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Une question de brins

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:06 am
par Angie
Il y a deux questions qui me trottent dans la tête depuis longtemps concernant les porte-avion.
Corrigez moi si je me trompe, mais les porte-avions américains ont 4 brins d'arrêts. Or pour un aterrissage pleinement réussi il faut que le pilote accroche le troisième brin. Ma question est la suivante: pourquoi le troisième, et pas le premier?

Est-ce que c'est pareil pour l'aéronavale française (et accessoirement les autres à travers le monde?).

Merci d'avance pour vos réponses qui seront (je n'en doute pas) fort intéressantes et instructives.

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:07 am
par shawy
Ben déjà le CdG n'a que 3 brins d'arrêt ...
Edit : et le Clémenceau 4 brins, le Foch 4 brins ...

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:12 am
par Angie
shawy a écrit :Ben déjà le CdG n'a que 3 brins d'arrêt ...
En fait, je voulais dire, est-ce que le "système" de réussite d'un appontage est similaire. On le considère parfaitement réussi si le pilote attrape le second ou pas.

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:15 am
par TooCool_12f
oui

celui de devant est pour le cas où tu serais un peu court et celui d'après, si tu étais un peu long

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:16 am
par S-Eagle
Tet parce que si tu choppes le 1er tu te mange les autres après, et pas avec le 3ème ? (ça évite aux chiens jaunes de démêler en fait). C'est pas une co***rie c'est juste une idée comme ça.

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:52 am
par Tomcat
Parce que si tu vises le premier, et que tu es trop court, tu pètes ta crosse sur l'arête du pont... alors que si tu vises le troisième et que tu es trop court, tu prends le premier... et si tu es trop long sur le troisième tu remets la sauce.

Enfin tout bêtement, tu vises au milieu... et le milieu, c'est entre le 2 et le 3, donc le 3.

Publié : sam. avr. 29, 2006 1:33 am
par SpruceGoose
Peter Garrison, dans son livre ‘CV : Carrier Aviation’ explique très bien la théorie et la pratique de l’appontage (sur les porte-avions US). Le problème est que le texte occupe 12 pages et je n’ai pas le temps de te faire une traduction (je suis pris sur la rédaction d’autres articles pour des forums, dont 1 pour C6).

Ce que je peux te dire :
La référence considérée est l’extrémité de la crosse d’appontage qui doit toucher un point bien précis de la piste (on ne considère ni le type d’appareil, ni ses roues… ou quoi que ce soit d’autre).
On encadre ce point par 2 brins (#2 et #3, le 3 étant le plus en avant i.e vers la proue).
On fixe une tolérance en mettant 2 autres brins (#1 et #4).
La distance moyenne séparant les brins est de 40 ft (12 m), c’est à dire rien… La distance entre le brin 1 et 4 est donc de 120 ft (36 m), c’est à dire 3 fois rien… essaie donc d’avoir une précision de toucher des roues à l’atterrissage de 36 m lorsque tu arrives à ~130/140kts avec une assiette importante et une plate-forme qui avance et se déplace latéralement… et qui peut rouler et tanguer… et qui peut être sombre (de nuit) !
Donc si la crosse, qui définit le point d’aboutissement de la trajectoire de l’avion sur le pont (il n’y a pas d’arrondi) arrive bien où il faut, c’est forcément le brin #3 qui est accroché (le 3è en partant de la poupe). Si le pilote a eu une très légère imprécision, il accrochera le brin 4 s’il est long et 2 s’il est court. Si ce même pilote a eu une légère imprécision, il sera en bolter s’il est long et accrochera le brin 1 s’il est court (très mal noté pour cela car dangereux).
Cette tolérance est nécessaire car il ne faut pas que le pilote soit obligé de remettre les gaz indéfiniment… psychologiquement c’est épuisant… et plus on remet les gaz, et plus on perd ses moyens, et à la fin on finit par faire n’importe quoi (comme par exemple pousser sur le manche/passible de la court martiale) pour que l’appareil soit immobilisé sur la piste…

Je ne vais pas parler du réglage du miroir d’appontage qui permet à chaque type d’avion dont les assiettes d’approche sont différentes, de se présenter de telle sorte que l’extrémité de la crosse touche au point de référence de la piste (entre brins 2 et 3).
Il y a de très nombreux paramètres qui sont pris en compte pour l’ajustement de ce miroir. De toute façon, toute tolérance est extrêmement faible vu que l’avion parcourt la distance séparant les brins 1 et 4, en 0.5 secondes.

Pourquoi 3 brins sur les PA français, je ne sais pas. Mais il serait intéressant de connaître la philosophie de la technique d’appontage élaborée par notre Royale…

***

Publié : sam. avr. 29, 2006 10:23 am
par Electro
spruce goose : c'est hyper intéressant !

J'jaoute juste une petite chose : lorsque tu fais des appontages sur LOMAC, c'est à dire avec un avion qui n'a pas de fpm (vecteur vitesse) dans le HUD, l'appontage est assez chaud et c'est là que tu comprends qu'il ne faut surtout pas viser l'entrée de la piste car tu risques de te manger le rebord du PA. Il faut donc viser dans le 1er tiers du PA si tu veux avoir une chance de ne pas faire de bêtise. De ce point de vue là, je trouve que les avions US avec leur fpm sont très très avantagés par rapport à leurs homologues russes.

Publié : sam. avr. 29, 2006 10:24 am
par El Doctor
Tomcat a écrit :Parce que si tu vises le premier, et que tu es trop court, tu pètes ta crosse sur l'arête du pont...
C'est même un peu plus que la crosse qu'on explose :


http://alexisparkinn.com/photogallery/V ... oo_low.WMV

http://www.youtube.com/watch?v=Yub6QxPWhr8

Publié : sam. avr. 29, 2006 10:48 am
par Flaps
SpruceGoose a écrit :(comme par exemple pousser sur le manche/passible de la court martiale)
***

pourquoi???

Publié : sam. avr. 29, 2006 11:39 am
par El Doctor
SpruceGoose a écrit :par exemple pousser sur le manche/passible de la court martiale
Tu exagères. Un "bad pass", voire un "no grade". Ca vaudra au pilote une réprimande de la part du LSO et une vigilance accrue au prochain appontage. Si évidemment il se met à cumuler et à devenir un "pitcher", il sera observé avec beaucoup d'attention et s'il est jugé "unsafe", il sera exclu des programmes de vol, probablement réévalué en CQ et au pire, renvoyé au RAG pour une période de formation à l'appontage. Au bout du compte, s'il ne correspond pas aux exigences du métier de pilote embarqué, il sera muté vers la PATMAR ou le transport multimoteur.

Des dizaines de pilotes embarqués, et même certains amiraux, ont fait une carrière entière de "pitcher". ;)

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:06 pm
par Electro
put... les vids sont impressionnantes : dans celle de youtube, le ou les pilotes de f18 s'en sont sortis ou pas ?

Publié : sam. avr. 29, 2006 12:17 pm
par Seekles
Je raconte peut-être des bêtises, mais il me semble apercevoir un départ siège juste avant que le bac ne parte à la mer :sweatdrop

Publié : sam. avr. 29, 2006 2:22 pm
par SpruceGoose
Pour répondre globalement à chacun :

A l’approche, l’avion tient la vitesse minimale définie par les procédures (ici de l’US Navy) en fonction de certains paramètres… Cette vitesse n’étant pas élevée, dans la plage d’incidence autorisée, l’assiette est généralement positive (nez en l’air) et importante, ce qui signifie que sur un plan d’approche normal d’environ 5%, le pilote ne peut pas voir avec beaucoup de précision le point d’impact de la trajectoire sur la piste, donc se dire s’il va accrocher tel ou tel brin. Donc, il ne vise aucun point de la piste, il ne le peut pas.
Il est donc assisté par le miroir d’appontage et le LSO, car le point d’impact de la crosse sur le pont est un carré de 12 m sur 12m (distance entre les brins 2 et 3). Ce pilote suit les indications du miroir et les instructions du LSO, qui lui, anticipe les déviations de trajectoire du pilote. Si tout se passe bien (il n’y a pas d’arrondi), le train principal et la crosse touchent le pont au bon endroit et il y a arrêt.
Garrison explique que le pilote remet plein gaz un peu avant que le train ait touché le pont (inertie des moteurs à enrouler en régime/retard de poussée).
Si tout se passe mal (trop long), il y a impact, et ça repart, les manettes étant déjà en butée avant depuis au moins 1 à 2 secondes (c’est long quand on a besoin de puissance en urgence).
En fait on se met en cas de pire situation par anticipation.
Sans l’aide au minimum du miroir d’appontage il serait impossible d’amener l’avion sur la piste avec une précision de 12 m. (Exemple me concernant : en instruction, il m’arrive avec des élèves qui sont au dessus de la moyenne du point de vue dextérité au pilotage, d’effectuer des approches sur C152 (pas d’autres appareils car trop délicats) à 38 kts, au second régime. Bien sûr par vent nul. L’assiette de l’avion est à cabrer et forte (on ne voit pas l’entrée de piste), la trajectoire est contrôlée aux gaz et non plus au manche, et la vitesse est contrôlée au manche et non plus au gaz comme cela se fait habituellement sur ce type d’avion. Le plan d'approche est évalué par vision latéral. Par contre la vitesse est tellement basse que l’on peut se poser sur un point précis sans problème. Comme il n’est pas possible de voir devant… on est obligé de regarder sur le côté. Malgré ça, on n'arrive qu’à une précision de ~10 m si on ne triche pas (évidemment on ne fait pas d’arrondi car l’avion a déjà son assiette correspondant à celle de l’arrondi/tricher veut dire descendre volontairement sous le plan d’approche normal à 20 ou 30 m du seuil et ajouter de la puissance afin de ‘traîner’ l’avion jusqu’au point d’impact – là on arrive à 90% à toucher là où il faut). Avec un miroir d’appontage je pense qu’on pourrait toucher pile un point marqué sur la piste à coup sûr vu les 38 kts du Cessna – j’en toucherai un mot au commandant de l’aérodrome - lol).

Sur LOMAC et autres simus, il est vrai que sans miroir et/ou réticule ‘vecteur vitesse’, ça reste Hard…


Lorsque l’avion est à l’atterrissage i.e au toucher des roues (après arrondi), l’assiette est à cabrer (nez en l’air). C’est le train principal qui sert à absorber l’energie à l’impact et non pas le train avant (qui reste fragile).
A l’appontage, comme l’assiette à cabrer est forte, il n’y a pas vraiment besoin d’arrondir pour lever encore plus le nez et modifier la trajectoire (l ‘allonger), donc risquer de rater le brin 3. L’avion touche sur le train principal dans la position (l’assiette) qu’il a prise durant toute l’approche. Evidemment c’est assez brutal mais jusqu’ici on ne sait pas faire mieux (on renforce donc ce train et la partie de structure qui reprend les efforts).
Dans le cas où un pilote fait 1, 2… bolter (trop long), sous le stress, il va chercher la solution de facilité. S’il ne voit pas la piste pour accrocher correctement un brin… il va finir par pousser sur le manche afin de voir la zone de touchdown et espérer accrocher un brin… pousser sur le manche signifie baisser le nez, signifie amener le train avant fragile en contact avec le pont, signifie redonner de l’énergie, de la vitesse… en final, une probabilité de crash élevée… destruction matériel, perte vies humaines, arrêt des opérations de la mission…
J’aurais du le préciser : Au cours de la guerre du Vietnam, un pilote qui pitch-down (pousse sur le manche) une fois hérite d’un avertissement, au deuxième c’est la court martiale. En période de paix, les règles sont peut-être plus souples.
L’US Navy considérait ce fait comme une faute professionnelle grave.
Elle préférait une éjection du pilote dans de bonnes conditions et la perte d’un appareil plutôt qu’un crash avec possibilité de destruction du bâtiment par incendie, explosion des armements stockés etc… ne pas oublier que le feu à bord d’un navire est une véritable hantise.


J’avais eu l’occasion à plusieurs reprises il y a un peu plus de 10 ans, de survoler (passer pas loin) des PA US ancrés dans la baie de Cannes sur le cheminement à vue entre Cannes et Nice à 500 ft.
Le choc de ma vie : un navire de 350m vu comme ça ressemble à une maquette en plastique… minuscule. Il faut imaginer que le pilote ‘vise’ une piste qui fait les 2/3 de la longueur totale du navire, et que sur cette piste, il doit ‘impacter’ sur une zone de 36 m… à faire peur ! Respect, comme vous dites !

***

Publié : sam. avr. 29, 2006 2:29 pm
par lanef300
Par ailleurs, ne confondons pas piquer, et rendre sensiblement la main...

Publié : sam. avr. 29, 2006 2:53 pm
par TooCool_12f
pour la première vidéo, il faut savoir qu'avec le Crusader, le zinc a très peu de place en dessous pour cabrer.

de plus, comme lis étaient plus légers queles F-4, les Crucaders opéraient souvent depuis les PA plus petits, ou les brins étaient plus proches de la rampe, ce qui réduisait encore leur hauteur au moment de franchir la rampe (2m dans les conditions idéales). Pour peu qu'il soit un chouia ne dessous de la pente et que le PA tangue un petit peu, le Cruze peut en un clin d'oeil se retrouver en face de la rampe, plutôt qu'au dessus d'elle

Publié : sam. avr. 29, 2006 3:00 pm
par SpruceGoose
J'ai toujours lu que le Crusader était l'avion le plus difficile à amener à l'appontage. Il fallait 'piloter et trimmer' en permanence et c'est la raison pour laquelle les pilotes US découpaient (enlevaient) l'extrémité du doigt du gant correspondant au pouce.

***

Publié : sam. avr. 29, 2006 3:20 pm
par shingouz
SpruceGoose a écrit :
Malgré ça, on n'arrive qu’à une précision de ~10 m si on ne triche pas (évidemment on ne fait pas d’arrondi car l’avion a déjà son assiette correspondant à celle de l’arrondi/tricher veut dire descendre volontairement sous le plan d’approche normal à 20 ou 30 m du seuil et ajouter de la puissance afin de ‘traîner’ l’avion jusqu’au point d’impact – là on arrive à 90% à toucher là où il faut). Avec un miroir d’appontage je pense qu’on pourrait toucher pile un point marqué sur la piste à coup sûr vu les 38 kts du Cessna – j’en toucherai un mot au commandant de l’aérodrome - lol).

Sur LOMAC et autres simus, il est vrai que sans miroir et/ou réticule ‘vecteur vitesse’, ça reste Hard…

C'est diablement interessant tout ça, je vient d'apprendre que je "triche" quand j'apponte sous LOMAC, bon, va falloir que je me réentraine pour apponter de façon plus orthodoxe.

Publié : sam. avr. 29, 2006 3:36 pm
par Corktip 14
TooCool_12f a écrit :pour la première vidéo, il faut savoir qu'avec le Crusader, le zinc a très peu de place en dessous pour cabrer.

de plus, comme lis étaient plus légers queles F-4, les Crucaders opéraient souvent depuis les PA plus petits, ou les brins étaient plus proches de la rampe, ce qui réduisait encore leur hauteur au moment de franchir la rampe (2m dans les conditions idéales). Pour peu qu'il soit un chouia ne dessous de la pente et que le PA tangue un petit peu, le Cruze peut en un clin d'oeil se retrouver en face de la rampe, plutôt qu'au dessus d'elle
Yeps, d'ailleur là c'est sur l'USS Oriskany (CVA-34), PA de classe Essex avec le pont oblique. D'après les stats que j'ai pu trouver, ce serait soit un appareil de la VMF(AW)-212, soit un F-8J de la VF-191, si mes sources sont bonnes. Si quelqu'un a plus d'infos sur cette vidéo, je suis preneur!

Publié : sam. avr. 29, 2006 3:41 pm
par lanef300
Avec un miroir d’appontage je pense qu’on pourrait toucher pile un point marqué sur la piste à coup sûr vu les 38 kts du Cessna – j’en toucherai un mot au commandant de l’aérodrome


je veux pas dire, mais à 38kts, j'espère bien que même sans miroir tu peux mettre tes roues ou tu veux....

Publié : sam. avr. 29, 2006 3:50 pm
par SpruceGoose
lanef300 a écrit :je veux pas dire, mais à 38kts, j'espère bien que même sans miroir tu peux mettre tes roues ou tu veux....

Eh bien non! Justement! L'avion est tellement cabré que l'on ne voit pas la piste.
En début de finale on le positionne bien sur le plan, on décélère jusqu'à 38 kts en prenant bien soin de rester sur le plan... et ensuite c'est la vision latérale qui prend le relais pour rester sur ce plan. Ensuite on touche la piste mais la précision moyenne est de ~10m.
Il n'y a qu'en "trichant", en passant volontairement sous le plan et en l'amenant aux gaz (et presque sortir la tête par la fenêtre pour voir le point d'impact) qu'on arrive à 90% à toucher une croix placée sur la piste... les autres instructeurs du club ne font pas mieux que moi... ça me rassure lol!

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