Les professionnels et les connaisseurs l'appelle la PO. Cet acronyme innocent cache pourtant un redoutable barbarisme administratif, la permanence opérationnelle. Grosso modo, cela veut dire qu'à tout instant, les moyens restent disponibles et peuvent être engagés pour la protection de l'espace aérien national et des intérêts vitaux du pays. L'explication est simple, le but est clair et définitif.
Derrière ces deux lettres se cache pourtant un dispositif complexe peu connu du grand public. En voici les bases en quelques grandes lignes et quelques photographies.
Tout d'abord, la PO a cette particularité de loger dans un hangar isolé, où doivent cohabiter une dizaine de personnes, techniciens et pilotes. Cet isolement a plusieurs raisons :
- l'alerte doit être capable de décoller le plus vite possible. Pour diminuer le temps de roulage, les avions sont donc placés au plus près du seuil de la piste, quitte à devoir décoller vent dans le dos pour gagner du temps.
- les appareils de la PO sont armés et pour des raisons de sécurité, cette manipulation doit se faire à l'écart. Rappelons que dans la majorité des cas, les avions ne portent que des missiles inertes, seule la PO emporte un armement actif.
A Dijon, la PO occupe le hangar ci-dessous, dans la partie orientale de la base, entre les seuils des pistes 17 et 19.
La PO, c'est aussi deux avions :
- à gauche, l'avion "live", est celui qui accomplit 95% des vols de la PO. Il est équipé de deux missiles MICA IR (infrarouge) et de sa dotation d'obus de 30 mm. Il part sur des vol d'exercice ("practice") et sur des vols d'assistance. A peine rentré d'un vol, il est immédiatement remis en condition pour une future alerte. En-dessous, le MICA IR.
- à droite, c'est l'avion "hot", celui que personne ne souhaite voir décoller. Son rôle, c'est de délivrer de l'armement, d'éliminer une menace sur ordre, c'est l'appareil des situations critiques. Il est armé pour le tir d'urgence, à longue portée, avec deux MICA EM (ci-dessous), et a aussi deux MICA IR. Bien sûr, il est parfois utilisé, histoire de le faire voler un peu, mais sa mission reste brutale.
Une mission, un hangar, deux avions, mais aussi deux pilotes.
Ils doivent rester disponibles 24 h / 24 pendant une semaine, confinés dans les locaux attenants au hangar PO. Il y a deux pilotes car il y a deux types d'alerte :
- un prend l'alerte à sept minutes : pendant sept heures, il porte son pantalon anti-G, son casque est accroché à l'échelle d'accès au cockpit, le reste de l'équipement à portée de main. Au premier signal, il court vers l'avion et doit avoir quitté la piste moins de sept minutes plus tard.
- le deuxième est en alerte à quinze minutes, donc il a un peu plus de latitude de mouvement. Cependant, dès le premier pilote "scramblé", il saute dans son équipement, prêt à courir vers l'avion "hot" si le besoin existe.
Cette mission est possible grâce aux techniciens qui, à l'instar des pilotes, sont isolés pendant une semaine dans le même hangar. Ils forment un assortiment de toutes les spécialités nécessaires au fonctionnement de cet escadron miniature, avec des techniciens cellule, des pétafs et des spécialistes de l'avionique.
La PO, c'est d'abord une longue attente. Des heures d'ennui, à attendre l'alerte "practice" ou "live". Alors on tue le temps comme on peut, en traitant la "paille", en lisant un livre, en jouant sur une console ou en regardant la télé. On traîne dehors, à distance respectable du hangar, on sort dehors jeter un œil aux avions de passage sur le taxiway, on... tiens, un Breitling... salut !
Alors, forcément, on s'ennuie un peu et on piaffe d'impatience, surtout quand on sait qu'un "practice" va certainement être déclenché.
Et quand enfin l'alarme sonne, tout ce beau monde s'agite. Le pilote se rue dans son cockpit, suivi par le chef avion. Tous les techniciens sont à l’œuvre, assistant la mise en route en faisant un rapide tour de l'avion, une vérification ultime pour retirer les goupilles et faire du Mirage 2000-5 une plateforme de tir opérationnelle.
6 minutes et 45 secondes après la sonnerie, Maraud Whisky quitte la piste. Pour la petite histoire, il arrive que certains départs soient des événements, comme quand ce jeune PO, qualifié depuis peu, a fait son premier scramble. Au retour, il du se déshabiller pour finir jet dans une piscine gonflable.
Et pendant qu'il se séchait, l'avion "live" était remis en condition, prêt pour la prochaine alerte : on refait le plein, on aligne la centrale , on complète l'huile, on remet les enregistreurs à zéro, etc.
Prêt !