Dernier vol sur Tarawa.
Publié : jeu. nov. 23, 2006 11:12 am
Voici le débriefing d'une mission de campagne Pacifique des LAL.
Au dessus de l’USS Essex – à l’ouest de Tarawa – 21 novembre 1943 – 18h30
John Hanover (Dorns) semble dépassé par les événements. Tout joue contre lui. Le rythme de la mission de ce soir a été épuisant. L’obscurité envahit maintenant l’océan et le porte-avion semble s’effacer parmis les flots sombres. Seul le sillage laiteux reste lumineux tel un axe qui chuchoterait aux pilotes : « Par ici ! ». Déstabilisé, John en est à sa troisième tentative d’approche. La deuxième a failli lui être fatale et il ne reste plus qu’un homme vidé et affolé aux commandes de son appareil. Il se sent à l’étroit dans son cockpit, pourtant considéré comme spacieux, et se doit d’ouvrir la verrière et de desserrer ses sangles pour raviver sa concentration…
Le pont se rapproche. Le Hellcat n°3 est à quelques mètres de l’USS Essex. Tout le personnel rampant a les yeux rivés sur le F6F qui s’incline sur le côté.
La roue gauche est la première à toucher le revêtement du pont suivi d’une fraction de seconde par la droite. L’assiette de l’avion est férocement rétablie. Mais la crosse reste toujours à un mètre au dessus du sol, comme en lévitation. John Hanover est comme assailli par une somme d’informations. Alors qu’il volait, il y a encore une minute dans l’obscurité sans point de repère, le voilà filer à plus de 180 km/h à la surface du porte-avion. Il distingue très nettement les canons anti-aériens de 40 mm à bâbord, puis la petite cage d’où le chef de pont guide les appareils en approche finale. Tout défile très vite. Déjà John peut parfaitement lire sur sa droite « Keep Clear of Propellers ». Il a déjà parcouru la moitié du pont et est à la hauteur du kiosque !
Soudain, un grondement sourd se fait entendre dans le cockpit suivi d’un crissement sec. John se sent glisser sous son siège et met sa main sur le pare-brise blindé pour se stopper. La décélération est rude et puissante. Aucun entraînement ne permet de s’y habituer. Le Hellcat est arrêté. Un rampant se précipite devant l’appareil. Il fait signe à Hanover de remonter sa crosse et de rouler vers la proue. Mais le pilote n’obtempère pas… John enclenche les freins de parc, réduit son mélange, se désangle et jailli hors de son cockpit. Il bondit sur l’aile gauche et saute à terre sous le regard stupéfait du personnel au sol. Un sergent de pont s’approche alors et crie pour couvrir le bruit du moteur encore tournant :
- « Mais Lieutenant, qu’est ce que vous faites ? » en montrant de la main son F6F immobile.
John ne répond rien. Il est livide, les yeux cadavériques. Il se dirige vers le bord du pont d’un pas décidé. Des rampants tentent le retenir, persuadés que le pilote va se jeter par-dessus bord ! Mais en vain. John se laisse tomber à genoux et sent ses tripes remonter jusqu’à sa gorge. Il ne peut se contenir et rejette d’un coup le contenu de son estomac du haut du pont.
Le sergent lui bloque l’épaule fermement pour éviter qu’il ne tombe en lui disant :
- « Ca va aller, tout est fini. On s’occupe de votre avion… »
Le sous-officier fait signe aux curieux de passer leur chemin et fait prendre les dispositions qui s’imposent pour dégager à la hâte le Hellcat d’Hanover. En effet, il reste encore du monde dans la boucle…
Ready Room de l’USS Essex – 21 novembre 1943 – 22h50
Le Commandant Wagner termine son débriefing devant son assemblée composée des pilotes de la VF-9 ainsi que des équipages des TBF. La petite salle est comble. Une fumée grise recouvre le plafond tel un voile régulier. L’odeur de tabac qui s’y joint prouve que le vol de ce soir a été très éreintant pour tous. Wagner se lève, faisant également lever tous les pilotes dans un fracas et un grincement de chaises métalliques.
Les hommes restent là à discuter de leur mission durant plusieurs dizaines de minutes, partageant leurs impressions avec les pilotes d’Avenger. Mais l’ambiance est morose. Les conversations prennent un ton très nostalgique. Comme si, en cette date du 21 novembre 1943, un état de lieu ou plutôt une prise de conscience se devait d’être faite pour se rappeler du chemin déjà parcouru depuis le 7 décembre 1941. Déjà presque deux années que ces valeureux pilotes montent dans leurs machines pour affronter un ennemi craint et mal connu. Et ce soir, ils viennent de perdre un ami. Un de plus, … un de trop. Personne ne devrait à faire cette tache par routine… L’atmosphère devient réellement pesante. C’est le moment que choisissent les équipages de TBF pour quitter la salle. Il est déjà tard et un grand repos sera le bienvenu.
Bert Acosta (Bert) cherche à monopoliser l’attention de tous pour ne pas rester sur cette note dramatique. Il se dirige vers les cartes d’état major punaisées au mur et commente les actions japonaises de cette soirée :
- « Ils sont prêt à tout ces foutus Japs. Vous vous rendez compte, nous envoyez deux pauvres malheureux zéros équipés de bombes. Quelle était leur intention ? Attaquer la passe de Tarawa ? A deux c’est du délire. Il faut vraiment être désespéré pour tenter une telle action. »
Booba Jones (Shortgrey) reprend en montrant du doigt la pointe de Na’a sur la carte :
- « Et ce fut la même chose pour l’assaut des Kate. Wagner nous l’a bien dit. Les Japs devaient être complètement déstabilisés. Par manque de moyen, ils ont envoyé ce qu’ils ont pu réunir. L’escorte des torpilleurs ne formait même pas un groupe cohérent : deux Rufe et un Zéro… »
Mc Laurin (Corso) poursuit la pensée de Booba :
- « Même chose pour le Betty. Aucune escorte. Pas la moindre charge de bombe. Il était sûrement envoyé pour observation. Les bridés doivent avoir de sacré soucis de communication pour envoyer un avion à l’abattoir. Ils auraient du savoir qu’on était présent dans le secteur avec tout ce qu’ils avaient déjà envoyé avant. Leurs avions ne sont pas revenus à la base… Comme l’a souligné Wagner, pas la moindre once d’organisation n’a été détectée dans les actions japonaises de ce soir. Ca prouve que nous avons à faire à un ennemi en piteux état… »
Bert Acosta (Bert) apporte une précision :
- « Les Japs n’avaient même pas connaissance des différents raids entre eux ! »
Booba (Shortgrey) sceptique, demande :
- « Comment ça ? »
Bert hausse les sourcils d’étonnement et lui répond avec insistance :
- « Wagner a abordé ce point lors du débriefing ! »
Booba se justifie :
- « J’étais tellement crevé, … j’avoue avoir décroché … »
Bert explique en esquissant un sourire de compassion tout en mâchouillant son bâton de réglisse :
- « D’après les vecteurs d’approche des avions ennemis, ils ne venaient pas tous du même endroit : Abaiang, Marakei, et peut-être même Makin. Les japs ont envoyés que des petits groupes d’avions mal ou pas défendus, fractionnés en plusieurs vagues insignifiantes. Ils auraient du, c’est évident, rassembler tous leurs appareils pour constituer une force d’assaut plus conséquente. C’est la raison pour laquelle, le QG en a déduit qu’il était fort probable que les deux pilotes de zéros équipés de bombes, les premiers que l’ont a rencontré verticale pointe de Na’a, n’étaient sûrement pas au courant qu’un raid de trois Kate les suivait. »
Jack Sparrow jusque là silencieux, apporte son expérience personnelle :
- « Ce fut la même chose pour les trois barges que j’ai attaqué avec Pitt entre Tabitueua et Bikeman. Aucun navire d’escorte, pas même une mitrailleuse montée sur trépied pour se défendre… Finalement, avoir straffé ces pauvres types comme ça … ça me dégoutte. »
Pitt (Corso) lui coupe la parole violement :
- « C’était des sales Japs ! Tu oublies tout ce qu’ils ont déjà fait ? Betty, Harold et maintenant Scott ! »
Jack est confus et abonde dans son sens :
- « Oui, tu as raison. Désolé. Je crois que je suis vraiment fatigué. Je vais aller me coucher. »
Bert Acosta se lève d’un bond pour retenir Jack et interpelle Sean (Guignol) en jetant un regard insistant sur la porte du fond, qui communique avec la remise du Ready Room. Sean hausse les épaules et semble répondre par la négative. Le moral n’y est pas. Il manque Scott…
Bert tente de le convaincre :
- « On l’a toujours fait ! Et il aurait aimé qu’on le fasse même ce soir ! »
O’Connor (Guignol) se résigne. Trente secondes plus tard, il ressort du cagibi avec une caisse en bois cadenassée entre les mains. Une inscription y figure :
DANGER – Liquide chimique photographique – Ne pas ouvrir sans autorisation – Risque d’explosion.
Sean extrait délicatement de sa poche intérieure une petite clef argentée. Il déverrouille le loquet et fait s’effacer le couvercle. Cinq bouteilles de Scotch et une dizaine de petit verre y sont soigneusement rangés. Sean les installe sur le bureau selon un rituel bien établi.
Mc Laurin (Corso) rompt le silence en remémorant à tous l’épisode cocasse de Scott à l’infirmerie de Wake Island.
Tout le VF-9 éclate de rire.
John Hanover lève son verre à moitié plein et dit sur un ton garrotté :
- «A Scott ! »
Soudain un Enseigne de vaisseau fait irruption dans la pièce. Il porte à son col l’insigne des transmissions. Il sollicite les pilotes :
- « C’est bien ici … euh ». Il jette un œil rapide sur le papier jaune qu’il tient en main et reprend :
- « Euh … C’est bien ici, les gars de la VF-9 ? »
Tout le groupe consent à dire oui par signe ou par geste de tête. Le sous-officier semble un peu surpris par cette réaction unanime et conclue :
- « Ben, euh … Tenez, c’est pour vous je crois. »
Il tend le papier au pilote le plus proche et disparaît dans la coursive sans dire un mot.
John Hanover (Dorns) ouvre le pli et commence à lire à voix haute :
- « Nous vous faisons parvenir ce message afin de vous témoigner notre reconnaissance pour la protection que vous nous avez assurée durant cette soirée et l’excellent travail d’attaque pour sauver nos troupes. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que vous formez la meilleure escadrille de la Navy. Signé : Les Marines de Bétio. »
Chambre des 1st Lieutenant de la VF-9 – USS Essex – 2 jours plus tard – 9h30
Jack Sparrow (Lowendal) est assis sur son matelas, bien trop mou pour être confortable. Un carton ne dépassant pas 35 cm de long est posé sur la table qui sert de bureau. Celui là même où Scott (Fox) avait élaboré toute la stratégie tactique pour le vol dernier ; … ou plutôt son dernier vol. La tâche est pénible, mais Jack se doit de trier les affaires personnelles de son coéquipier et les déposer dans ce carton qui regagnera sa famille dans l’Arkansas. C’est la procédure.
Face à lui, contre le mur, se dresse la petite armoire métallique de Canon. Le système de fermeture est verrouillé par un petit cadenas doré. Il ne sera pas difficile à faire sauter. Jack reste assis longuement sur son lit, sans rien faire. Il est comme happé par toutes les aventures vécues avec son ami. L’école militaire avec Betty, elle aussi disparue. Puis l’arrivée sur Wake Island, ce petit coin de paradis que la guerre transforma en enfer pour ces trop jeunes pilotes.
Un tambourinement discret et régulier tire aussitôt Jack de ses songes. La porte s’entrouvre dans la foulée. Sean O’Connor (Guignol) franchit l’embrasure et se glisse dans la chambre sans dire un mot. Il s’appuie dos à l’armoire, face à Jack qui rompt alors le silence :
- « C’est dur. Je n’arrête pas d’y penser. »
O’Connor lui répond avec une voix qui trahit sa détresse infinie :
- « Tu te rappelles des paroles de Wagner il y a deux jours. Il évoquait la difficulté de perdre un ami ; qu’il fallait faire le vide pour oublier son existence ; ne pas se laisser submerger par sa douleur. Nous sommes en guerre et seule la concentration compte pour continuer à survivre. Nous étions tous choqués par ces propos abrupts. Mais il a raison. L’opération Galvanic est terminée. Tarawa est capturé, ce qui veut dire que nous n’aurons pas de nouvelles missions de combat avant plusieurs semaines. Il faut profiter de cette accalmie pour passer outre cette douleur et revenir d’attaque et bourré d’orgueil pour la prochaine opération… »
Jack approuve d’un signe de tête :
- « Tu as raison… Il me faudra du temps je pense. »
Deux minutes se passent sans aucun bruit. Les deux hommes se regardent et mesure la peine soulevée par la perte de Scott. Sean brise ce long silence :
- « J’ai amené une pince. On fait sauter le cadenas ? »
15 minutes plus tard
Sean veut achever cette séance de tri de plus en plus insoutenable :
- « Balance toute la paperasse sur le lit. On emmènera tout chez Wagner. On ne s’occupe que des objets personnels… »
Jack conteste :
- « Attends, c’est quoi tous ces documents. Je n’ai jamais eu accès à ça. Fait voir ! »
Il arrache une feuille de téléscripteur des mains de Sean, et lit attentivement son contenu. Quelques secondes s’écoulent. Jack s’écrie :
- « Incroyable ! Ce papelard tout foutu stipule notre intégration à une nouvelle escadrille dès notre arrivée sur Pearl. C’est dingue ! On laisse tomber la VF-9 et l’Essex. »
Sean proteste :
- « Mais arrête ton délire ! C’est n’importe quoi ! Scott nous aurait prévenu. »
Jack lui coupe la parole et enchaîne :
- « Sauf s’il avait reçu des consignes de non diffusion. Regarde c’est marqué noir sur blanc : VF-27 sur USS Intrepid… La VF-27, c’est les gueules de chats, non ? »
A suivre...
Au dessus de l’USS Essex – à l’ouest de Tarawa – 21 novembre 1943 – 18h30
John Hanover (Dorns) semble dépassé par les événements. Tout joue contre lui. Le rythme de la mission de ce soir a été épuisant. L’obscurité envahit maintenant l’océan et le porte-avion semble s’effacer parmis les flots sombres. Seul le sillage laiteux reste lumineux tel un axe qui chuchoterait aux pilotes : « Par ici ! ». Déstabilisé, John en est à sa troisième tentative d’approche. La deuxième a failli lui être fatale et il ne reste plus qu’un homme vidé et affolé aux commandes de son appareil. Il se sent à l’étroit dans son cockpit, pourtant considéré comme spacieux, et se doit d’ouvrir la verrière et de desserrer ses sangles pour raviver sa concentration…
Le pont se rapproche. Le Hellcat n°3 est à quelques mètres de l’USS Essex. Tout le personnel rampant a les yeux rivés sur le F6F qui s’incline sur le côté.
La roue gauche est la première à toucher le revêtement du pont suivi d’une fraction de seconde par la droite. L’assiette de l’avion est férocement rétablie. Mais la crosse reste toujours à un mètre au dessus du sol, comme en lévitation. John Hanover est comme assailli par une somme d’informations. Alors qu’il volait, il y a encore une minute dans l’obscurité sans point de repère, le voilà filer à plus de 180 km/h à la surface du porte-avion. Il distingue très nettement les canons anti-aériens de 40 mm à bâbord, puis la petite cage d’où le chef de pont guide les appareils en approche finale. Tout défile très vite. Déjà John peut parfaitement lire sur sa droite « Keep Clear of Propellers ». Il a déjà parcouru la moitié du pont et est à la hauteur du kiosque !
Soudain, un grondement sourd se fait entendre dans le cockpit suivi d’un crissement sec. John se sent glisser sous son siège et met sa main sur le pare-brise blindé pour se stopper. La décélération est rude et puissante. Aucun entraînement ne permet de s’y habituer. Le Hellcat est arrêté. Un rampant se précipite devant l’appareil. Il fait signe à Hanover de remonter sa crosse et de rouler vers la proue. Mais le pilote n’obtempère pas… John enclenche les freins de parc, réduit son mélange, se désangle et jailli hors de son cockpit. Il bondit sur l’aile gauche et saute à terre sous le regard stupéfait du personnel au sol. Un sergent de pont s’approche alors et crie pour couvrir le bruit du moteur encore tournant :
- « Mais Lieutenant, qu’est ce que vous faites ? » en montrant de la main son F6F immobile.
John ne répond rien. Il est livide, les yeux cadavériques. Il se dirige vers le bord du pont d’un pas décidé. Des rampants tentent le retenir, persuadés que le pilote va se jeter par-dessus bord ! Mais en vain. John se laisse tomber à genoux et sent ses tripes remonter jusqu’à sa gorge. Il ne peut se contenir et rejette d’un coup le contenu de son estomac du haut du pont.
Le sergent lui bloque l’épaule fermement pour éviter qu’il ne tombe en lui disant :
- « Ca va aller, tout est fini. On s’occupe de votre avion… »
Le sous-officier fait signe aux curieux de passer leur chemin et fait prendre les dispositions qui s’imposent pour dégager à la hâte le Hellcat d’Hanover. En effet, il reste encore du monde dans la boucle…
Ready Room de l’USS Essex – 21 novembre 1943 – 22h50
Le Commandant Wagner termine son débriefing devant son assemblée composée des pilotes de la VF-9 ainsi que des équipages des TBF. La petite salle est comble. Une fumée grise recouvre le plafond tel un voile régulier. L’odeur de tabac qui s’y joint prouve que le vol de ce soir a été très éreintant pour tous. Wagner se lève, faisant également lever tous les pilotes dans un fracas et un grincement de chaises métalliques.
Les hommes restent là à discuter de leur mission durant plusieurs dizaines de minutes, partageant leurs impressions avec les pilotes d’Avenger. Mais l’ambiance est morose. Les conversations prennent un ton très nostalgique. Comme si, en cette date du 21 novembre 1943, un état de lieu ou plutôt une prise de conscience se devait d’être faite pour se rappeler du chemin déjà parcouru depuis le 7 décembre 1941. Déjà presque deux années que ces valeureux pilotes montent dans leurs machines pour affronter un ennemi craint et mal connu. Et ce soir, ils viennent de perdre un ami. Un de plus, … un de trop. Personne ne devrait à faire cette tache par routine… L’atmosphère devient réellement pesante. C’est le moment que choisissent les équipages de TBF pour quitter la salle. Il est déjà tard et un grand repos sera le bienvenu.
Bert Acosta (Bert) cherche à monopoliser l’attention de tous pour ne pas rester sur cette note dramatique. Il se dirige vers les cartes d’état major punaisées au mur et commente les actions japonaises de cette soirée :
- « Ils sont prêt à tout ces foutus Japs. Vous vous rendez compte, nous envoyez deux pauvres malheureux zéros équipés de bombes. Quelle était leur intention ? Attaquer la passe de Tarawa ? A deux c’est du délire. Il faut vraiment être désespéré pour tenter une telle action. »
Booba Jones (Shortgrey) reprend en montrant du doigt la pointe de Na’a sur la carte :
- « Et ce fut la même chose pour l’assaut des Kate. Wagner nous l’a bien dit. Les Japs devaient être complètement déstabilisés. Par manque de moyen, ils ont envoyé ce qu’ils ont pu réunir. L’escorte des torpilleurs ne formait même pas un groupe cohérent : deux Rufe et un Zéro… »
Mc Laurin (Corso) poursuit la pensée de Booba :
- « Même chose pour le Betty. Aucune escorte. Pas la moindre charge de bombe. Il était sûrement envoyé pour observation. Les bridés doivent avoir de sacré soucis de communication pour envoyer un avion à l’abattoir. Ils auraient du savoir qu’on était présent dans le secteur avec tout ce qu’ils avaient déjà envoyé avant. Leurs avions ne sont pas revenus à la base… Comme l’a souligné Wagner, pas la moindre once d’organisation n’a été détectée dans les actions japonaises de ce soir. Ca prouve que nous avons à faire à un ennemi en piteux état… »
Bert Acosta (Bert) apporte une précision :
- « Les Japs n’avaient même pas connaissance des différents raids entre eux ! »
Booba (Shortgrey) sceptique, demande :
- « Comment ça ? »
Bert hausse les sourcils d’étonnement et lui répond avec insistance :
- « Wagner a abordé ce point lors du débriefing ! »
Booba se justifie :
- « J’étais tellement crevé, … j’avoue avoir décroché … »
Bert explique en esquissant un sourire de compassion tout en mâchouillant son bâton de réglisse :
- « D’après les vecteurs d’approche des avions ennemis, ils ne venaient pas tous du même endroit : Abaiang, Marakei, et peut-être même Makin. Les japs ont envoyés que des petits groupes d’avions mal ou pas défendus, fractionnés en plusieurs vagues insignifiantes. Ils auraient du, c’est évident, rassembler tous leurs appareils pour constituer une force d’assaut plus conséquente. C’est la raison pour laquelle, le QG en a déduit qu’il était fort probable que les deux pilotes de zéros équipés de bombes, les premiers que l’ont a rencontré verticale pointe de Na’a, n’étaient sûrement pas au courant qu’un raid de trois Kate les suivait. »
Jack Sparrow jusque là silencieux, apporte son expérience personnelle :
- « Ce fut la même chose pour les trois barges que j’ai attaqué avec Pitt entre Tabitueua et Bikeman. Aucun navire d’escorte, pas même une mitrailleuse montée sur trépied pour se défendre… Finalement, avoir straffé ces pauvres types comme ça … ça me dégoutte. »
Pitt (Corso) lui coupe la parole violement :
- « C’était des sales Japs ! Tu oublies tout ce qu’ils ont déjà fait ? Betty, Harold et maintenant Scott ! »
Jack est confus et abonde dans son sens :
- « Oui, tu as raison. Désolé. Je crois que je suis vraiment fatigué. Je vais aller me coucher. »
Bert Acosta se lève d’un bond pour retenir Jack et interpelle Sean (Guignol) en jetant un regard insistant sur la porte du fond, qui communique avec la remise du Ready Room. Sean hausse les épaules et semble répondre par la négative. Le moral n’y est pas. Il manque Scott…
Bert tente de le convaincre :
- « On l’a toujours fait ! Et il aurait aimé qu’on le fasse même ce soir ! »
O’Connor (Guignol) se résigne. Trente secondes plus tard, il ressort du cagibi avec une caisse en bois cadenassée entre les mains. Une inscription y figure :
DANGER – Liquide chimique photographique – Ne pas ouvrir sans autorisation – Risque d’explosion.
Sean extrait délicatement de sa poche intérieure une petite clef argentée. Il déverrouille le loquet et fait s’effacer le couvercle. Cinq bouteilles de Scotch et une dizaine de petit verre y sont soigneusement rangés. Sean les installe sur le bureau selon un rituel bien établi.
Mc Laurin (Corso) rompt le silence en remémorant à tous l’épisode cocasse de Scott à l’infirmerie de Wake Island.
Tout le VF-9 éclate de rire.
John Hanover lève son verre à moitié plein et dit sur un ton garrotté :
- «A Scott ! »
Soudain un Enseigne de vaisseau fait irruption dans la pièce. Il porte à son col l’insigne des transmissions. Il sollicite les pilotes :
- « C’est bien ici … euh ». Il jette un œil rapide sur le papier jaune qu’il tient en main et reprend :
- « Euh … C’est bien ici, les gars de la VF-9 ? »
Tout le groupe consent à dire oui par signe ou par geste de tête. Le sous-officier semble un peu surpris par cette réaction unanime et conclue :
- « Ben, euh … Tenez, c’est pour vous je crois. »
Il tend le papier au pilote le plus proche et disparaît dans la coursive sans dire un mot.
John Hanover (Dorns) ouvre le pli et commence à lire à voix haute :
- « Nous vous faisons parvenir ce message afin de vous témoigner notre reconnaissance pour la protection que vous nous avez assurée durant cette soirée et l’excellent travail d’attaque pour sauver nos troupes. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que vous formez la meilleure escadrille de la Navy. Signé : Les Marines de Bétio. »
Chambre des 1st Lieutenant de la VF-9 – USS Essex – 2 jours plus tard – 9h30
Jack Sparrow (Lowendal) est assis sur son matelas, bien trop mou pour être confortable. Un carton ne dépassant pas 35 cm de long est posé sur la table qui sert de bureau. Celui là même où Scott (Fox) avait élaboré toute la stratégie tactique pour le vol dernier ; … ou plutôt son dernier vol. La tâche est pénible, mais Jack se doit de trier les affaires personnelles de son coéquipier et les déposer dans ce carton qui regagnera sa famille dans l’Arkansas. C’est la procédure.
Face à lui, contre le mur, se dresse la petite armoire métallique de Canon. Le système de fermeture est verrouillé par un petit cadenas doré. Il ne sera pas difficile à faire sauter. Jack reste assis longuement sur son lit, sans rien faire. Il est comme happé par toutes les aventures vécues avec son ami. L’école militaire avec Betty, elle aussi disparue. Puis l’arrivée sur Wake Island, ce petit coin de paradis que la guerre transforma en enfer pour ces trop jeunes pilotes.
Un tambourinement discret et régulier tire aussitôt Jack de ses songes. La porte s’entrouvre dans la foulée. Sean O’Connor (Guignol) franchit l’embrasure et se glisse dans la chambre sans dire un mot. Il s’appuie dos à l’armoire, face à Jack qui rompt alors le silence :
- « C’est dur. Je n’arrête pas d’y penser. »
O’Connor lui répond avec une voix qui trahit sa détresse infinie :
- « Tu te rappelles des paroles de Wagner il y a deux jours. Il évoquait la difficulté de perdre un ami ; qu’il fallait faire le vide pour oublier son existence ; ne pas se laisser submerger par sa douleur. Nous sommes en guerre et seule la concentration compte pour continuer à survivre. Nous étions tous choqués par ces propos abrupts. Mais il a raison. L’opération Galvanic est terminée. Tarawa est capturé, ce qui veut dire que nous n’aurons pas de nouvelles missions de combat avant plusieurs semaines. Il faut profiter de cette accalmie pour passer outre cette douleur et revenir d’attaque et bourré d’orgueil pour la prochaine opération… »
Jack approuve d’un signe de tête :
- « Tu as raison… Il me faudra du temps je pense. »
Deux minutes se passent sans aucun bruit. Les deux hommes se regardent et mesure la peine soulevée par la perte de Scott. Sean brise ce long silence :
- « J’ai amené une pince. On fait sauter le cadenas ? »
15 minutes plus tard
Sean veut achever cette séance de tri de plus en plus insoutenable :
- « Balance toute la paperasse sur le lit. On emmènera tout chez Wagner. On ne s’occupe que des objets personnels… »
Jack conteste :
- « Attends, c’est quoi tous ces documents. Je n’ai jamais eu accès à ça. Fait voir ! »
Il arrache une feuille de téléscripteur des mains de Sean, et lit attentivement son contenu. Quelques secondes s’écoulent. Jack s’écrie :
- « Incroyable ! Ce papelard tout foutu stipule notre intégration à une nouvelle escadrille dès notre arrivée sur Pearl. C’est dingue ! On laisse tomber la VF-9 et l’Essex. »
Sean proteste :
- « Mais arrête ton délire ! C’est n’importe quoi ! Scott nous aurait prévenu. »
Jack lui coupe la parole et enchaîne :
- « Sauf s’il avait reçu des consignes de non diffusion. Regarde c’est marqué noir sur blanc : VF-27 sur USS Intrepid… La VF-27, c’est les gueules de chats, non ? »
A suivre...