Hoser stories
Publié : dim. mars 01, 2009 5:49 pm
Pour les non-initiés, Joe "Hoser" Satrapa est une légende de l'US Navy. Il appartient à cette race un peu étrange de vrais chasseurs, mélange particulier d'incroyables talents de pilotage, caractère ultratrempé, mentalité borderline, forte inclinaison pour les armes et pour les bonnes chouilles entre potes, confiance absolue en ses capacités, agressif. Pour lui, hors de la communauté des chasseurs, point de salut, l'humanité se résumant aux pilotes de chasse d'un côté et une foule sans talent et sans intérêt de l'autre.
Pilote de F-8 au Vietnam, il était connu pour trainer 20 kg d'armements divers chaque fois qu'il partait en mission, au cas où il soit forcé de se battre au sol en territoire ennemi. Ou pour pêcher...
Lorsqu'il était instructeur sur F-14, il est réputé pour ses harangues à la Patton. Il entrait dans la salle coiffé d'un casque chromé, cravache sous le bras et mettait les élèves à l'aise : «*toi, le mec avec des bras comme des cure-dents, va falloir soulever de la fonte parce que sur F-14, pour chaque G supplémentaire, c'est 15 kg de plus à appliquer sur le manche pour virer !*». Il avait quelques phrases bien senties comme "les missiles c'est pour les fillettes", "le seul bon kill est un gunkill", "il faut s'approcher et viser le canopy, car si tu ne tues pas le pilote, il reviendra pour te tuer, toi" et encore, "si ton ennemi se balance au bout de son parachute, farcit-le de plomb". Bref, une énorme grande gueule, un caractère de blaireau enragé (imaginez) et des compétences hors-normes qui ont même amené un amiral à le sortir de sa retraite pour reprendre du service comme instructeur "combat" sur F-14. Au total, Hoser dépasse allègrement les 6000 h de vol dont plus de 4000 sur F-14. Il a volé sur F-8, F-14, A-4 comme agresseur, A-5, C-121 (hé oui, il a été puni aussi), F-18, etc. Il a été instructeur à Top Gun, évaluateur à la VX-4, instructeur ACM dans les RAG F-14. Et pour occuper sa retraite, il combat les feux de forêts à bord d'un S-2 transformé.
J'ai récolté, ici et là, quelques Hoser Stories que se racontent avec délectation les équipages de l'US Navy, quand vient le moment de se délasser. Toutes n'ont pas Hoser comme héros, mais toutes sont vraies.
Je complèterai cette prose à fur et à mesure que j'en traduirai d'autres. J'espère que ça vous régalera.
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D'abord, l'un des histoires les plus légendaires.
Hoser, à bord d'un F-14, doit affronter un F-5 Agressor lors d'un 1V1 classique. Alors qu'ils sont côte-à-côte au seuil de piste, Hoser se tourne vers son opposant et mime, les deux mains posées sur la palette du tableau de bord de son F-14, le tressautement de deux mitrailleuses de la première guerre mondiale. Ok, répond l'agresseur d'un signe de tête, combat canon ce sera, sans missile, au couteau dans un ascenseur.
Après la montée au niveau prévu, les deux avions se séparent pour une rencontre face-à-face. Sous guidage radar, leur séparation atteint 20 nautiques, puis c'est le reverse, head-on, 1000 kt de vitesse de rapprochement. La distance se réduit rapidement, l'agresseur prêt pour un engagement à l'ancienne. A sept nautiques de séparation, Hoser annonce "Fox One". Kill imparable. L'agresseur est fou de rage et le fait savoir lors du croisement : «*Bordel, à quoi tu joues ?*», hurle-t-il alors que les avions se frôlent. "Ah mince, désolé, j'étais distrait. On reprend, guns only hein !", répond Hoser.
Donc, séparation sous guidage radar jusqu'à 20 nautiques, reverse... et "Fox one" de Hoser à 7 nautiques. L'agresseur est hystérique, il a la bave aux lèvres, mais trop tard, c'est le bingo fuel, le F-5 étant réputé pour ses courtes pattes et sa durée d'engagement faible. De son côté, Hoser avait déjà rejoint le plancher de combat et filait sur Nellis dare-dare.
Alors que Hoser est déjà au mess en train de biberonner une bière, l'agresseur entre furieux et, apercevant son adversaire du jour tranquillement accoudé au bar, l'air de rien, hurle "et que fais-tu de ta crédibilité, hein ?". Calmement, Hoser tend une main avec le pouce pointé vers le bas, à la romaine, et annonce : "credibility is down". Levant le pouce : "kill ratio is up".
Et il termine sa bière.
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Hoser, alors capitaine de corvette et instructeur à Oceana à la VF-101, est programmé avec un étudiant dans un autre F-14, pour un 2V2 contre des F-15 de Langley. Problème : sur le tarmac, son ailier connait des problèmes mécaniques et doit annuler son vol. Qu'à cela ne tienne, Hoser décolle quand même pour ce qui devient un 1V2... sauf que les F-15 ne le savent pas. Pendant tout le domestic jusqu'au lieu du combat, Hoser discute à la fréquence avec son nav, écoutée aussi par les F-15, pour faire croire à une patrouille de deux avions. Il échange ainsi, avec le type assis trois mètres derrière lui, des séparations, des états de carburant, des changements de cap et de formation... Il s'annonce même comme un «*flight*» de deux avions au contrôleur de la zone.
Le combat commence. Au merge, les deux F-15 repèrent un F-14 (étonnant, hein ?) et se mettent à la recherche de l'autre, la tête montée sur pivot. Entretemps, Hoser a fait sa petite cuisine, amenant tout le monde en basse vitesse, pile-poil dans le domaine de compétences du F-14. Il tourne alors dans un mouchoir de poche, les ailes à flèche minimale, à forte incidence et épuise les F-15 et leurs grandes ailes. Il aligne deux kills sans trop transpirer. C'est le moment que les pilotes des deux F-15, un colonel et un lieutenant-colonel, choisissent pour réaliser la supercherie, eux qui avaient mené leur affaire pour se défendre d'un second Tomcat. Très en colère, ils réclament une revanche, sauf que cette fois, le 1V2 est clairement établi et que les deux larrons ont une furieuse envie de bouffer du F-14. Hoser hausse les épaules, recommence sa cuisine et descend ses deux opposants.
De retour à leur base, les deux pilotes d'Eagles, un brin hallucinés par la branlée majestueuse qu'ils venaient de prendre, appellent la VF-101 pour connaître le nom du type qui "fait ces trucs incroyables". Le commandant de la flottille, interloqué, réclame des détails. On lui donne l'heure du combat et l'indicatif du Tomcat. Le skipper jette un œil sur le tableau de service, hausse un sourcil en lisant le nom de Hoser et redirige ses interlocuteurs sur le téléphone personnel de Hoser, non sans l'avoir auparavant prévenu. Hoser prend la ligne avec le pilote de F-15 en gueulant, dans un style réglementaire, "sous-lieutenant Satrapa, à vos ordres mon colonel ! Merci mon colonel !". Imaginez la tête du colonel qui croit s'être fait farcir de plomb par un stagiaire...
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Alors qu'il était à la flottille de test VX-4, Hoser faisait partie de l'équipe chargée de tester la capacité de tir frontale de l'AIM-9L. Cette version était capable, selon Raytheon, de trouver une cible par le quart avant sans avoir à manœuvrer. Le pilote n'avait qu'à obtenir la tonalité, ce fameux bourdonnement grave du Sidewinder qui a flairé une source de chaleur, et lâcher sa bûche sans chercher à se placer sur l'arrière de l'adversaire. Les essais montraient effectivement une bonne sensibilité du winder... sauf que, quand Hoser servait de cible, le 9L ne parvenait pas à accrocher. Jamais.
A Point Mugu, certains flairaient le vice. Plus Hoser servait de cible, plus le kill-ratio du missile chutait.
On interrogea donc Hoser sur sa technique, lequel ne demandait que ça. "Ok. D'abord, il te faut un maximum de badin, mais alors, un truc bien joufflu, hein. Ensuite, à 10 nautiques, tu coupes tout. Quand je dis que tu coupes, te ne les mets pas au ralenti hein, tu ARRETES les moteurs, tu tournes cette putain de clé, point barre ! A deux nautiques, tu rallumes les bouzins, t'as encore 400 kts au merge et tu peux manœuvrer sur le plan vertical."
Jamais la Navy n'a voulu mettre cette technique dans ses manuels...
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A son arrivée au RAG (Replacement Air Group) de Miramar sur F-14 (VF-124), Hoser a, un soir, effectué un vol de nuit. Après s'être éloigné de la côte, il revint longer le littoral en supersonique à basse altitude et réveilla toute la Californie, semant son bag de San Diego jusqu'à Los Angeles. Détail important : il accomplit son forfait avec un seul moteur en post-combustion. Puis il revint se poser.
La matin suivant, les gradés faisaient la chasse au foutu pilote de F-8 qui avait pété toute les vitres de l'État...
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Fin 1968, NAS El Centro, exercice de tir canon pour un patrouille de quatre F-8 Crusader. Le niveau de tir était à 15000 ft avec un point haut à 20000. C'est le 6e run du vol, Hoser dirige l'assaut. Alors que la patrouille rejoint son point haut pour la sixième fois, le n°3 de la patrouille, Larry Morris, annonce une extinction moteur. Break et tentative de rallumage par RAT dans la descente, sans succès. Éjection normale à 8000 ft. Hoser suit le F-8 sans pilote dans sa descente et constate, avec étonnement, qu'il ne produit qu'un gros nuage de poussière en s'écrasant. Pas de feu, pas d'explosion, juste de la poussière.
Morris, arrivé sain et sauf au sol, avoue que dans le feu de l'action, il a un peu perdu de vue sa jauge de carburant et que, oups, il se pourrait que le flame-out soit la conséquence d'une panne de carburant. Il est aussitôt affublé du surnom « fumes » (vapeurs) par ses collègues, convaincus qu'il avait fait la dernière montée avec des vapeurs de kéro dans les réservoirs.
Quatorze ans plus tard, Larry «*Fumes*» Morris rejoint le RAG F-14 de la côte Est, la VF-101. Il est présenté, à l'assemblée générale des pilotes du lundi matin, comme le CDR Larry « Magic » Morris. En 14 ans, il était donc parvenu à faire oublier les histoires de vapeur. C'est alors que, du fond de la salle d'ops, on entend quelqu'un dont la voix ressemblait à celle d'Hoser dire, « vous voulez dire par là que c'est magique de voler aux vapeurs de kéro avec un Crouze ? ».
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Entre 74 et 78, l'USAF et l'USN ont organisé une compétition entre F-14 et F-15 à Nellis, appelée ACEVAL/AIMEVAL. L'objectif était d'évaluer les capacités air-air de ces avions contre les F-5 de Nellis. Ordre avait été donnée aux pilotes de l'Air Force de ne jamais se confronter directement, en combat, aux F-14.
Autant dire que cela laissait Hoser parfaitement insatisfait, d'autant que l'ambiance s'était progressivement détériorée entre pils de Tomcats et d'Eagles au cours de la campagne. Chacun rêvait d'en découdre, à tel point que vers la fin de la compétition, Hoser réussit à arranger un combat en douce avec des monits du 415th.
Le vol consistait en un 2V2, canon uniquement, pas de fox one, ni de fox two. Arrivés sur zone, les deux marins initient un large crochet avec un split à 10000 ft, un avion haut et un avion bas, et une accroche radar à 25 nautiques. Le combat dérive immédiatement en deux 1V1, provoqué par le split précédent, un F-14 combattant haut et Hoser entraînant son opposant en BA à faible vitesse. Hoser annonce un gunkill à une distance de 250 ft tandis que son ailier réalise le même travail un poil plus haut.
De retour à la base, sentant le coup fourré des photographes de Nellis, les deux compères envoient les cassettes des guncams à Grumman. Le lendemain, un général de l'Air Force furibard débarque dans les locaux provisoires de la VX-4 et réclame les films sur le champ. En fait, ce combat avait fait son petit effet car les Japonais, sur le point d'acheter des F-15, avaient eu vent du fiasco de l'Air Force et réclamaient une évaluation du F-14. Au Pentagone, certains voulaient la tête des deux marins impliqués. L'affaire se termine sans trop de sang, tout le monde faisant profil bas et les cassettes repartant entre les mains du général. Le Japon achète des F-15 et l'affaire n'a donc jamais eu lieu.
Sauf que Hoser avait des copies... Desquelles il a tiré un cadre qu'il a installé chez lui...
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NAS Miramar, au point de ravitaillement « hot », c'est à dire moteurs tournants. Un F-8, piloté par Freddy Pfluger, achève son remplissage, indicatif Corktip 401. Derrière lui, trois autres F-8 attendent leur tour, dont Hoser, indicatif Corktip 403.
Alors que les mécanos déconnectent le tuyau de ravito, Hoser se branche sur la tour et annonce : « Euh... Le Sol, ici euh... Sol, donc, ici euh... Porktip... Porktip Quatre euh... quatre... Euh, c'est quoi le numéro de cet engin, là ? ». « Quatre Zero Un » annonce un autre pilote, complice. « Euh ouais, reprend Hoser, ici Porktip Quatre Zero Un, je déconnecte du... euh... pfff... du ravitalement... euh, ravatilement... euh, rav... Bref, je demande l'autorisation, de... euh... Quatre Zer... Zero euh... Un, pour rejoindre la piste numéro... euh... non, la bretelle... on... et pis zut, laissez tomber ».
Freddy Pfluger se met alors à gueuler dans la radio « c'est pas moi !, c'est pas moi ! », à quoi Hoser répond « si c'est toi ».
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Durant le Vietnam, ordre était donné aux pilotes de F-8 de tirer aux canons à chaque mission, nécessité technique pour les maintenir en état de fonctionner. Il arrivait cependant que lors d'une passe de tir air-sol, les canons s'enraillent. Hoser restait donc sur sa fin, n'ayant pas eu sa ration de Viets.
Il avait alors l'habitude, quand cela se produisait, d'utiliser la petite vanne de dépressurisation située du côté droit du cockpit. Il tournait la petite trappe trois dans le sens des aiguilles d'une montre. La trappe était ensuite dégagée, laissant apparaître un accès suffisamment grand pour permettre à Hoser d'y passer son arme personnelle, un Colt Python semi-auto, qu'il déchargeait rageusement lors d'une autre passe air-sol. Difficile de dire s'il atteignait quelque chose, mais ça lui faisait du bien.
De retour sur le PA, les mécanos disposaient de deux indices pour deviner que les canons du F-8 s'étaient enrayés :
1. Les traces noirâtres laissées par le colt sur la carlingue, au niveau de la trappe de dépressurisation.
2. Les douilles que Hoser, nonchalamment, jetait dans l'océan en retournant son colt au bord du pont.
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Cette histoire n'implique pas Hoser, mais un de ses amis. Elle vaut d'être contée car elle est absolument Hoser's Style.
Le 1er mai 1967, l'US Navy réalise son premier raid de bombardement sur l'importante base nord-vietnamienne de Kep, située au nord de Hanoï. Pour l'atteindre, il faut donc traverser la plus imposante défense aérienne jamais réunie, une concentration insensée de missiles sol-air, de canons anti-aériens, de radars... et de MiGs. La mission est complexe, englobant plus de cinquante avions, de la veille radar aux TARCAPs en passant par les Wild-Weasels. Déjà, les problèmes s'accumulaient avec la panne, sur le pont, pour une patrouille de F-4 chargés de la protection, et des combats avec des MiG-17. Un ennemi avait d'ailleurs été abattu.
Le LCDR TR Swartz pilote un A-4C de la VA-76, chargé de la suppression d'affuts triple à l'un des bouts de la piste. Pour ça, il dispose de quatre pods Zuni (roquettes non-guidées) par avion.
Swartz n'a pas le temps de s'assoir et réfléchir à tout ça, il a un objectif à traiter. Il faut arriver vite, frapper et dégager fissa en secouant le Skyhawk dans tous les sens, larguer des leurres, regrouper et filer très vite vers le sud.
Arrivé sur place, au milieu de la confusion, il repère son objectif et initie son run. Du coin de l'oeil, il aperçoit deux MiG-17 qui décollent. Changement d'objectif, il aligne les deux jets et les fait exploser. Durant le pull-out, en virage à gauche, il repère deux autres ennemis, à deux heures, sur une trajectoire parallèle à la piste de droite à gauche, à plus ou moins 550 kt. Ca déboule. Son ailier, chaud bouillant, annonce sur la fréquence : «*on se les fait*». Le temps de prendre une décision, les deux MiGs sont à l'intérieur de son virage, à 7.30 h et moins de 500 m. Ils gagnaient une bonne position, bouffant des Gs pour rester à l'intérieur du virage, le ventre tourné vers Swartz. Sans attendre, ils ouvrent le feu sur son A-4 qui envoie un High-G barrel roll par la droite. Les MiGs perdent le visu et dégagent par la gauche alors que Swartz les surplombe. Un instant, il pense à se défaire des pods Zuni pour gagner plus de pêche, puis il se souvient qu'il n'a pas complètement vidé le dernier pod, dont le mode «*single salvo*» était sélecté. Sans réfléchir, il aligne l'ailier et lâche une roquette qui va perdre loin derrière sa cible. Évidemment, espèce de crétin, en virage à 4.5G à 2500'AGL, tu voulais quoi ? Nouvel essai, le MiG sur le nez du Skyhawk, mais nouvel échec. Merde, faut s'appliquer là, ça urge. Le dernier tir devrait être plus simple, l'angle est plus fermé et la déflexion moins marquée. La distance est d'environ 250 ft, Swartz lève le nez de son avion et place sa cible plus ou moins au milieu de son tableau de bord, hors de son champ visuel. Feu ! En baissant le nez, l'américain découvre qu'il a fait mouche ! Il ne reste pas pour savourer et fiche le camp aussi vite que possible, complétement sidéré par cet incroyable coup de bol.
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Hoser n'avait pas que des bonnes idées.
Alors qu'il était instructeur «*ACM*» à la VF-101, il avait ressorti de la naphtaline le truc le moins utilisé dans un F-14 après le cerveau des pilotes, les guncams ! C'était, selon lui, le moyen de valider les tirs canons des étudiants sur les cibles tractées. Jusque là, rien de scandaleux. Sauf que Hoser remarqua très vite que sur les bandes, il manquait toujours les premières milli-secondes du run, juste avant le renversement. Embêtant pour faire un débriefing correct.
Il se retira et rumina sur le sujet. Et il eut une idée.
Au briefing d'avant mission, avec tous les équipages assemblés, il détailla son plan. Il suffisait au pilote d'appuyer jusqu'à mi-course sur la détente afin d'enclencher le guncam juste avant le renversement. Puis, en position, de presser franchement pour ouvrir le feu sur la cible tractée. «*Oups*», pensèrent les instructeurs RIO... Mais on ne change pas comme ça le course d'un Hoser.
Tout le monde file aux avions. Un RIO remarque que ce jour-là, ce n'est pas Hoser qui tracte la cible. Mouais. Bref. Arrivé sur la zone, Hoser rappelle la procédure pour enclencher la guncam et appelle le premier étudiant. Ok. Le gars se prépare : canon sélecté, tableau d'armement actif. Il attrape la cible, la suit en se contorsionnant sur son siège et quand elle est au milieu de la boucle d'éjection supérieure droite, il appuie un chouilla sur la détente et hop !, renversement !... Et des dizaines d'obus et de traçantes sont éparpillés partout dans le ciel. Fin de mission. On ne reparla plus de cette brillante idée de Hoser.
Le jeune pilote coupable d'avoir ruiné ce projet fut immédiatement affublé du surnom «*squirt*».
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Dans la vie d'un RIO instructeur, il y a plusieurs moments difficiles : l'entraînement au tir sur cible en est un, l'appontage du nuit avec un nugget devant en est un autre, mais rien n'est plus flippant qu'un ravitaillement de nuit.
Le pauvre stagiaire navigue autour du panier, qui frappe la verrière, raye la peinture, explose les fibres du radôme et arrache même les sondes pitot (des deux côtés de l'avion !). A chaque fois, le risque d'ingestion d'un corps étranger par un moteur était maximal. Le pire, c'est qu'un pilote-stagiaire doit en faire 6, pas 3 ou 4, mais 6. Si le gars n'y arrive pas, il faut remonter le lendemain et recommencer le même cauchemar. Les instructeurs RIOs détestaient ça et tentaient d'y échapper autant que possible.
Un soir, un F-14 est rentré de sa qualif tellement abîmé, tellement esquinté par sa balade autour du panier, que son état nécessitait une réparation prolongée. Pourtant, sur son carnet de vol, le stagiaire était crédité d'un «*BON*».
Le skipper convoque l'instructeur chargé de la notation et annonce : «*désolé, quand on explose un avion comme ça, on ne donne pas un BON. C'est un MAUVAIS, faut le faire repasser*».
Ah... Mince...
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Toujours dans la gamme des ravitos ratés : Un étudiant cravache tellement avec son panier qu'on dirait de l'escrime. En garde !, paré !, touche ! Au milieu de toute cette bagarre, malgré les supplications de son instructeur RIO pour y aller mollo, le pilote accomplit l'exploit d'emmancher à travers les mailles d'acier du panier. Il recule tant bien que mal sans rien casser (!), mais la perche est courbée de 45° vers l'arrière. Le RIO annonce qu'il est RTB. Son pilote, chaud-bouillant, réclame le droit de faire une nouvelle tentative. «*Impossib'*», lui annonce l'instructeur, «*mate le panier*». «*Ah*», répond le jeune gars en regardant le spectacle. Et il replie la perche... Le RIO lui explique que ce n'est pas la meilleure idée qu'il ait eue jusque là et lui donne le cap de retour sur Oceana. Sur ce, le pil' incline son F-14... et allume la post-combustion !
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La VX-4 avait une politique plutôt libérale vis-à-vis des ces pratiques. N'importe quel pilote pouvait prendre un F-4 le vendredi après-midi à condition de le ramener le dimanche soir. Du coup, Hoser en profitait pour aller passer le week-end à Pensacola, soit une balade de 7000 km aller-retour.
Le plan de vol déposé, l'indicatif était généralement «*Hoser 01*», une façon d'être reconnu par toute la foule des amis qui avaient rejoint les compagnies aériennes. Ainsi, il ne se passait pas dix minutes sans que le contrôle, de la part de Air Machin 342, ne demande comment allait cet enfoiré, signé BigFlush ou autre ancien du F-8 ou du Viggie.
Un jour qu'il croisait à 35000', son RIO repère une odeur de fumée (à cette époque, on dispensait le masque quand ce n'était pas absolument nécessaire). Après enquête relativement courte, il s'avère que Hoser, en place avant, avait du mal à allumer sa cigarette et que du coup, il l'avait placé devant son masque pour souffler de l'oxygène dessus. Et... ouais, ça faisait un peu de fumée.
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NAS Cubi Point, à l'époque du Vietnam. Lendemain d'énorme fête, juste avant le retour à Yankee Station. Les pilotes ont abusé de la boisson, vraiment abusé. Hoser est n°3 derrière deux autres F-8. Point d'arrêt au seuil de piste, le leader demande une pause. Hoser le regarde ouvrir sa verrière, se pencher sur la gauche et... vomir. Il se nettoie avec la manche de sa combi, se rebrêle, ferme la verrière, fait un signe à son ailier, allume la PC, et braoum, c'est parti.
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Septembre 1987, en mer Méditerranée. Un RF-4 décolle de la base italienne d'Aviano en mission d'entraînement. Son objectif est de retrouver et survoler le porte-avions USS Saratoga après avoir contourné toutes les défenses.
Le vol se passe sans encombre jusqu'au ravitaillement. Alors qu'il termine cette manœuvre, l'équipage du Phantom est rejoint par un F-14A de la VF-74. La rencontre les interpelle, d'autant que le Tomcat ne prend pas de carburant et semble les suivre à distance. Au bout d'un quart d'heure, l'avion de reconnaissance est parvenu à se défaire de son poursuivant et pense être au bout de ses efforts puisque le Saratoga est en vue. Soudain, une large explosion se produit, l'avion décroche brutalement et les pilotes sont éjectés.
Récupérés par un hélicoptère, ils sont amenés devant le commandant du navire qui, gravement, leur explique qu'ils ont été abattus par le F-14.
Après enquête, l'histoire s'éclaircit : le F-14 suiveur était piloté par le Lt Tom Dorsey et son RIO était le LCDR Ed Holland. Alors qu'ils menaient une mission totalement étrangère à la manip' du Phantom, ils avaient été replacés par le contrôle pour suivre le RF-4 à distance et prendre les mesures nécessaires pour empêcher le survol. Pour le jeune Dorsey, ce changement d'ordres était hautement suspect, d'autant que, très vite, le contrôle annonce «*warning red, weapons tight*». Ce message implique, pour l'équipage, d'armer ses missiles et de trouver une opportunité de tir.
Dorsey, qui suit le RF-4 à une distance inférieure à 1000 m, n'en croit pas ses oreilles : «*ils veulent qu'on descende le F-4*». Son RIO, concentré sur l'image télé fournie par son système de visualisation TCS, ne voit pas son pilote activer le tableau d'armement. Lui est parfaitement conscient qu'il s'agit d'un exercice et, sans accorder plus d'attention que ça à la remarque de Dorsey, réplique : «*ben descends-le alors*».
«*Merde, reprends le jeune lieutenant, j'y crois pas*». Il active son Sidewinder gauche, mais celui-ci présente un défaut de fonctionnement. «*Merde, y a un bug*». «*Ben recommence*», reprend Holland, et passant sur la fréquence générale, annonce «*Fox 2 simulé*» au moment où le missile de droite quitte son rail de guidage. Woooooosh !!! Le RIO lève brusquement la tête de son tableau de bord et s'exclame «*bordel, c'était quoi ?!*». «*Je l'ai descendu*», réplique Dorsey.
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Pilote de F-8 au Vietnam, il était connu pour trainer 20 kg d'armements divers chaque fois qu'il partait en mission, au cas où il soit forcé de se battre au sol en territoire ennemi. Ou pour pêcher...
Lorsqu'il était instructeur sur F-14, il est réputé pour ses harangues à la Patton. Il entrait dans la salle coiffé d'un casque chromé, cravache sous le bras et mettait les élèves à l'aise : «*toi, le mec avec des bras comme des cure-dents, va falloir soulever de la fonte parce que sur F-14, pour chaque G supplémentaire, c'est 15 kg de plus à appliquer sur le manche pour virer !*». Il avait quelques phrases bien senties comme "les missiles c'est pour les fillettes", "le seul bon kill est un gunkill", "il faut s'approcher et viser le canopy, car si tu ne tues pas le pilote, il reviendra pour te tuer, toi" et encore, "si ton ennemi se balance au bout de son parachute, farcit-le de plomb". Bref, une énorme grande gueule, un caractère de blaireau enragé (imaginez) et des compétences hors-normes qui ont même amené un amiral à le sortir de sa retraite pour reprendre du service comme instructeur "combat" sur F-14. Au total, Hoser dépasse allègrement les 6000 h de vol dont plus de 4000 sur F-14. Il a volé sur F-8, F-14, A-4 comme agresseur, A-5, C-121 (hé oui, il a été puni aussi), F-18, etc. Il a été instructeur à Top Gun, évaluateur à la VX-4, instructeur ACM dans les RAG F-14. Et pour occuper sa retraite, il combat les feux de forêts à bord d'un S-2 transformé.
J'ai récolté, ici et là, quelques Hoser Stories que se racontent avec délectation les équipages de l'US Navy, quand vient le moment de se délasser. Toutes n'ont pas Hoser comme héros, mais toutes sont vraies.
Je complèterai cette prose à fur et à mesure que j'en traduirai d'autres. J'espère que ça vous régalera.
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D'abord, l'un des histoires les plus légendaires.
Hoser, à bord d'un F-14, doit affronter un F-5 Agressor lors d'un 1V1 classique. Alors qu'ils sont côte-à-côte au seuil de piste, Hoser se tourne vers son opposant et mime, les deux mains posées sur la palette du tableau de bord de son F-14, le tressautement de deux mitrailleuses de la première guerre mondiale. Ok, répond l'agresseur d'un signe de tête, combat canon ce sera, sans missile, au couteau dans un ascenseur.
Après la montée au niveau prévu, les deux avions se séparent pour une rencontre face-à-face. Sous guidage radar, leur séparation atteint 20 nautiques, puis c'est le reverse, head-on, 1000 kt de vitesse de rapprochement. La distance se réduit rapidement, l'agresseur prêt pour un engagement à l'ancienne. A sept nautiques de séparation, Hoser annonce "Fox One". Kill imparable. L'agresseur est fou de rage et le fait savoir lors du croisement : «*Bordel, à quoi tu joues ?*», hurle-t-il alors que les avions se frôlent. "Ah mince, désolé, j'étais distrait. On reprend, guns only hein !", répond Hoser.
Donc, séparation sous guidage radar jusqu'à 20 nautiques, reverse... et "Fox one" de Hoser à 7 nautiques. L'agresseur est hystérique, il a la bave aux lèvres, mais trop tard, c'est le bingo fuel, le F-5 étant réputé pour ses courtes pattes et sa durée d'engagement faible. De son côté, Hoser avait déjà rejoint le plancher de combat et filait sur Nellis dare-dare.
Alors que Hoser est déjà au mess en train de biberonner une bière, l'agresseur entre furieux et, apercevant son adversaire du jour tranquillement accoudé au bar, l'air de rien, hurle "et que fais-tu de ta crédibilité, hein ?". Calmement, Hoser tend une main avec le pouce pointé vers le bas, à la romaine, et annonce : "credibility is down". Levant le pouce : "kill ratio is up".
Et il termine sa bière.
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Hoser, alors capitaine de corvette et instructeur à Oceana à la VF-101, est programmé avec un étudiant dans un autre F-14, pour un 2V2 contre des F-15 de Langley. Problème : sur le tarmac, son ailier connait des problèmes mécaniques et doit annuler son vol. Qu'à cela ne tienne, Hoser décolle quand même pour ce qui devient un 1V2... sauf que les F-15 ne le savent pas. Pendant tout le domestic jusqu'au lieu du combat, Hoser discute à la fréquence avec son nav, écoutée aussi par les F-15, pour faire croire à une patrouille de deux avions. Il échange ainsi, avec le type assis trois mètres derrière lui, des séparations, des états de carburant, des changements de cap et de formation... Il s'annonce même comme un «*flight*» de deux avions au contrôleur de la zone.
Le combat commence. Au merge, les deux F-15 repèrent un F-14 (étonnant, hein ?) et se mettent à la recherche de l'autre, la tête montée sur pivot. Entretemps, Hoser a fait sa petite cuisine, amenant tout le monde en basse vitesse, pile-poil dans le domaine de compétences du F-14. Il tourne alors dans un mouchoir de poche, les ailes à flèche minimale, à forte incidence et épuise les F-15 et leurs grandes ailes. Il aligne deux kills sans trop transpirer. C'est le moment que les pilotes des deux F-15, un colonel et un lieutenant-colonel, choisissent pour réaliser la supercherie, eux qui avaient mené leur affaire pour se défendre d'un second Tomcat. Très en colère, ils réclament une revanche, sauf que cette fois, le 1V2 est clairement établi et que les deux larrons ont une furieuse envie de bouffer du F-14. Hoser hausse les épaules, recommence sa cuisine et descend ses deux opposants.
De retour à leur base, les deux pilotes d'Eagles, un brin hallucinés par la branlée majestueuse qu'ils venaient de prendre, appellent la VF-101 pour connaître le nom du type qui "fait ces trucs incroyables". Le commandant de la flottille, interloqué, réclame des détails. On lui donne l'heure du combat et l'indicatif du Tomcat. Le skipper jette un œil sur le tableau de service, hausse un sourcil en lisant le nom de Hoser et redirige ses interlocuteurs sur le téléphone personnel de Hoser, non sans l'avoir auparavant prévenu. Hoser prend la ligne avec le pilote de F-15 en gueulant, dans un style réglementaire, "sous-lieutenant Satrapa, à vos ordres mon colonel ! Merci mon colonel !". Imaginez la tête du colonel qui croit s'être fait farcir de plomb par un stagiaire...
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Alors qu'il était à la flottille de test VX-4, Hoser faisait partie de l'équipe chargée de tester la capacité de tir frontale de l'AIM-9L. Cette version était capable, selon Raytheon, de trouver une cible par le quart avant sans avoir à manœuvrer. Le pilote n'avait qu'à obtenir la tonalité, ce fameux bourdonnement grave du Sidewinder qui a flairé une source de chaleur, et lâcher sa bûche sans chercher à se placer sur l'arrière de l'adversaire. Les essais montraient effectivement une bonne sensibilité du winder... sauf que, quand Hoser servait de cible, le 9L ne parvenait pas à accrocher. Jamais.
A Point Mugu, certains flairaient le vice. Plus Hoser servait de cible, plus le kill-ratio du missile chutait.
On interrogea donc Hoser sur sa technique, lequel ne demandait que ça. "Ok. D'abord, il te faut un maximum de badin, mais alors, un truc bien joufflu, hein. Ensuite, à 10 nautiques, tu coupes tout. Quand je dis que tu coupes, te ne les mets pas au ralenti hein, tu ARRETES les moteurs, tu tournes cette putain de clé, point barre ! A deux nautiques, tu rallumes les bouzins, t'as encore 400 kts au merge et tu peux manœuvrer sur le plan vertical."
Jamais la Navy n'a voulu mettre cette technique dans ses manuels...
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A son arrivée au RAG (Replacement Air Group) de Miramar sur F-14 (VF-124), Hoser a, un soir, effectué un vol de nuit. Après s'être éloigné de la côte, il revint longer le littoral en supersonique à basse altitude et réveilla toute la Californie, semant son bag de San Diego jusqu'à Los Angeles. Détail important : il accomplit son forfait avec un seul moteur en post-combustion. Puis il revint se poser.
La matin suivant, les gradés faisaient la chasse au foutu pilote de F-8 qui avait pété toute les vitres de l'État...
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Fin 1968, NAS El Centro, exercice de tir canon pour un patrouille de quatre F-8 Crusader. Le niveau de tir était à 15000 ft avec un point haut à 20000. C'est le 6e run du vol, Hoser dirige l'assaut. Alors que la patrouille rejoint son point haut pour la sixième fois, le n°3 de la patrouille, Larry Morris, annonce une extinction moteur. Break et tentative de rallumage par RAT dans la descente, sans succès. Éjection normale à 8000 ft. Hoser suit le F-8 sans pilote dans sa descente et constate, avec étonnement, qu'il ne produit qu'un gros nuage de poussière en s'écrasant. Pas de feu, pas d'explosion, juste de la poussière.
Morris, arrivé sain et sauf au sol, avoue que dans le feu de l'action, il a un peu perdu de vue sa jauge de carburant et que, oups, il se pourrait que le flame-out soit la conséquence d'une panne de carburant. Il est aussitôt affublé du surnom « fumes » (vapeurs) par ses collègues, convaincus qu'il avait fait la dernière montée avec des vapeurs de kéro dans les réservoirs.
Quatorze ans plus tard, Larry «*Fumes*» Morris rejoint le RAG F-14 de la côte Est, la VF-101. Il est présenté, à l'assemblée générale des pilotes du lundi matin, comme le CDR Larry « Magic » Morris. En 14 ans, il était donc parvenu à faire oublier les histoires de vapeur. C'est alors que, du fond de la salle d'ops, on entend quelqu'un dont la voix ressemblait à celle d'Hoser dire, « vous voulez dire par là que c'est magique de voler aux vapeurs de kéro avec un Crouze ? ».
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Entre 74 et 78, l'USAF et l'USN ont organisé une compétition entre F-14 et F-15 à Nellis, appelée ACEVAL/AIMEVAL. L'objectif était d'évaluer les capacités air-air de ces avions contre les F-5 de Nellis. Ordre avait été donnée aux pilotes de l'Air Force de ne jamais se confronter directement, en combat, aux F-14.
Autant dire que cela laissait Hoser parfaitement insatisfait, d'autant que l'ambiance s'était progressivement détériorée entre pils de Tomcats et d'Eagles au cours de la campagne. Chacun rêvait d'en découdre, à tel point que vers la fin de la compétition, Hoser réussit à arranger un combat en douce avec des monits du 415th.
Le vol consistait en un 2V2, canon uniquement, pas de fox one, ni de fox two. Arrivés sur zone, les deux marins initient un large crochet avec un split à 10000 ft, un avion haut et un avion bas, et une accroche radar à 25 nautiques. Le combat dérive immédiatement en deux 1V1, provoqué par le split précédent, un F-14 combattant haut et Hoser entraînant son opposant en BA à faible vitesse. Hoser annonce un gunkill à une distance de 250 ft tandis que son ailier réalise le même travail un poil plus haut.
De retour à la base, sentant le coup fourré des photographes de Nellis, les deux compères envoient les cassettes des guncams à Grumman. Le lendemain, un général de l'Air Force furibard débarque dans les locaux provisoires de la VX-4 et réclame les films sur le champ. En fait, ce combat avait fait son petit effet car les Japonais, sur le point d'acheter des F-15, avaient eu vent du fiasco de l'Air Force et réclamaient une évaluation du F-14. Au Pentagone, certains voulaient la tête des deux marins impliqués. L'affaire se termine sans trop de sang, tout le monde faisant profil bas et les cassettes repartant entre les mains du général. Le Japon achète des F-15 et l'affaire n'a donc jamais eu lieu.
Sauf que Hoser avait des copies... Desquelles il a tiré un cadre qu'il a installé chez lui...
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NAS Miramar, au point de ravitaillement « hot », c'est à dire moteurs tournants. Un F-8, piloté par Freddy Pfluger, achève son remplissage, indicatif Corktip 401. Derrière lui, trois autres F-8 attendent leur tour, dont Hoser, indicatif Corktip 403.
Alors que les mécanos déconnectent le tuyau de ravito, Hoser se branche sur la tour et annonce : « Euh... Le Sol, ici euh... Sol, donc, ici euh... Porktip... Porktip Quatre euh... quatre... Euh, c'est quoi le numéro de cet engin, là ? ». « Quatre Zero Un » annonce un autre pilote, complice. « Euh ouais, reprend Hoser, ici Porktip Quatre Zero Un, je déconnecte du... euh... pfff... du ravitalement... euh, ravatilement... euh, rav... Bref, je demande l'autorisation, de... euh... Quatre Zer... Zero euh... Un, pour rejoindre la piste numéro... euh... non, la bretelle... on... et pis zut, laissez tomber ».
Freddy Pfluger se met alors à gueuler dans la radio « c'est pas moi !, c'est pas moi ! », à quoi Hoser répond « si c'est toi ».
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Durant le Vietnam, ordre était donné aux pilotes de F-8 de tirer aux canons à chaque mission, nécessité technique pour les maintenir en état de fonctionner. Il arrivait cependant que lors d'une passe de tir air-sol, les canons s'enraillent. Hoser restait donc sur sa fin, n'ayant pas eu sa ration de Viets.
Il avait alors l'habitude, quand cela se produisait, d'utiliser la petite vanne de dépressurisation située du côté droit du cockpit. Il tournait la petite trappe trois dans le sens des aiguilles d'une montre. La trappe était ensuite dégagée, laissant apparaître un accès suffisamment grand pour permettre à Hoser d'y passer son arme personnelle, un Colt Python semi-auto, qu'il déchargeait rageusement lors d'une autre passe air-sol. Difficile de dire s'il atteignait quelque chose, mais ça lui faisait du bien.
De retour sur le PA, les mécanos disposaient de deux indices pour deviner que les canons du F-8 s'étaient enrayés :
1. Les traces noirâtres laissées par le colt sur la carlingue, au niveau de la trappe de dépressurisation.
2. Les douilles que Hoser, nonchalamment, jetait dans l'océan en retournant son colt au bord du pont.
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Cette histoire n'implique pas Hoser, mais un de ses amis. Elle vaut d'être contée car elle est absolument Hoser's Style.
Le 1er mai 1967, l'US Navy réalise son premier raid de bombardement sur l'importante base nord-vietnamienne de Kep, située au nord de Hanoï. Pour l'atteindre, il faut donc traverser la plus imposante défense aérienne jamais réunie, une concentration insensée de missiles sol-air, de canons anti-aériens, de radars... et de MiGs. La mission est complexe, englobant plus de cinquante avions, de la veille radar aux TARCAPs en passant par les Wild-Weasels. Déjà, les problèmes s'accumulaient avec la panne, sur le pont, pour une patrouille de F-4 chargés de la protection, et des combats avec des MiG-17. Un ennemi avait d'ailleurs été abattu.
Le LCDR TR Swartz pilote un A-4C de la VA-76, chargé de la suppression d'affuts triple à l'un des bouts de la piste. Pour ça, il dispose de quatre pods Zuni (roquettes non-guidées) par avion.
Swartz n'a pas le temps de s'assoir et réfléchir à tout ça, il a un objectif à traiter. Il faut arriver vite, frapper et dégager fissa en secouant le Skyhawk dans tous les sens, larguer des leurres, regrouper et filer très vite vers le sud.
Arrivé sur place, au milieu de la confusion, il repère son objectif et initie son run. Du coin de l'oeil, il aperçoit deux MiG-17 qui décollent. Changement d'objectif, il aligne les deux jets et les fait exploser. Durant le pull-out, en virage à gauche, il repère deux autres ennemis, à deux heures, sur une trajectoire parallèle à la piste de droite à gauche, à plus ou moins 550 kt. Ca déboule. Son ailier, chaud bouillant, annonce sur la fréquence : «*on se les fait*». Le temps de prendre une décision, les deux MiGs sont à l'intérieur de son virage, à 7.30 h et moins de 500 m. Ils gagnaient une bonne position, bouffant des Gs pour rester à l'intérieur du virage, le ventre tourné vers Swartz. Sans attendre, ils ouvrent le feu sur son A-4 qui envoie un High-G barrel roll par la droite. Les MiGs perdent le visu et dégagent par la gauche alors que Swartz les surplombe. Un instant, il pense à se défaire des pods Zuni pour gagner plus de pêche, puis il se souvient qu'il n'a pas complètement vidé le dernier pod, dont le mode «*single salvo*» était sélecté. Sans réfléchir, il aligne l'ailier et lâche une roquette qui va perdre loin derrière sa cible. Évidemment, espèce de crétin, en virage à 4.5G à 2500'AGL, tu voulais quoi ? Nouvel essai, le MiG sur le nez du Skyhawk, mais nouvel échec. Merde, faut s'appliquer là, ça urge. Le dernier tir devrait être plus simple, l'angle est plus fermé et la déflexion moins marquée. La distance est d'environ 250 ft, Swartz lève le nez de son avion et place sa cible plus ou moins au milieu de son tableau de bord, hors de son champ visuel. Feu ! En baissant le nez, l'américain découvre qu'il a fait mouche ! Il ne reste pas pour savourer et fiche le camp aussi vite que possible, complétement sidéré par cet incroyable coup de bol.
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Hoser n'avait pas que des bonnes idées.
Alors qu'il était instructeur «*ACM*» à la VF-101, il avait ressorti de la naphtaline le truc le moins utilisé dans un F-14 après le cerveau des pilotes, les guncams ! C'était, selon lui, le moyen de valider les tirs canons des étudiants sur les cibles tractées. Jusque là, rien de scandaleux. Sauf que Hoser remarqua très vite que sur les bandes, il manquait toujours les premières milli-secondes du run, juste avant le renversement. Embêtant pour faire un débriefing correct.
Il se retira et rumina sur le sujet. Et il eut une idée.
Au briefing d'avant mission, avec tous les équipages assemblés, il détailla son plan. Il suffisait au pilote d'appuyer jusqu'à mi-course sur la détente afin d'enclencher le guncam juste avant le renversement. Puis, en position, de presser franchement pour ouvrir le feu sur la cible tractée. «*Oups*», pensèrent les instructeurs RIO... Mais on ne change pas comme ça le course d'un Hoser.
Tout le monde file aux avions. Un RIO remarque que ce jour-là, ce n'est pas Hoser qui tracte la cible. Mouais. Bref. Arrivé sur la zone, Hoser rappelle la procédure pour enclencher la guncam et appelle le premier étudiant. Ok. Le gars se prépare : canon sélecté, tableau d'armement actif. Il attrape la cible, la suit en se contorsionnant sur son siège et quand elle est au milieu de la boucle d'éjection supérieure droite, il appuie un chouilla sur la détente et hop !, renversement !... Et des dizaines d'obus et de traçantes sont éparpillés partout dans le ciel. Fin de mission. On ne reparla plus de cette brillante idée de Hoser.
Le jeune pilote coupable d'avoir ruiné ce projet fut immédiatement affublé du surnom «*squirt*».
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Dans la vie d'un RIO instructeur, il y a plusieurs moments difficiles : l'entraînement au tir sur cible en est un, l'appontage du nuit avec un nugget devant en est un autre, mais rien n'est plus flippant qu'un ravitaillement de nuit.
Le pauvre stagiaire navigue autour du panier, qui frappe la verrière, raye la peinture, explose les fibres du radôme et arrache même les sondes pitot (des deux côtés de l'avion !). A chaque fois, le risque d'ingestion d'un corps étranger par un moteur était maximal. Le pire, c'est qu'un pilote-stagiaire doit en faire 6, pas 3 ou 4, mais 6. Si le gars n'y arrive pas, il faut remonter le lendemain et recommencer le même cauchemar. Les instructeurs RIOs détestaient ça et tentaient d'y échapper autant que possible.
Un soir, un F-14 est rentré de sa qualif tellement abîmé, tellement esquinté par sa balade autour du panier, que son état nécessitait une réparation prolongée. Pourtant, sur son carnet de vol, le stagiaire était crédité d'un «*BON*».
Le skipper convoque l'instructeur chargé de la notation et annonce : «*désolé, quand on explose un avion comme ça, on ne donne pas un BON. C'est un MAUVAIS, faut le faire repasser*».
Ah... Mince...
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Toujours dans la gamme des ravitos ratés : Un étudiant cravache tellement avec son panier qu'on dirait de l'escrime. En garde !, paré !, touche ! Au milieu de toute cette bagarre, malgré les supplications de son instructeur RIO pour y aller mollo, le pilote accomplit l'exploit d'emmancher à travers les mailles d'acier du panier. Il recule tant bien que mal sans rien casser (!), mais la perche est courbée de 45° vers l'arrière. Le RIO annonce qu'il est RTB. Son pilote, chaud-bouillant, réclame le droit de faire une nouvelle tentative. «*Impossib'*», lui annonce l'instructeur, «*mate le panier*». «*Ah*», répond le jeune gars en regardant le spectacle. Et il replie la perche... Le RIO lui explique que ce n'est pas la meilleure idée qu'il ait eue jusque là et lui donne le cap de retour sur Oceana. Sur ce, le pil' incline son F-14... et allume la post-combustion !
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La VX-4 avait une politique plutôt libérale vis-à-vis des ces pratiques. N'importe quel pilote pouvait prendre un F-4 le vendredi après-midi à condition de le ramener le dimanche soir. Du coup, Hoser en profitait pour aller passer le week-end à Pensacola, soit une balade de 7000 km aller-retour.
Le plan de vol déposé, l'indicatif était généralement «*Hoser 01*», une façon d'être reconnu par toute la foule des amis qui avaient rejoint les compagnies aériennes. Ainsi, il ne se passait pas dix minutes sans que le contrôle, de la part de Air Machin 342, ne demande comment allait cet enfoiré, signé BigFlush ou autre ancien du F-8 ou du Viggie.
Un jour qu'il croisait à 35000', son RIO repère une odeur de fumée (à cette époque, on dispensait le masque quand ce n'était pas absolument nécessaire). Après enquête relativement courte, il s'avère que Hoser, en place avant, avait du mal à allumer sa cigarette et que du coup, il l'avait placé devant son masque pour souffler de l'oxygène dessus. Et... ouais, ça faisait un peu de fumée.
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NAS Cubi Point, à l'époque du Vietnam. Lendemain d'énorme fête, juste avant le retour à Yankee Station. Les pilotes ont abusé de la boisson, vraiment abusé. Hoser est n°3 derrière deux autres F-8. Point d'arrêt au seuil de piste, le leader demande une pause. Hoser le regarde ouvrir sa verrière, se pencher sur la gauche et... vomir. Il se nettoie avec la manche de sa combi, se rebrêle, ferme la verrière, fait un signe à son ailier, allume la PC, et braoum, c'est parti.
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Septembre 1987, en mer Méditerranée. Un RF-4 décolle de la base italienne d'Aviano en mission d'entraînement. Son objectif est de retrouver et survoler le porte-avions USS Saratoga après avoir contourné toutes les défenses.
Le vol se passe sans encombre jusqu'au ravitaillement. Alors qu'il termine cette manœuvre, l'équipage du Phantom est rejoint par un F-14A de la VF-74. La rencontre les interpelle, d'autant que le Tomcat ne prend pas de carburant et semble les suivre à distance. Au bout d'un quart d'heure, l'avion de reconnaissance est parvenu à se défaire de son poursuivant et pense être au bout de ses efforts puisque le Saratoga est en vue. Soudain, une large explosion se produit, l'avion décroche brutalement et les pilotes sont éjectés.
Récupérés par un hélicoptère, ils sont amenés devant le commandant du navire qui, gravement, leur explique qu'ils ont été abattus par le F-14.
Après enquête, l'histoire s'éclaircit : le F-14 suiveur était piloté par le Lt Tom Dorsey et son RIO était le LCDR Ed Holland. Alors qu'ils menaient une mission totalement étrangère à la manip' du Phantom, ils avaient été replacés par le contrôle pour suivre le RF-4 à distance et prendre les mesures nécessaires pour empêcher le survol. Pour le jeune Dorsey, ce changement d'ordres était hautement suspect, d'autant que, très vite, le contrôle annonce «*warning red, weapons tight*». Ce message implique, pour l'équipage, d'armer ses missiles et de trouver une opportunité de tir.
Dorsey, qui suit le RF-4 à une distance inférieure à 1000 m, n'en croit pas ses oreilles : «*ils veulent qu'on descende le F-4*». Son RIO, concentré sur l'image télé fournie par son système de visualisation TCS, ne voit pas son pilote activer le tableau d'armement. Lui est parfaitement conscient qu'il s'agit d'un exercice et, sans accorder plus d'attention que ça à la remarque de Dorsey, réplique : «*ben descends-le alors*».
«*Merde, reprends le jeune lieutenant, j'y crois pas*». Il active son Sidewinder gauche, mais celui-ci présente un défaut de fonctionnement. «*Merde, y a un bug*». «*Ben recommence*», reprend Holland, et passant sur la fréquence générale, annonce «*Fox 2 simulé*» au moment où le missile de droite quitte son rail de guidage. Woooooosh !!! Le RIO lève brusquement la tête de son tableau de bord et s'exclame «*bordel, c'était quoi ?!*». «*Je l'ai descendu*», réplique Dorsey.
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