(2006) L'une des reporters mythiques de la guerre du Vietnam, Catherine Leroy, est morte vendredi 7 Juillet à Los Angeles, des suites d'un cancer. Elle avait 61 ans.
Son nom s'était un temps emmêlé à celui du marine Vernon Wike, qu'elle avait saisi sur une colline dévastée, le regard perdu, la main sur un homme mort.
L'image, d'une puissance à couper le souffle, dévoilait le désarroi de Wike qui avait essayé de ranimer, en vain, son camarade.
Le directeur de l'agence Contact Press Image Robert Pledge évoque "une figure un peu mythique du monde de la photographie de guerre, une des rares femmes présentes au Vietnam pendant la période la plus dure du conflit. Nombre de ses confrères la décrivait pourtant comme un petit bout de femme frêle".
Robert Pledge explique qu' elle "avait la réputation d'être une photographe d'un courage et d'une volonté extraordinaires et proverbiales qui faisaient la jalousie de ses concurrents masculins".
"La photographe avait été ainsi la seule à être parachutée de nuit avec des troupes américaines et avait été faite prisonnière par le Vietcong à la bataille de Hué", dit-il.
Elle avait en effet été la seule journaliste autorisée par les Américains en 1967 à participer à une intervention aéroportée avec le 173eme régiment de parachutistes lors de l'opération "Junction City".
En reportage au Liban, elle avait été "kidnappée et brutalisée de manière terrible, et ne s'était jamais ensuite réellement réajustée à une vie plus sédentaire et plus facile", a-t-il ajouté.
Prisonnière. C'était le 30 avril 1967, juste un an après son arrivée. Elle avait 21 ans quand elle débarqua à Saigon avec son Leica, 150 dollars en poche et trois mots d'anglais.
Très vite admise dans le cercle des reporters de guerre, elle devait s'illustrer en partageant le quotidien des soldats, comme ce cliché qui la montre dans une carlingue, s'apprêtant à sauter en parachute avec son éternel bandeau blanc dans les cheveux et l'appareil photo autour du cou.
Elle avait été faite prisonnière par les Vietcongs lors de la bataille de Hué et s'était échappée.
Ses portraits de l'armée vietnamienne, pris lors de sa détention, s'étaient retrouvés à la une de Life .
Plus tard, elle avait réalisé un film, The Last Patrol, et couvert d'autres conflits, y compris la guerre civile au Liban, qui lui valut de recevoir le prix Robert Capa Gold Medal, en 1976, deux ans avant Susan Meiselas.
C'était la première fois qu'une telle récompense était décernée à une femme, on en sourit aujourd'hui.
Comme beaucoup de ses collègues, elle n'avait pas échappé aux blessures (des éclats sur tout le corps) et aux fantômes.
Lors de sa rétrospective à Perpignan, en 1996, à "Visa pour l'image", elle s'était confiée à Magali Jauffret (l'Humanité), lui disant combien elle «était prise de tremblements des pieds à la tête lorsqu'elle revivait les combats de la cote 881» . Et qu'elle ne voulait plus «regarder ceux qui meurent, car c'est se regarder mourir» .
Installée aux Etats-Unis, Catherine Leroy avait créé, en 1997, un site,
http://www.pieceunique.com, et s'était lancé dans le cyber-shopping.
Mais elle n'avait pas oublié de rendre hommage à ceux qui, devant ou derrière l'objectif, s'étaient battus au Vietnam.
D'un simple clic sur Under Fire : Images from Vietnam, dédié aux 135 photographes tués ou disparus entre 1950 et la chute de Saigon, en 1975, on peut retrouver pour l'éternité les photographies de la guerre la plus cruellement photogénique du XXe siècle.