Je viens de terminer la lecture du livre qui, je pense, s'imposera comme une référence sur le sujet; en français of course mais aussi par rapport aux productions en anglais (disons plutôt en américain) auxquelles il n'a rien à envier.
Quelques remarques :
- sur la forme, je ne suis toujours pas convaincu par les dessins numériques 3D qui sont de qualité assez inégales; certains sont très réussis d'autres ressemblent franchement à des captures d'écran mais l'art est difficile et la critique facile... par contre, j'ai trouvé les profils très bien faits et très intéressants.
- il me semble que le surnom japonais des G4M à savoir "Hamaki" c'est à dire en effet "cigare volant" se rapporte plutôt à la forme de son fuselage qu'à sa propension à s'enflammer; alors que le surnom de "one -shot lighter" c'est à dire "briquet à un coup" du fait justement de cette grande facilité prendre feu est plutôt d'origine américaine. Je vois assez mal les équipages japonais donner un surnom aussi peu glorieux à leur bombardier d'attaque.
- la fameuse manœuvre mise au point par J. Thach est en fait la "Thach weave" c'est à dire "navette de Thach" et non la "Thach wave" ("vague de Thach") ; il faut comprendre "navette" ici comme une navette de métier à tisser, une pièce qui fait un va-et-vient permanent comme les deux patrouilles dans la manœuvre mis au point par le chef de la VF-3 et testée avec succès à Midway.
Sinon, j'ai noté plusieurs choses intéressantes au fil du texte:
- globalement l'efficacité des choix technico-tactiques des Américains par rapport à ceux des Japonais ; il est clair que le choix d'un avion plus lourd, mieux armé, mieux protégé et avec une radio favorisant le travail d'équipe s'est révélé payant par rapport à un avion léger, sans protection, avec un armement faible et sans radio. B. Baeza le dit bien dans l'annexe, c'est frappant dans le déroulé des opérations. A noter la mésaventure du 29/09/42 où un
buntai suit comme un seul homme son leader incapable d'avertir ses pilotes des problèmes de son avion ; au total 9 avions perdus pour la mission du jour. Et la morts de l'EV1 Sasai manifestement directement imputable à la rigidité tactique à laquelle sont contraints les pilotes de chasse japonais lorsqu'ils escortent des bombardiers.
- j'ai été assez frappé par le nombre d'overshoot des pilotes japonais; on remarque plusieurs fois que les pilotes américains ont remporté des victoires faciles sur des Japonais qui se retrouvent soudainement devant eux, incapables de s'arrêter ou de tourner. Une conséquence de la perte de maniabilité du
Zero aux grandes vitesses?
- en comparant les chiffres revendications/pertes réelles, on s'aperçoit que l'
overclaim est resté assez raisonnable dans les deux camps, peut-être à cause du fait du peu d'avions engagés. J'ai trouvé en particulier les Japonais plutôt corrects en tenant compte du fait que pas mal de pilotes américains effectivement descendus ont réussi à ramener leur
Wildcat à Henderson Field.
- l'étonnante efficacité des hydravions que ce soit les PBY-5 de la RAAF (pratiquement aussi efficaces que les B-17 américains) ou les hydravions japonais de la force R. Je dois dire que j'ignorais les activités de cette unité mais c'est loin d'être négligeable et le tout avec du matériel loin d'être moderne. A ce sujet, j'ai trouvé particulièrement intéressant les profils de missions des hydravions japonais comme celui du E13A1 du
Sanyo Maru le 16/09/42; ça c'est de la reco
- la faiblesse récurrente des moyens japonais qui engagent une campagne stratégique (en fait deux avec la Nouvelle-Guinée et même trois avec l'Australie cf. le livre du même auteur
Soleil Levant sur l'Australie) avec une poignée d'avions et d'équipage qui passent leur temps à s'emprunter des avions les uns aux autres
- la grande efficacité du système de renseignement américain et des
coastwatcher qui permet aux Américains d'engager le combat dans les meilleurs conditions.
- la grande efficacité du
sea rescue américain qui a fortement limité les pertes et sans doute contribué à maintenir le moral; rien de tel côté japonais même si je suis assez surpris par le nombre d'équipage descendus qui s'en sont finalement sortis; notamment du côté des
Bettys qui ne semblent finalement pas s'enflammer systématiquement. Par contre il fallait avoir les nerfs solides pour voler sur un H6K
Mavis...
- la classique rivalité inter-services côté japonais y compris au sein de la Marine Impériale. Pour être juste, même si ça n’apparaît pas très clairement dans le livre, tout n'était pas rose côté américain notamment à cette période avec Ghormley qui n'était pas un modèle d'optimisme et de coopération. Il s'est d'ailleurs fait "sacqué" par Nimitz en octobre 42 ; je suppose que l'auteur nous en dira plus dans le tome 2...
- à noter la réflexion de l'EV1 Fukuchi du
Chitose Kû qui exprime un sentiment d'infériorité des pilotes japonais de bombardier par rapport à la chasse américaine à la suite de la mission du 9 septembre 42. Cela va l'encontre de l'image qu'on se fait des combattants japonais mais cela me rappelle le bouquin de Tameichi Hara,
Japanese Destroyer Captain où il explique que certains capitaines de destroyers de l'Express de Tokyo firent demi-tour (sans ordre) de peur des attaques aériennes américaines. Le patriotisme le plus fanatique ne serait donc pas incompatible avec une certaine lucidité?
- à noter aussi le mitraillage d'un pilote japonais au bout de ses suspentes le 14 septembre ; j'ai toujours eu un peu de mal avec ce genre de pratique même si la guerre chevaleresque reste une utopie. Contrairement à leur réputation, les Japonais ne semblent pas s'être rendus coupables de ce genre d'acte au-dessus de Guadalcanal et sur la période évoquée. D'un autre côté, les Américains devaient savoir à quoi s'en tenir sur le sort réservé à leurs prisonniers, ça ne devait pas contribuer à les rendre magnanimes.
Dans tous les cas, j'ai passé d'excellents moments et j'attends avec impatience le second tome.
Si je peux me peremttre, well done Bernard !
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