se regrouper encore un peu plus serrées.
Et ensuite, silencieusement, sans un bruit, les montagnes se fondirent un peu davantage dans notre vallée.

Durant les 2 jours qui suivirent, l’activité aérienne fut intense.
Il y eut les levers à l’aube, les vols, les combats et les couchers ; et il y eut le retrait de l’armée. Ce fut tout ce qu’il y eut ou tout ce qu’il y eut de permis par le temps disponible.
Mais au 3è jour, les nuages s’abattirent sur les montagnes et se glissèrent dans la vallée. Et il se mit à pleuvoir. Nous passâmes le temps assis sous la tente qui servait de mess à siroter de la bière et du vin résiné, pendant que la pluie martelait le toit comme une machine à coudre. Ensuite déjeuner.
Pour la première fois depuis des jours, tout l’escadron était présent. Quinze pilotes assis sur des bancs de chaque côté d’une même table et Monkey, l’officier commandant, placé en tête.

Nous en étions encore au milieu du bœuf rôti lorsque le volet d’entrée de tente s’ouvrit et laissa entrer le toubib, un énorme imperméable sur la tête dégoulinant d’eau. Et sous cet imperméable, se cachait la petite fille. Elle portait un bandage autour de la tête.
Le toubib nous dit « Hello, je vous amène une invitée !». Nous nous sommes regardés et soudainement, par réflexe, nous nous sommes tous levés.
Le toubib dégagea l’imperméable et la petite fille se tenait debout là avec les bras relâchés le long du corps regardant tout le monde, et tout le monde la regardait. Avec son teint pâle et ses cheveux clairs elle trahissait complètement ses origines grecques.
Elle était effrayée par les quinze étrangers négligés qui s’étaient soudainement levés à son entrée, et durant un instant elle se retourna comme si elle allait s’enfuir sous la pluie.
Monkey dit « Hello, oh hello. Viens t’asseoir !».
« Dites le en grec » dit le toubib « elle ne comprend pas ! ».
Fin, Peter et moi nous nous sommes regardés et Fin dit « Bon Dieu, c’est notre fillette. Bon boulot toubib !».
Elle reconnut Fin et s’avança à lui. Il la prit par la main et la fit asseoir sur le banc, et tout le monde se rassit. Nous lui avons donné du bœuf rôti et elle mangeaitt lentement, les yeux baissés sur son assiette. Monkey dit « Allez chercher Periclès !».
Periclès était l’interprète grec attaché à l’escadron. C’était un type formidable que nous avions déniché à Yanina où il était instituteur. Il avait perdu son emploi lorsque la guerre avait éclaté. « Les enfants ne venaient plus à l’école » disait-il. « Ils sont dans la montagne à se battre. Je ne peux pas enseigner le calcul aux cailloux !».

Periclès entra. Il était âgé, avait une barbe, un long nez pointu et des yeux gris mélancoliques. On ne pouvait pas voir sa bouche, mais sa barbe laissait deviner le sourire lorsqu’il parlait. « Demandez lui son nom !» dit Monkey.
Il lui dit quelque chose en grec. Elle souleva son regard et dit « Katina ». Elle ne dit que ça.
« Dites Periclès » dit Peter, « demandez lui ce qu’elle faisait assise sur ce tas de ruines au village ». Fin intervint « Pour l’amour de Dieu laisse là un peu tranquille ! ».
« Demande lui Périclès » répéta Peter.
« Que devrais-je donc lui demander ?» dit Périclès l’air renfrogné.
Peter dit « Ce qu’elle faisait assise sur le tas de ruines lorsque nous l’avons trouvée ».

Périclès s’assit sur le banc près d’elle et lui parla à nouveau. Il parlait doucement et on pouvait voir sa barbe filtrer un sourire par le mouvement de ses lèvres, la réconfortant. Elle écoutait et le temps sembla long avant qu’elle ne répondit. Lorsqu’elle parla, ce ne fut qu’avec peu de mots, et le vieil homme fit la traduction : « Elle dit que sa famille est sous les décombres de pierres ».

Dehors la pluie avait redoublé d’intensité. Elle battait le toit de la tente de telle sorte que la toile vacillait avec les masses d’eau qui rebondissaient.

Je me levai, me rendit à l’entrée et soulevai le volet.
Les montagnes étaient invisibles derrière la pluie mais je savais leur présence tout autour de nous. J’avais le sentiment qu’elles se moquaient de nous, se moquaient de la faiblesse de nos effectifs et du courage sans espoir des pilotes que nous étions. J’avais le sentiment que c’était les montagnes et non pas nous qui étaient les plus malins.
Ne s’étaient-elles pas tournées ce matin là pour regarder vers le nord en direction de Tepelene où elles aperçurent un millier d’avions allemands rassemblés sous l’ombre de l’Olympe ?
N’était ce pas vrai que les neiges du sommet de Dodona avaient fondu en une journée, créant de petites rivières s’écoulant au travers de notre terrain d’atterrissage ?
Kataphidi n’avait-il pas caché sa tête dans un nuage de telle sorte que nos pilotes pouvaient être tentés de voler à travers la blancheur et percuter ses fermes épaules ?

Je me tenais debout là regardant la pluie sous le volet de tente et je savais de manière certaine que les montagnes s’étaient retournées contre nous. Je le ressentais au fond de mes tripes.

Je retournai à ma place et Fin était là, assis à côté de Katina, essayant de lui apprendre quelques mots d’anglais. Je ne sais pas s’il fit beaucoup de progrès mais je sais qu’il la fit rire une fois et ce fut une chose merveilleuse pour lui. Je me souviens du son soudain de son rire aigu et la manière dont nous avons levé les yeux et l’avions regardée ; comment nous avions alors réalisé la différence avec ce qu’il en avait été auparavant.

Personne excepté Fin n’aurait pu faire cela. Il était si joyeux lui-même et il était bien difficile d’être sérieux en sa présence. Il était gai et grand et avait les cheveux noirs, et il était assis là sur le banc, penché en avant, chuchotant et souriant, apprenant l’anglais à Katina et aussi comment rire.

...

La suite demain !

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Publié : lun. déc. 20, 2010 1:54 pm
par J.j.
Merci, pas de soucis. :)

Publié : mar. déc. 21, 2010 2:06 am
par SpruceGoose
21/12

Le jour suivant le ciel devint clair et il fut possible de voir les montagnes. Nous sommes allés effectuer une patrouille au dessus de troupes en retraite lente vers les Thermopyles, et nous avions rencontré quelques Messerschmitts et Junkers 87 en train de bombarder les soldats.
Je pense qu’on en avait descendu quelques uns mais ils avaient eu Sandy. Je l’avais vu piquer. J’étais assis bien stable pendant trente secondes et j’observais son avion en vrille douce. J’attendais de voir son parachute.
Je me souviens de lui avoir lancé calmement un message radio «Sandy tu dois sauter maintenant, tu dois sauter, tu es proche du sol ! ».
Mais il n’y eut pas de parachute.

Lorsque nous avions atterri et roulé au parking, Katina était là, debout devant la tente d’alerte avec le toubib ; une petite crevette de fillette dans une robe souillée à motifs, dressée là observant les avions de retour de mission.
A Fin qui s’approchait, elle dit « Tha girisis xana ».
Fin dit « Qu’est-ce que ça signifie Périclès ? »
« Ca signifie juste -Vous êtes de retour » et il échappa un sourire.

L’enfant avait compté les avions sur ses doigts lors des décollages, et il en manquait un. Nous étions là à ôter nos parachutes et elle essayait de nous questionner au sujet de l’avion manquant lorsque quelqu’un dit « Attention, ils arrivent !».
Ils arrivèrent par une passe entre les collines, un essaim de silhouettes noires et fines, descendant vers l’aérodrome.
Il y eut une ruée vers les tranchées de protection et je me rappelle Fin attrapant Katina par la taille et la soulevant pour nous rejoindre, et je me rappelle aussi qu’elle se débattait comme une tigresse tout au long de la course vers les tranchées.

Lorsque nous y fûmes et qu’elle fut à nouveau libre, elle en sortit d’un bond et courut vers la piste.
Les Messerschmitts passèrent bas crachant le feu de leurs canons, volant si bas que l’on pouvait voir les nez des pilotes sous leurs lunettes. Les balles soulevaient des gerbes de poussière partout et je vis un de nos Hurricanes s’embraser.
Je voyais Katina dressée au milieu du terrain, tenant ferment position, les jambes droites et les pieds écartés nous exposant son dos, les yeux levés vers les Allemands pendant qu’ils effectuaient leurs passes de tir.
Je n’avais jamais vu une chose si petite et si coléreuse et plus fière de toute ma vie. Elle semblait leur crier après, mais le bruit était assourdissant et on ne pouvait rien entendre à l’exception des moteurs et des canons des avions.

Puis tout cela cessa. Aussi vite qu’il arriva, et personne ne dit mot sauf Fin « Je n’aurais jamais fait ça, même en étant cinglé ! ».

Ce soir là Monkey sortit le livret d’enregistrement de l’escadron et ajouta le nom de Katina à la liste des membres, et l’officier d’intendance fut prié de lui dresser une tente.

Ainsi donc, le 11 Avril 1941, elle devint un membre à part entière de l’escadron.
En l’espace de 2 jours elle apprit les prénoms ou sobriquets de chaque pilote et Fin lui avait déjà appris à dire « De la chance ? » et « Bon travail !».

Mais ce fut une période d’activité intense et lorsque j’essaie d’y repenser heure après heure, elle paraît floue dans mon esprit.
Je me souviens vaguement de l’escorte des Blenheims vers Valona, et si ce n’était pas ça, c’était le mitraillage des camions italiens le long de la bordure albanienne ou un S.O.S du Northumberland Regiment subissant un bombardement d’enfer par la moitié des avions d’Europe.

Je ne me souviens pas très bien. Je ne me souviens pas clairement de cette période, excepté deux choses.
La première était Katina et qu’elle était avec nous en permanence ; comment elle était omniprésente et comment tout le monde était heureux de la voir circuler partout.
La deuxième est lorsque le Bull entra dans la tente-mess un soir après un vol de patrouille en solitaire.

Le Bull était un type gigantesque avec de larges épaules, un peu bossu, et son poitrail était telle une plaque de chêne massif. Avant la guerre il exerçait diverses activités, la plupart d’entre elles que personne ne ferait sauf si la différence entre la vie ou la mort n’avait aucune importance.
Il était calme et ordinaire et lorsqu’il entrait dans une chambre ou une tente, il semblait toujours qu’il y avait une erreur de casting et qu’il s’était trompé de porte.
Il faisait nuit et nous étions assis dans la tente occupés au jeu de palet sur table lorsque le Bull fit irruption.

On savait qu’il venait juste d’atterrir.
Il jeta un regard circulaire un peu confus et dit alors « Hello !», s’éloigna vers le bar et se servit une bière.
Quelqu’un dit « Vu quelque chose, Bull ? ».
Le Bull répondit « Oui ! » et continua à siroter sa bière.

Je suppose que nous étions tous plongés dans notre jeu de palet car personne ne dit rien d’autre pendant cinq minutes. Alors Peter dit « T’as vu quoi au juste, Bull ? ».
Le Bull posa sa bière et leva le regard. « Cinq S-79 » dit-il. (Savoia Marchetti)
Je me rappelle l’entendre dire, mais je me rappelle également que le jeu était excitant et que Fin avait encore un coup à gagner.
Nous l’avions tous vu le rater et Peter dit « Fin je pense que tu es en train de perdre » et Fin de répondre « Va au diable !».

Nous terminâmes le jeu, je levai les yeux et je vis le Bull encore accoudé au bar faisant du bruit avec sa bouteille de bière.
Il dit «Ca sonne comme le vieux Mauritania actionnant sa sirène en entrant dans le port de New-York » et il continua à souffler dans sa bouteille.
« Qu’est-il arrivé avec les S-79 ? » Demandais-je.

Il arrêta de souffler et posa la bouteille.
« Je les ai descendus !»

Tout le monde l’entendit.
A ce moment onze pilotes dans cette tente cessèrent leur activité et onze têtes se tournèrent brusquement et fixèrent le Bull.
Il but une autre gorgée de bière et dit tranquillement «J’ai compté 18 parachutes d’un coup ensemble dans le ciel !».

Quelques jours après il partit en patrouille et ne revint pas.

Un peu plus tard Monkey reçut un message d’Athènes.
Il ordonnait à l’escadron de rejoindre Elevsis et de là organiser la défense d’Athènes même et aussi de couvrir les troupes en retraite empruntant la passe des Thermopyles.

Katina devait se déplacer avec les camions et nous avions demandé au toubib de veiller à son arrivée.
Ca devait leur prendre une bonne journée de voyage.
Nous avons survolé les montagnes vers le sud, quatorze d’entre nous, et à 14h30 nous sommes arrivés.
C’était un aérodrome agréable avec plusieurs pistes et des hangars ; et pour couronner le tout, Athènes n’était seulement qu’à 25 minutes en voiture.

Ce soir là, alors qu’il faisait sombre, je me tenais debout devant ma tente
J’avais les mains dans les poches admirant le coucher de soleil et songeant à la tâche à accomplir. Plus j’y pensais, plus je savais qu’elle était impossible à mener.
Je levai mon regard et à nouveau vis les montagnes. Ici, elles étaient plus proches de nous, nous encerclant étroitement, flancs contre flancs, hautes et nues, avec le sommet dans les nuages, nous entourant de toute part sauf au sud, où s’étendaient le Pyrée et la mer.
Je savais que chaque nuit, quand il faisait un noir d’encre, quand nous étions tous exténués et que nous dormions dans nos tentes, ces montagnes se déplaceraient, sournoisement un peu plus, silencieusement, jusqu’au jour voulu où elles nous tomberaient dessus dans un grand vacarme et nous repousseraient vers la mer.

Fin sortit de sa tente.

« As-tu vu les montagnes ?» lui dis-je.
« Elles sont imprégnées des dieux. Elles ne m’inspirent rien de bon » répondit-il.
« J’aimerais qu’elles restent comme ça, immobiles » dis-je.
Fin leva les yeux sur les monts de Parnes et de Pentelikon.
« Imprégnés des dieux » dit-il. « Parfois, en plein milieu de la nuit, lorsque la lune est visible, tu peux apercevoir les dieux assis sur les sommets.
Il y en avait un sur le Kataphidi lorsque nous étions stationnés à Paramythia.
Il était énorme, comme une maison mais sans forme précise, et tout noir ».
« Tu l’as vu ? ».
« Bien sûr que le l’ai vu !»
« Quand ? " dis-je. « Quand l’as-tu vu Fin ? »

Fin dit « Allons à Athènes, Allons-y et trouvons des filles ».

Le jour suivant les camions transportant les équipes au sol et les équipements arrivèrent bruyamment sur le terrain, et Katina était assise devant dans le véhicule de tête avec le toubib à ses côtés.
Elle nous fit un signe de la main en sautant hors du véhicule, et courut vers nous, riant et criant nos noms d’une manière grecque bien étrange.
Elle portait toujours la même robe souillée et avait encore son bandage autour de la tête ; mais le soleil brillait dans ses cheveux.
Nous lui montrâmes la tente que nous lui avions préparée mais également la petite chemise de nuit que Fin avait obtenue de manière bien mystérieuse la nuit dernière à Athènes
Elle était blanche avec des petits oiseaux bleus brodés sur le devant et nous la trouvions tous très jolie.
Katina voulut la porter de suite et il fut long de la persuader qu’elle ne pouvait la porter que la nuit.
Six fois de suite Fin devait réaliser la performance de simuler le port de la chemise de nuit, de se jeter sur le lit et s’endormir.
A la fin, elle acquiesça vigoureusement de la tête et comprit.

... La suite demain



* * *

Publié : mer. déc. 22, 2010 10:39 am
par SpruceGoose
...


22/12

Rien ne se passa les deux jours suivants, excepté que le reste d’un autre escadron descendit du nord et se joignit à nous.
Ils apportèrent 6 Hurricanes, portant notre flotte à 20 appareils.

Le troisième jour des avions de reconnaissance firent leur apparition, cerclant au dessus du Pyrée, et nous les avions poursuivis sans succès ayant décollé trop tard. C’était bien compréhensible car notre radar était d’un type spécial.
Il était obsolète à présent, et je doutais qu’il put être d’une quelconque utilité
Dans tout le pays, dans tous les villages, sur les montagnes et dans les îles, il y avait des Grecs et tous étaient connectés à notre petite salle d’opérations par des téléphones de campagne.

Nous n’avions pas d’officier des opérations, et donc nous tournions à tour de rôle chaque jour dans cette fonction. Mon tour arriva le quatrième jour, et je me souviens clairement des évènements.

A 6h30 le téléphone se mit à sonner.
« Ici A7 » dit une voix grecque caractéristique. « Ici A7, il y a des vrombissements au dessus de moi !».
Je jetai un coup d’œil à la carte
Dans un cercle figurait A7 et juste à côté Yanina. Je traçai une croix sur le celluloïde qui couvrait la carte et inscrivit « Bruits » à côté, et « 6h31 ».

Trois minutes après le téléphone sonna à nouveau.
« Ici A4, ici A4, il y a un vrombissement d’enfer au-dessus de ma tête !» dit une vieille voix nerveuse « Mais je ne peux rien voir à cause des nuages ».
Je regardai la carte. A4 était le mont Karava.
Je traçai une autre croix sur le celluloïde et inscrivit « Nombreux vrombissements – 6h34 » et ensuite je traçai un trait entre Yanina et Karava. Il pointait vers Athènes, et je prévins alors l’équipage d’alerte qui décolla et tourna sur la ville.
Plus tard ils aperçurent un Ju88 en reconnaissance bien au dessus d’eux, mais ne purent l’intercepter.

Cette nuit là, après mon service, je ne pouvais m’empêcher de penser au vieux Grec, assis seul dans sa hutte au point A4, sur les pentes de Karava scrutant la blancheur et écoutant jour et nuit les bruits en provenance du ciel
J’imaginais son empressement à saisir le téléphone lorsqu’il entendait quelque chose, et la joie qu’il devait ressentir quand une voix à l’autre bout du fil répétait son message et le remerciait.
Je pensais à ses habits et me demandais s’ils étaient assez chauds, et je pensais, pour quelque raison, à ses chaussures, qui devaient certainement être usées jusqu’à la corde et rafistolées avec des bouts de papier et d’écorces.

On était le 17 avril au soir et Monkey dit « On dit que les Allemands sont à Lamia, ce qui signifie qu’ils sont à la portée de nos chasseurs. Ca devrait être la fête dès demain !».

Et ce le fut.
A l’aube, les bombardiers arrivèrent, avec les chasseurs d’escorte cerclant au dessus, attendant l’attaque, mais n’intervenant qu’en cas de menace sur leurs protégés.

Je pense que nous avons fait décoller 8 Hurricanes juste avant leur arrivée.
Ce n’était pas mon tour de voler, et donc avec Katina debout à mes côtés j’observais les combats du sol
L’enfant ne disait jamais rien. De temps en temps elle tournait la tête en suivant des yeux les petites silhouettes argentées effectuant leur ballet haut dans le ciel
Je vis un avion piquer avec une traînée de fumée noire et je regardai Katina.
La haine qui se lisait sur le visage de l’enfant était la haine fière et bouillonnante d’une vieille femme haineuse dans son cœur ; c’était la haine d’une vieille femme, et si étrange à voir.

Dans cette bataille, nous avons perdu un sergent nommé Donald.

A midi Monkey reçut un autre message d’Athènes.
Il annonça que le moral était au plus bas dans la capitale et que tous les Hurricanes disponibles devaient voler en formation à basse altitude au dessus de la ville afin de montrer aux habitants combien nous étions et combien nous étions forts.
Dix-huit d’entre nous décollèrent.

Nous volions en formation le long des rues principales en rasant les toits. Je pouvais voir les gens lever la tête, se protégeant les yeux du soleil avec leurs mains, nous suivant dans nos manœuvres, et dans l’une des rues, je vis une vieille femme qui ne leva la tête à aucun moment.
Personne ne fit jamais un signe de la main, et je réalisai alors qu’ils étaient tous résignés à leur sort.
Personne ne fit jamais un signe de la main, et je réalisai, bien que ne pouvant voir leurs visages, qu’ils n’étaient même pas heureux de notre présence.

Nous nous sommes ensuite rendus aux Thermpopyles, et en chemin nous avons cerclé l’Acropolis deux fois. C’était la première fois que je le voyais d’aussi près.

Je vis une petite colline – un tas de terre presque, du moins ça semblait – et sur son sommet je vis des colonnes blanches .Il y en avait beaucoup, bien groupées en ordre parfait mais sans se gêner, toutes blanches dans le soleil, et je me dis en les observant, comment il était possible d’en mettre autant au sommet d’une si petite colline d’une manière si élégante.

Et alors nous avons survolé la grande passe des Thermopyles et je vis de longues lignes de véhicules se déplaçant lentement vers la mer.
Je vis occasionnellement des bouffées de fumée blanche d’impacts au sol dans la vallée et je vis un coup direct au but sur la route qui créa une rupture dans la chaîne des camions. Mais nous n’avons vu aucun avion ennemi.

Après l’atterrissage Monkey ordonna « Faites le plein rapidement et redécollez dans la foulée ; je pense qu’ils attendent pour nous clouer au sol !».

Ce fut vain.
Ils fondirent du ciel dans les cinq minutes qui suivirent notre atterrissage.
Je me souviens avoir été dans la salle des pilotes au hangar 2, parlant à Fin et à un grand costaud à la chevelure désordonnée nommé Paddy.
Nous pouvions entendre les impacts sur le toit métallique du hangar, et ensuite des explosions et nous plongeâmes sous la petite table placée au milieu de la pièce. Mais la petite table bascula. Paddy la redressa et rampa en dessous. « C’est quelque chose que d’être sous une table » dit-il. « Je ne me sens en sécurité que sous une table !».
Fin répliqua « Je ne me sens jamais en sécurité ».
Il était assis sur le sol regardant les balles percer la tôle du hangar. Des claquements secs se faisaient entendre.
Rassemblant notre courage, nous nous sommes levés pour regarder discrètement dehors.
Il y avait plein de Messerschmitts 109 cerclant au dessus de l’aérodrome, et un par un ils effectuaient une chandelle et ensuite plongaient sur les hangars, soulevant la poussière avec les obus de leurs canons. Mais ils faisaient autre chose. Ils reculaient leurs verrières et à leur passage ils jetaient des petites bombes qui explosaient au sol et projetaient de nombreuses billes de plomb dans toutes les directions.
C’était les explosions que nous avions entendues, et c’était le bruit que ces billes de plomb faisaient lorsqu’ils touchaient le hangar.
Ensuite je vis les hommes, les équipes au sol, debout dans les tranchées de protection tirant au fusil sur les Messerschmitts, rechargeant et faisant feu aussi rapidement que possible, hurlant et maudissant pendant le tir, visant maladroitement, sans espoir, visant un avion juste avec un fusil.
A Elevsis il n’y avait pas d’autre défense.

Soudain les Messerschmitts firent tous demi-tour et retournèrent d’où ils venaient, sauf un, qui plana et fit un atterrissage sur le ventre sur l’aérodrome.

Ensuite ce fut le chaos.
Les Grecs autour de nous poussèrent un cri, sautèrent dans le camion-citerne et se rendirent auprès de l’avion allemand. Au même moment d’autres Grecs apparurent des quatre coins du terrain, criant, hurlant et voulant la peau du pilote.
C’était une foule en délire criant vengeance et on ne pouvait les blâmer ; mais il y avait d’autres considérations.
Nous voulions le pilote pour le questionner, et nous le voulions vivant.

Monkey qui était debout sur le tarmac nous appela avec force, et Fin, Paddy et moi nous précipitâmes vers la camionnette de service située 50 mètres plus loin. Monkey fut à l’intérieur en un éclair, démarra et accéléra au moment même où nous sautions à l’intérieur.
Le camion-citerne avec les Grecs n’était pas rapide et avait encore 200 mètres à parcourir, et les autres Grecs avaient encore beaucoup de chemin à faire.
Monkey roula très vite et nous les avons lâchés de 50 m. Nous sautâmes hors du véhicule et nous précipitâmes vers le Messerschmitt, et là assis dans le cockpit, il y avait un garçon au cheveux clairs avec les joues roses et les yeux bleus.

Je n’avais jamais vu quelqu’un avec un visage si apeuré.

Il dit à Monkey « Je suis touché à la jambe ! ».


... La suite demain


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Publié : jeu. déc. 23, 2010 10:09 am
par SpruceGoose
...

23/12



Nous l’avons sorti du cockpit et l’avons installé dans la camionnette pendant que les Grecs nous encerclaient.
Une balle lui avait brisé le tibia.

Nous l’avons ramené au camp et l’avons confié au toubib.
Je vis Katina debout près de l’Allemand et le fixant du regard.

La gosse de 9 ans était debout là regardant l’Allemand et ne pouvait parler ; ne pouvait même bouger.
Elle serra sa robe de ses poings et dévisagea l’homme. « Il y a une erreur quelque part » semblait-elle dire. « Forcément une erreur, celui-ci a les joues roses, les cheveux clairs et les yeux bleus. Ca ne peut pas être l’un d’eux. C’est un garçon ordinaire ».
Elle l’observa alors qu’on le transportait sur une civière, et ensuite elle courut dans l’herbe à sa tente.

Le soir au souper je mangeai mes sardines grillées, mais sans pouvoir avaler le pain et le fromage.

Durant 3 jours j’avais un problème d’estomac, comme une boule qu’un futur opéré ressent ou comme le patient d’un dentiste sur le point de se faire arracher une dent
J’avais cette boule en permanence depuis 3 jours, du réveil au coucher. Peter était assis en face de moi et je le questionnai à propos de ça.
« Je l’ai moi-même ressenti durant une semaine entière » dit-il « C’est bon pour les tripes, ça les libère ».
« Les avions allemands sont comme des pilules pour le foie » continua Fin, du dessous de la table. « Elles sont bonnes pour toi, n’est-ce pas toubib ? ».
Le toubib répondit « Tu en as certainement eu une surdose ! ».
« C’est sûr ! » dit Fin « J’en ai eu ma surdose des pilules allemandes pour le foie. J’avais oublié de lire les instructions inscrites sur le flacon ! Prends-en deux avant de partir ! ».

Peter dit « Ah comme j’aimerais me tirer ! ».

Après le souper, trois d’entre nous nous sommes rendus aux hangars avec Monkey qui nous dit « Je suis vraiment ennuyé avec ses mitraillages. Ils n’attaquent jamais les hangars parce qu’ils savent qu’on n’y met jamais rien à l’intérieur. Cette nuit nous allons entreposer quatre des appareils dans le hangar 2 ».

C’était une bonne idée. Normalement les hurricanes étaient dispersés sur toute la périphérie de l’aérodrome, mais ils étaient détruits un par un parce qu’il était impossible de tous les mettre en l’air en même temps.
A nous quatre, nous avons emmené chacun un appareil dans le hangar 2 et avons refermé les grandes portes coulissantes.

Le lendemain matin, avant que le soleil ne se soit levé derrière les montagnes, une nuée de Ju-87 arriva et balaya le hangar 2 de la surface de la terre. Leur visée avait été excellente, en plein dans le mille, pas à côté.

Cet après-midi là, ils ont eu Peter.
Il était parti vers un village appelé Khalkis qui était en train d’être bombardé par des Ju-88, et personne ne revit plus Peter.

Ce joyeux et souriant Peter, dont la maman vivait dans une ferme du Kent et qui lui écrivait des lettres dans de longues enveloppes bleu pâle qu’il gardait fourrées dans ses poches.

J’avais toujours partagé ma tente avec Peter, dès le début de mon arrivée dans l’escadron, et ce soir là, après m’être mis au lit, il revint dans la tente.
Vous n’avez pas besoin de me croire ; je ne vous le demande pas, mais je vous raconte ce qui s’est passé.
J’allais toujours me coucher le premier, parce dans la tente il n’y avait pas assez de place pour accueillir deux personnes en train de s’affairer debout.
Peter arrivait toujours deux ou trois minutes après.

Ce soir là j’étais allé me coucher et j’étais étendu là songeant au fait qu’il ne viendrait pas.
Je me demandais si son corps n’était pas devenu une masse difforme coincée dans les débris de son avion écrasé quelque part sur le flanc d’une quelconque sinistre montagne, ou bien s’il ne gisait pas plutôt au fond de la mer, et j’espérais seulement que l’on puisse éventuellement lui faire des funérailles décentes.

Soudain, j’ai entendu comme un mouvement. Le volet d’entrée de la tente s’ouvrit et se referma. Mais il n’y avait pas de bruits de pas.
Je l’ai ensuite entendu s’asseoir sur son lit. C’était un bruit que j’avais entendu toutes les nuits les semaines précédentes, et toujours le même.
C’était juste un petit bruit étouffé et un craquement des pieds en bois du lit de camp..
L’une après l’autre les bottes étaient enlevées et jetées à terre, et comme d’habitude ça prenait toujours trois fois plus de temps pour l’une que pour l’autre.
Après ça il y eut le petit bruissement d’un drap tiré et ensuite les craquements du lit de camp supportant le poids d’un corps humain.

Ces bruits là, je les entendais chaque nuit, les mêmes bruits dans le même ordre, et à présent je me redressai et dit « Peter ? ».
Il faisait noir dans la tente. Ma voix sonnait fort.
« Hello Peter ! Tu as eu une veine de cocu aujourd’hui ! ». Mais il n’y eut pas de réponse.

Je n’étais ni troublé, ni effrayé, mais je me rappelle m’être touché le bout du nez avec le doigt afin d’être sûr que j’étais bien là ; et alors, parce que j’étais très fatigué, je me suis endormi.

Au matin, je regardai le lit et vis que quelqu’un y avait dormi.
Je n’en parlai à personne, ni même à Fin. Je remis les draps en place et remis l’oreiller en forme.

C’était ce jour là, le 20 avril 1941, que nous avons participé à la Bataille d’Athènes.
Ce fut peut-être la dernière des grandes batailles aériennes de combats de chiens, car de nos jours les avions volent toujours en grandes formations, escadrons ou escadres, et les attaques sont conduites méthodiquement et scientifiquement sur les ordres du leader.
De nos jours personne ne combat vraiment dans le ciel, sauf en de très rares occasions.

Ainsi donc la Bataille d’Athènes fut un long et épique combat de chiens au cours duquel quinze Hurricanes s’étaient vaillamment battus pendant une demi-heure contre cent cinquante à deux cents bombardiers et chasseurs allemands.

Les bombardiers arrivèrent tôt dans l’après-midi.
C’était une belle journée de printemps et pour la première fois le soleil dégageait une réelle chaleur d’été.
Le ciel était bleu, fragmenté de quelques nuages souffreteux ici et là, et les montagnes se dressaient en noir et blanc sur le fond bleu du ciel.
Pentelikon ne cachait pas plus longtemps sa tête dans les nuages. Il nous dominait, sinistre et intouchable, observant chaque mouvement et sachant que tout ce que nous entreprenions était vain.

Les hommes étaient fous et ainsi faits qu’ils devaient mourir, pendant que les montagnes et les rivières suivraient leur cours à jamais et ne remarqueraient même pas le passage du temps.
Le Pentelikon n’avait-il pas de nombreuses années en arrière baissé son regard sur les Thermopyles et aperçu une poignée de Spartiates défendant le passage contre les envahisseurs ; et les a vu combattre jusqu’au dernier ?
N’avait-il pas vu les Perses mis en pièce par Leonidas à Marathon, et n’avait-il pas jeté son regard sur Salamis et la mer lorsque Thémistocle et les Athéniens avaient entraîné l’ennemi loin de leurs côtes, leur causant la perte de plus de deux cents navires ?
Toutes ces choses et plus encore qu’il avait vues, et maintenant il nous toisait, nous n’étions rien à ses yeux.
Il y avait presque un air de mépris sur le visage de la montagne, et je pensais pendant un moment pouvoir entendre le rire des dieux.
Ils savaient si bien que nous n’étions pas assez et qu’à la fin nous allions perdre.

Les bombardiers arrivèrent juste après le déjeuner, et de suite nous avions senti qu’ils étaient en grand nombre
Nous avons levé les yeux et avons vu que le ciel était rempli de petites traces argentées et la lumière du soleil dansait et se reflétait sur une centaine de paires d’ailes différentes.

Il y avait une quinzaine de Hurricanes en tout et ils se battaient comme des diables dans le ciel.
Il n’est pas facile de se rappeler grand-chose d’une telle bataille, mais je me souviens d’avoir regardé en l’air et avoir vu un essaim de petits points noirs.
Je me souviens de m’être dit que ça ne pouvait pas être des aéronefs ; ça ne pouvait tout simplement pas être des aéronefs, parce qu’il n’y avait pas autant d’aéronefs dans le monde.

Et puis ils arrivèrent sur nous, et je me rappelle avoir sorti un peu de volets de telle sorte que je pouvais virer un peu plus serré ; ensuite je me rappelle seulement un ou deux incidents mineurs qui se sont imprimés dans mon esprit.
Il y avait des gerbes de feu sortant des canons d’un Messerschmitt attaquant à mes 3 heures.
Il y avait cet Allemand dont le parachute s’était enflammé au moment de l’ouverture.
Il y avait cet Allemand qui, en arrivant à ma hauteur, me fit un vilain signe du doigt.
Il y avait ce Hurricane qui avait percuté un Messerschmitt.
Il y avait cet avion qui avait percuté un pilote accroché à son parachute, et qui termina dans une vrille folle vers le sol avec un homme et son parachute ballotant dans le sillage de son aile gauche.
Il y avait ces deux bombardiers qui s’étaient télescopés dans une manœuvre destinée à éviter un chasseur, et je me rappelle de manière distincte avoir vu un homme éjecté de la fumée et des débris de la collision, pendu dans les airs avec les bras écartée et les jambes arrachées.

Je vous dis qu’il n’y avait rien qui ne se soit pas passé durant cette bataille.
Il y eut le moment où je vis un unique Hurricane virant serré autour du sommet du mont Parnes avec neuf Messerschmitts à ses trousses et ensuite je me souviens que le ciel s’était éclairci d’une manière soudaine.

Il n’y avait plus aucun avion en vue.
La bataille était terminée.

Je fis demi-tour et mis le cap vers Elevsis, et en chemin je regardai vers le bas et aperçus Athènes et le Pyrée ainsi que le bord de mer formant le golf et poursuivis ma route au sud vers la Méditerranée.

Je vis le port du Pyrée où les bombes étaient tombées et je vis la fumée et les flammes s’élevant des docks. Je vis l’étroite bande costale plate, et sur elle comme de petits feux de joie, de minces colonnes de fumée noire s’élevant en spirale et dérivant vers l’est.

C’était les feux des avions abattus et j’espérais seulement qu’aucun d’eux n’était des Hurricanes.
Juste alors je fonçai droit sur un Junkers 88 ; un traînard, le dernier bombardier à s’éclipser du raid.
Il avait été touché et une fumée noire s’échappait de l’un de ses moteurs. Bien que je faisais feu sur lui, je ne pensais pas que cela faisait une quelconque différence. Il piquait de toute façon.

Nous survolions la mer et je pouvais dire qu’il ne pouvait pas atteindre la terre ferme.
Ce fut le cas.
Il heurta sans violence la mer bleue du golf du Pyrée sur le ventre, à trois kilomètres de la côte.
Je restai là à cercler au dessus, guettant la sortie de l’équipage sur leurs dinghies.

L’avion commença à couler lentement, plongeant son nez sous l’eau et dressant sa queue vers le ciel.
Mais aucun signe de l’équipage. Et soudain, sans avertissement aucun, la mitrailleuse de queue se mit à tirer. Ils tiraient et les balles firent d’horribles petits trous dans mon aile droite. Je fis un virage brusque et me suis souvenu de leur avoir crié dessus.
J’avais ouvert la verrière et je hurlai ma colère. « Bandes de bâtards, noyez-vous donc ! ».

Le bombardier s’enfonça bientôt sur la queue.


... La suite demain


* * *

Publié : ven. déc. 24, 2010 9:04 am
par SpruceGoose
...


24/12



A mon retour, tout le monde était dehors à compter les scores, et Katina était assise sur une caisse, les larmes roulant sur ses joues.
Mais elle ne pleurait pas, et Fin était à genoux à ses côtés, lui parlant en anglais d’une voix calme et gentille, oubliant qu’elle ne pouvait pas comprendre.
Nous avions perdu un tiers de nos Hurricanes dans cette bataille, mais les Allemands en avaient perdu plus.

Le toubib était en train de panser quelqu’un qui avait été brûlé et il leva les yeux pour dire « Vous auriez dû entendre les Grecs sur l’aérodrome crier leur joie à chaque bombardier abattu ! ».

Alors que nous étions debout là à discuter, un camion arriva, un Grec en sortit et dit qu’il transportait des corps mutilés. « C’est la montre qui était sur un bras ». C’était une montre- bracelet en argent avec un cadran lumineux, et au dos étaient inscrit des initiales.
Nous n’avons pas regardé à l’intérieur du camion.

Maintenant, je pense, il nous restait neuf Hurricanes.

Ce soir là un officier supérieur de la RAF arriva d’Athènes et dit « Demain à l’aube, vous décollerez tous pour Megara. C’est à environ 15 kilomètres au sud vers la côte. Il y a un petit terrain où vous pourrez atterrir.
L’armée le remet en état cette nuit. Ils disposent de deux gros rouleaux compresseurs et ils égalisent le terrain.
Après l’atterrissage, vous devrez immédiatement camoufler vos appareils dans les oliviers qui se trouvent dans la partie sud du terrain.
L’équipe au sol se rend plus au sud vers Argos et vous les rejoindrez plus tard, mais il se pourrait que vous devrez opérer à partir de Megara pendant un jour ou deux ».

Fin dit « Où est donc Katina ? Toubib, vous devez trouver Katina et vous assurer qu’elle arrivera à Argos ! »
Le toubib répondit « Je m’en occupe » et nous savions tous que nous pouvions compter sur lui.

A l’aube du matin suivant, alors qu’il faisait encore nuit, nous avons décollé pour le petit terrain de Megara, à une quinzaine de kilomètres.
Nous avons atterri et caché nos appareils dans les oliviers et les avons couvert de branchages.
Nous nous sommes ensuite assis sur le flanc d’une petite colline et attendant les ordres.

Au fur et à mesure que le soleil se levait au dessus des montagnes nous avons regardé vers le terrain et avons vu une foule de villageois grecs en provenance de Megara se diriger vers le terrain.
Ils étaient des centaines, principalement des femmes et des enfants, et ils venaient vers nous à vive allure.

Fin dit « Que diable ! », et nous nous sommes raidis sur notre petite colline pour observer, nous demandant ce qu’ils allaient faire.
Ils se dispersèrent sur la périphérie du terrain et rassemblèrent des brassées entières de fougères et de bruyères. Ils les transportèrent sur le terrain et, formant de longues lignes, ils commencèrent à les éparpiller sur l’herbe.
Ils camouflaient tout simplement notre terrain d’atterrissage.

Les rouleaux compresseurs, une fois avoir égalisé le sol et l’avoir rendu plat pour les atterrissages, avaient laissé des marques facilement visibles du ciel, et ainsi donc les Grecs sortirent du village, hommes, femmes et enfants, pour remédier au problème.
Jusqu’à ce jour j’ignore toujours qui leur avait dit de faire ça.

Ils formaient une longue ligne étendue couvrant le terrain, marchant lentement et éparpillant la bruyère, et Fin et moi les avons rejoints.
C’était en majorité des vieillards et des vieilles femmes, de petite stature et aux airs tristes, avec des visages burinés sombres, et lentement ils éparpillaient les fougères.
A notre arrivée, ils se sont arrêtés et nous ont souri, articulant quelques mots en grec que nous ne pouvions pas comprendre.
Un des enfants tendit une petite fleur rose à Fin qui ne sut quoi en faire, mais se promenait avec dans la main.

Nous sommes ensuite retournés à la colline et avons attendu.
Rapidement le téléphone de campagne sonna.
C’était l’officier supérieur qui parlait.
Il dit que quelqu’un devait décoller pour revenir à Elevsis afin de collecter d’importants messages et de l’argent.
Il dit également que nous devions tous quitter le petit terrain de Megara et nous rendre à Argos le soir même.
Les autres ont répondu qu’ils attendraient jusqu’à mon retour avec l’argent de telle sorte que nous partirions tous ensemble vers Argos.

Au même moment, quelqu’un dit aux deux soldats qui égalisaient encore le sol de détruire leurs engins afin que les Allemands ne s’en emparent pas.

Je me souviens, alors que je montais dans mon Hurricane, d’avoir vu les deux énormes rouleaux compresseurs fonçant furieusement l’un vers l’autre sur le terrain, et je me rappelle voir les deux soldats sauter en marche juste avant la collision.
Il y eu un grand vacarme et je vis les Grecs cesser leur tâche et lever les yeux. Ils restèrent figés un petit moment, suivant des yeux les machines. Ensuite l’un d’eux se mit à courir. C’était une vieille femme et elle courait vers le village aussi vite qu’elle le pouvait, criant quelque chose, et instantanément chaque homme, chaque femme et chaque enfant semblait effrayé et se mit à courir avec elle.

Je voulais les rejoindre et leur expliquer ; leur dire que j’étais désolé mais qu’il n’y avait rien d’autre que nous ne puissions faire.
Je voulais leur dire que nous ne les oublierions pas et que nous reviendrions.
Mais c’était en vain. Confus et effrayés, ils couraient chez eux et ne cessèrent de courir avant d’être hors de vue, vieillards compris.

J’avais décollé et mis le cap vers Elevsis. L’atterrissage eut lieu sur un aérodrome désert. Pas une âme en vue. Je parquai mon hurricane et alors que je marchai vers les hangars, les bombardiers revinrent à nouveau.
Je me cachai dans un trou jusqu’à la fin du bombardement, et ensuite me rendis à la petite salle des opérations.
Le téléphone était encore sur la table, et pour quelque raison, je soulevai le combiné et dit « Allo !».
Une voix plutôt allemande répondit à l’autre bout.
Je dis « Pouvez-vous m’entendre ? » et la voix répondit « Oui, oui je vous entends ! »
« Très bien » dis-je « écoutez bien ! »
« Oui, continuez ! »
« C’est la RAF qui parle. Et un jour nous reviendrons, vous comprenez. Un jour nous reviendrons ! ».
Ensuite j’ai arraché le téléphone de son support et l’ai envoyé traverser la vitre de la fenêtre.

Quand je sortis il y avait un petit homme en vêtements civils debout près de la porte. Il avait un pistolet dans une main et un petit sac dans l’autre.
« Vous désirez quelque chose ?» dit-il dans un bon anglais.
Je répondis « Oui ! Je veux d’important messages et des papiers que je dois rapporter à Argos !».
« C’est donc vous » dit-il, et il me tendit le sac. « Et bonne chance !».
Je repartis vers Megara.

Il y avait deux destroyers grecs immobiles au large, en feu et en train de sombrer.

Je cerclai au dessus de notre terrain et les autres décollèrent, en route vers Argos.

L’aire d’atterrissage d’Argos était une sorte de petit terrain.
Il était entouré de champs d’oliviers denses dans lesquels nous pouvions cacher nos Hurricanes .
J’ignore la longueur de la piste mais il n’était pas facile d’y atterrir.
On devait arriver à vitesse faible, accroché au moteur, et à l’instant du toucher, il fallait appliquer les freins, les relâchant avant de capoter et les appliquant à nouveau pour ralentir.
Un seul pilote avait fait une sortie de piste et l’avion fut accidenté.

L’équipe de sol était déjà sur place et alors que nous sortions de nos avions Katina arriva en courant avec un panier d’olives noires, nous les offrant en pointant nos estomacs, indiquant que nous devions manger.

Fin se pencha et lui secoua les cheveux de la main.
Il dit « Katina, un jour on devra aller en ville et t’acheter une nouvelle robe ! ».
Elle lui rendit un sourire mais ne comprenait pas, et nous avons commencé à manger les olives.

Ensuite je regardai aux alentours et vit que la forêt était pleine d’avions. A chaque coin, il y avait un avion caché dans les arbres, et lorsque nous avons posé la question, on nous avait dit que les Grecs avaient amené la totalité de leurs avions à Argos et qu’ils les avaient parqués dans la petite forêt.
C’était des avions de modèle ancien, pas un seul de moins de cinq ans d’âge, et je ne sais pas combien de douzaines il y en avait là.


... la suite demain


* * *

Publié : sam. déc. 25, 2010 2:28 am
par SpruceGoose

25/12



Cette nuit là nous avons dormi sous les arbres.

Nous avons enveloppé Katina dans une grande combinaison de vol et lui avons mis un protège-tête pour oreiller, et après qu’elle se fût endormie, nous avons formé un cercle et avons commencé à manger des olives et boire du vin résiné tiré d’un énorme tonneau.
Mais nous étions quand même bien fatigués et rapidement nous nous sommes endormis.

Toute la journée qui a suivi, nous avons pu observer des camions de troupes descendant la route vers la mer, et aussi souvent que l’avons pu, nous avons décollé et les avons survolé.

Les Allemands ont continué à affluer et à bombarder la route proche mais ils n’avaient pas encore repéré notre terrain.
Plus tard dans la journée ordre fut donné de faire décoller tous les Hurricanes disponibles à 18h00 pour protéger un important convoi maritime, et les neuf appareils qui étaient tout ce nous restait à présent, furent ravitaillés en carburant et tenus prêts.

Trois minutes avant l’heure, nous avons démarré les moteurs et roulé hors de nos abris formés par les oliviers vers l’aire de décollage.
Les deux premiers avions décollèrent, mais au moment même où leurs roues quittaient le sol quelque chose de noir plongea du ciel et les descendit tous deux en flammes.

J’avais balayé le ciel du regard et avais vu au moins une cinquantaine de Messerschmitts 110 cerclant au dessus de notre terrain, et rapidement quelques uns d’entre eux accentuèrent leur virage et plongèrent sur les sept Hurricanes restants qui attendaient leur tour pour décoller.

Il n’y avait plus de temps pour faire quoi que ce soit.
Chacun des avions fut touché par ce premier passage ennemi, mais ironiquement un seul des pilotes fut blessé.
Il était maintenant devenu impossible de décoller, et ainsi donc nous avons évacué nos avions, avons extirpés le pilote blessé de son cockpit et nous sommes précipités dans les tranchées de protection, les merveilleuses, profondes et zigzagantes tranchées qui avaient été creusées par les Grecs.

Les Messerschmitts prenaient tout leur temps. Il n’y avait aucune opposition ni du sol, ni du ciel, sauf que Fin leur tirait dessus avec son revolver.

Se faire canarder au sol n’est pas du tout plaisant en particulier par des canons d’ailes ; et à moins que l’on ne dispose d’une tranchée bien profonde dans laquelle se blottir, il n’y a pas d’espoir de salut
Pour certaines raisons, sans doute parce qu’ils pensaient nous faire une bonne plaisanterie, les pilotes allemands venaient mitrailler les tranchées avant de s’attaquer aux avions.
Les premières dix minutes ne furent que débandades aux quatre coins des tranchées mais uniquement celles qui ne se présentaient pas parallèlement à la ligne d’attaque des avions.
Ce furent dix minutes pleines et effrayantes, tout le monde hurlant « En voilà un autre ! » et se précipitant affolés vers un autre coin de la tranchée.

Ensuite les Allemands s’en prirent aux Hurricanes et en même temps aux vieux avions grecs parqués tout autour des oliviers, et un par un, méthodiquement et systématiquement, les mirent en feu.
Le vacarme était terrible, et partout –dans les arbres, sur les rochers et sur l’herbe- les obus éclataient.

Je me souviens d’avoir regardé en cachette au-dessus de la tranchée et avoir vu une petite fleur blanche sortie de terre juste à quelques centimètres de mon nez. Elle était d’une blancheur éclatante et possédait trois pétales.
Je me souviens d’avoir porté mon regard au-delà et avoir vu trois des avions allemands piquer sur mon Hurricane qui était parqué à l’autre bout du terrain et je me rappelle avoir crié après eux, bien que je ne savais pas ce que je disais.

Et c’est alors que je vis Katina.

Elle avait surgi d’un coin éloigné du terrain, courant droit vers le centre de cette masse de canons crachant le feu et d’avions en flammes, courant aussi vite qu’elle pouvait.
Elle tomba une fois, se remit sur pied et continua à courir. Elle s‘était ensuite arrêtée et se tenait droite levant ses poings vers les avions à leur passage.
A présent elle se tenait là, debout, et je me rappelle avoir vu un des Messerschmitts virant et venant droit sur elle au ras du sol, et je me rappelle avoir pensé qu’elle était si petite qu’elle ne pouvait pas être touchée.

Je me rappelle voir les gerbes de feu sortant de la bouche des canons lorsque le pilote allemand a fait son passage, et je me rappelle voir l’enfant, pendant une fraction de seconde, dressée immobile, faisant face à la machine.
Je me rappelle que le vent soufflait dans ses cheveux.

Et après, elle s’effondra.

L’instant suivant, je ne l’oublierai jamais.
De tous côtés, comme par magie, les hommes sortirent des tranchées. Et tel un essaim d’insectes, une foule en délire, ils se précipitèrent vers la minuscule masse difforme qui gisait immobile au milieu du terrain.
Ils couraient vite, pliés vers l’avant et je me souviens d’avoir bondi hors de la tranchée et les avoir rejoints.

Je me souviens de n’avoir pensé à rien du tout et seulement avoir la vision des bottes de l’homme qui était devant moi, remarquant que ses jambes étaient légèrement arquées et que son pantalon bleu était trop long.
Je me souviens d’avoir vu Fin arriver en premier, suivi de près par un sergent nommé Wishful, et je me souviens de les avoir vus tous deux soulever Katina et commencer à courir vers les tranchées.

Je voyais sa jambe, qui n’était plus que flots de sang et morceaux d’os brisés, et je voyais sa poitrine sanguinolente tâchant abondamment sa robe blanche à motifs ; je vis l’espace d’un instant son visage qui était d’une blancheur telle la neige du sommet de l’Olympe.

Je courus aux côtés de Fin, et dans sa course, il criait à tue-tête « Les maudits bâtards, les foutus maudits bâtards ! » ; et ensuite, une fois dans les tranchées, je me souviens d’avoir regardé autour de moi et remarqué qu’il n’y avait plus de bruit, ni de tirs.

Les Allemands étaient partis.

Fin dit « Où est le toubib ? » et soudain il fut là, debout à nos côtés, regardant Katina – regardant son visage.
Il toucha délicatement son poignet et sans lever le regard annonça « Elle n’est plus avec nous ! ».

Ils la posèrent sous un petit arbre, et lorsque je quittai les lieux, je vis de toutes parts les feux de tous ces avions qui se consummaient.

Je vis mon propre Hurricane brûler à coté et je restai là debout fixant désespérément les flammes qui dansaient autour du moteur et léchaient les parties métalliques des ailes.
Je restai là debout fixant les flammes, et le feu prenait une teinte rouge sombre, et je vis au travers de cette scène, non pas une masse difforme de débris fumantes, mais les flammes d’un feu plus intense et plus ardent qui brûlait et se consumait dans le cœur du peuple grec.

Je regardais toujours fixement, et je voyais au centre du brasier d’où les flammes rouges surgissaient, une source de chaleur blanche rayonnante, sans aucune couleur.
Comme je fixais toujours, la source commença à se diffuser et devint douce et jaune comme la lumière du soleil, et au travers, au-delà, je vis une jeune enfant debout au milieu d’un terrain avec le soleil rayonnant dans ses cheveux.
Pendant un moment elle se tenait debout les yeux levés au ciel, qui était clair et bleu et sans nuages ; ensuite elle se tourna vers moi et me regarda, et comme elle se tournait je pus voir que le devant de sa robe blanche à motifs était tâchée de rouge sombre, la couleur du sang.

Ensuite il n’y eut plus aucun feu, plus aucune flamme, et je vis juste devant moi les débris distordus d’un avion calciné.

J’avais dû rester là, debout, pendant un bien long moment.


. Roald Dahl – WW2 RAF fighter pilot

Extrait de son livre “Over To You” retraçant ses souvenirs de guerre - (traduction instantanée par SG)

Roald Dahl est entre autre l’auteur de Charlie And The Chocolate Factory, Charlie And The Great Glass Elevator, James And The Giant Peach, The Wonderful Story Of Henry Sugar
A sa disparition en 1990 The Times laissa en rubrique mortuaire « Children loved his stories and made him their favourite… They will be classics for the future ».


En ce jour de Nativité et de réjouissance, ayons une pensée, aussi brève soit-elle, pour les peuples qui n’ont ni le privilège, ni la chance, et donc le bonheur de bénéficier, comme nous aujourd’hui, du bien le plus précieux que l’on puisse trouver sur cette belle planète toute bleue, celui de vivre en Paix !



Joyeux Noël à tous !



* * *

Publié : sam. déc. 25, 2010 11:07 am
par Kamov
Très beau récit merci beaucoup :notworthy

Publié : sam. déc. 25, 2010 11:18 am
par SpruceGoose
L'ouvrage est publié en langue française :

http://www.checksix-forums.com/showthre ... ahl&page=2

EDIT :

http://owen.monblogue.com/2008/07/31
Durant la dernière guerre, un groupe d'aviateurs anglais à bout de forces se promène parmi les décombres: villages de morts vivants, plages désertes, cafés fantômes.Témoins de crimes odieux, voyageurs sans bagages qui n'ont pas pris la peine de réserver leur billet de retour, ces hommes deviennent peu à peu nos doubles de solitude. Lâches et suicidaires, ils représentent précisément les antihéros que Roald Dahl affectionne. Mais si l'on retrouve dans A tire-d'aile l'humour féroce et la poésie secrète que nous connaissions à l'écrivain, ce livre nous permet d'en découvrir un nouveau visage: celui de la tendresse et de la mélancolie.

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Publié : sam. déc. 25, 2010 11:36 am
par Kamov
Merci SpruceGoose je viens d'en dégoter un exemplaire :notworthy

Publié : sam. déc. 25, 2010 11:47 am
par SpruceGoose
Kamov a écrit :je viens d'en dégoter un exemplaire
Alors bienvenue dans l'univers de Roald Dahl !

Personnellement mon histoire préférée du livre est An African Story (je ne sais pas comment ça a été traduit en français. Tu verras bien).

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Publié : sam. déc. 25, 2010 12:06 pm
par Marc"Phoenix"
Merci :yes:

Mais j'aurais qu'une chose a dire sur l'histoire elle meme et sa conclusion très triste , pour les dépressif en cet periode de fête je recommende pas :crying:

Ceci dit lisant au jour le jour j'voyais "le coup venir" d'avance
Bref pas fan de tel histoire en periode de fête , il y a deja assez de motif durant l'année de se faire du mauvais sang sans en remettre une couche

Woualla cet un apparté tout personnel et sans jugement sur fond et ou devoir de se souvenir qu'il a/eu pire que nous et remercié ceux qui se sont battu a l'epoque pour nous puissions beneficié de notre liberté ....:yes:

:cowboy:

Publié : sam. déc. 25, 2010 12:11 pm
par SpruceGoose
Pas de problème Marc "Phoenix".
J'aime la franchise.

Pour te dire ma pensée de départ, c'est en partant de ma remarque finale écrite en bleu que l'idée m'est venue subitement d'y associer ce souvenir de R Dahl.

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Publié : sam. déc. 25, 2010 1:55 pm
par TOMPCAT
trop triste :crying:

Publié : sam. déc. 25, 2010 2:09 pm
par Marc"Phoenix"
Oui

Mais sur le fond de l'histoire , les sentiment ressenti sont subtilement exprimé en finesse c'est un texte a lire plusieurs fois a different moment

Bref je réitere mes remerciement SpruceGoose j'ai "decouvert" d'autre sujet a "cogitation" ......... mais après les fetes lollollol:exit:

Ps: Je vais essayé de trouvé le livre, si toute les histoire sont aussi finement racontée cela promet :notworthy:cowboy:

Publié : sam. déc. 25, 2010 2:16 pm
par SpruceGoose
Lisez Roald Dahl en anglais si vous le pouvez!

Sur ce passage j'ai fait une traduction instantanée afin de rester le plus près possible de l'esprit de son écriture.

Il y a forcément des maladresses, mais en relecture depuis plusieurs jours, j'ai trouvé pas mal.

Il est possible qu'un ouvrage traduit par un professionnel puisse faire dériver quelque peu... je ne sais pas, je n'ai jamais lu aucun de ces livres en français.

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Publié : sam. déc. 25, 2010 2:57 pm
par TOMPCAT
j'ai tout lu d'un coup sans pouvoir m'en passer , j'ai espéré jusqu'à la dernière ligne une issue heureuse pour la petite héroïne d'ou mon message premier j'y croyais c'est noël. j'ai des filles , petites et plus grandes . comment ne pas faire de rapprochement et de mises en situations . cette histoire vraie est trop triste pour aujourd'hui , vais avoir du mal à me remonter le moral :crying:

Publié : dim. déc. 26, 2010 4:02 am
par Arekushi
J'ai immédiatement pensé à Dahl en lisant l'histoire ! Escadrille 80 était un de mes bouquins préférés quand j'étais plus jeune ! Et je dois dire que c'est plutôt bien retranscrit.

Joyeux Noël

Aru

Publié : dim. déc. 26, 2010 11:39 am
par SpruceGoose
TOMPCAT a écrit :j'ai tout lu d'un coup sans pouvoir m'en passer , j'ai espéré jusqu'à la dernière ligne une issue heureuse pour la petite héroïne d'ou mon message premier j'y croyais c'est noël. j'ai des filles , petites et plus grandes . comment ne pas faire de rapprochement et de mises en situations . cette histoire vraie est trop triste pour aujourd'hui , vais avoir du mal à me remonter le moral
Je comprends très bien ta position

Cependant il y a une chose importante qui a été détournée dans l’esprit de Noël avec le temps et l’évolution des mœurs.
De nos jours nous connaissons la veillée et le repas de Noël, le Père-Noël, les cadeaux qu’on échange, et surtout qu’on offre aux enfants, le sapin et le marché de Noël.

Si Noël est donc de nos jours ressenti plus comme une fête de l’innocence, des enfants et de la famille réunie, il nous faut nous rappeler que, comme à l’origine, l’esprit de Noël doit surtout être ressenti comme la fête de l’espoir dans un monde meilleur, de paix avec soi-même et avec les autres, c'est-à-dire ceux qui souffrent quelque part.

Ayant la chance indirecte (je ne parle pas du fait de pouvoir découvrir des paysages nouveaux) de pouvoir parcourir les quatre coins du globe assez régulièrement, je reconnais que les contacts que j'ai pu avoir jusqu'ici avec les populations locales n'ont fait que briser petit à petit le rempart de tous les préjugés accumulés par maintes et maintes années d'éducation (dans tous les sens du terme), et que la plus grande richesse que m'ait apportée la profession de navigant n'est certainement pas le nombre ou type d'avions différents, l'émerveillement des paysages admirés ou encore les fabuleux monuments humains visités, mais tout modestement la simple lueur de générosité que j'ai pu trouver chez l'être humain aussi bien au fond d'une forêt d'Amérique du Sud ou encore quelque part sur la Grande Muraille de Chine, ou encore dans un petit village perdu dans la savane africaine que sur le parvis de l'église située rue Sibour près de la gare de l'Est à Paris.

Er cela me rappelle quelques paroles d'une remarquable chanson de Sting "The Russians they love their children too..."

Partout dans le monde, les gens sont comme vous !

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Publié : dim. déc. 26, 2010 8:19 pm
par anto-big-boss
[est parti se tirer une balle. Revient dans 5 minutes]

Très belle histoire, écrite par un remarquable auteur, d'une très grande poésie (quoi qu'on ait connu Dahl plus joyeux, quand même...) Je sais pas pour vous, mais j'ai lu "Charlie et la chocolaterie/le grand ascenseur de verre" au moins 5 fois étant petit !

Publié : dim. déc. 26, 2010 9:09 pm
par SpruceGoose
Roald Dahl adorait écrire pour les enfants, mais dans ses nouvelles pour adultes on touve également des histoires truculentes.

De nombreuses histoires courtes tirées des nouvelles ont été tournées pour la télévision anglaise sous le titre Tales of the Unexpected.

Ex :

http://www.play.com/DVD/DVD/6-/Search.h ... chsource=0


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