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Cuirassé USS San Francisco – TG 61.2 au Sud de Guadalcanal – 17h00
L’Amiral Fletcher, commandant en chef de la Task Force 61, se tient debout face à la rambarde de sécurité du pont n°4. Le San Francisco file à plus de 30 nœuds. Il est 17h00, les ombres s’allongent. Fletcher enfonce alors sa casquette. La lumière éblouissante du soleil couchant le gène. Il s’appuie sur le garde-fou, les mains jointes devant son visage. Les yeux plissés, son regard se porte sur l’horizon où les premières crêtes de Guadalcanal viennent d’apparaître. Ses pensées se perdent dans ce spectacle féerique qui s’offre à lui. Il doit pourtant faire un choix…
Le Contre-amiral Turner s’approche et rompt le silence :
- « Qu’est ce qui te préoccupe Franck ? »
Fletcher ne répond pas. Il tend simplement, sans même se retourner, un papier télégraphique en provenance directe de Pearl Harbor. Une trentaine de secondes s’écoule ; juste le temps pour Turner de lire le message dans sa totalité. Fletcher se retourne alors et l’interroge :
- « Cruel dilemme, n’est ce pas ? »
Turner répond dans la foulée.
- « Tu penses à quel groupe ? … la VF-6 ? »
Fletcher acquiesce d’un mouvement de tête et finit par dire :
- « J’en ai besoin ici. Je ne sais pas si je suis prêt à m’en séparer… »
Turner s’inquiète alors de la réaction du Commandant de la VF-6.
- « Wagner ne va pas aimer qu’on lui pique ses gars. Ils ont fait la Mer de Corail ensembles… Il ne va pas aimer et il aura raison. »
Fletcher conclue d’un ton décidé :
- « Tant pis, il n’aimera pas… Je crois que nous n’avons pas le choix et que de toutes façons ceci ne dépend plus de nous. J’obéis, … Wagner fera de même. Il comprendra, même s’il ne le montrera pas. »
Henderson Field – Guadalcanal – 18h45
John Merrick (FRANCIS) immobilise son appareil. Le moteur tourne encore et envoie une sensation d’air frais à l’intérieur de l’avion. Il se désangle mécaniquement sans réfléchir comme à l’entraînement, puis relâche très lentement la pression qu’il exerce sur le palonnier gauche. Une vive douleur se fait sentir tout le long de son membre inférieur. John se penche alors délicatement en avant et observe sa jambe pour la première fois. Du sang a coulé sur le sol du cockpit. Sa tenue de vol est déchirée et souillée juste en dessous du genou. La tête lui tourne. La douleur devient plus forte, peut-être due à la vue de sa blessure… Tout commence à s’embrouiller. Les sons environnants deviennent très sourds comme étouffés par un oreiller. Sa vision se trouble. Il sent qu’il va perdre connaissance, mais essaie de résister. Sa main s’approche à tâtons de l’arrivée d’essence et tourne lentement le robinet. Le moteur manquant de carburant tressaute un peu, puis finit par caler en lâchant un épaisse fumée noire de part et d’autre du F4F. John tombe alors inconscient. Il s’affale en avant et son visage heurte violement le collimateur…
John Hanover (DORNS) se trouve à 50 mètres de là lorsqu’il est alerté par l’épaisse fumée noire du Wildcat n°9. Il se dirige vers l’avion de Merrick d’un pas soutenu. Il passe devant le SharpShooter, l’avion de Cannon (FOX). Ce dernier est en train d’inspecter la verrière de son appareil et tente d’imaginer les trajectoires des différentes balles ennemies qui l’ont traversées. Hanover l’interpelle en lui montrant l’épaisse fumée noire. Scott lève la tête. Une légère fumée blanche se mêle soudain à la noire. Une fraction de seconde plus tard, tout le capot moteur s’embrase d’une flamme bleutée !
Hanover et Canon se précipitent sur le Wildcat de Merrick. Le pilote est recroquevillé en avant sur son manche à balai. Scott saute d’un bond sur l’aile gauche et plonge ses 2 mains dans le cockpit ouvert. Il pose son pied sur le rebord du cockpit et enlace la poitrine du pilote dans ses bras. Il repère immédiatement que le pilote est désanglé et peut donc l’extraire dans la foulée. Tout deux sont rapidement déséquilibrés et basculent sur le côté gauche. Scott sentant la chute arrivée se met en boule autour de Merrick pour protéger le pilote inconscient. Ils tombent d’abord en arrière sur l’aile gauche, puis se mettent à rouler jusqu’au bord de fuite. C’est alors que survient le deuxième choc, plus rude, en tapant violement le sol.
Hanover se précipite sur eux en alertant le personnel au sol. Les deux pilotes entraînent alors John Merrick, toujours sans connaissance, loin derrière l’alvéole.
Une dizaine de Marines d’Henderson Field courre à leur tout vers l’avion en feu. John Merrick est rapidement évacué vers les tentes sanitaires. Une sirène se fait entendre et un camion kaki semble surgir de nulle part. Une poignée d’hommes s’active autour du GMC équipé de plusieurs bidons d’eau savonneuse montés sur une pompe manuelle. En quelques minutes le Hell’s Dog est complètement ravagé par l’incendie qui finit par être maîtrisé…
La Pagode – Henderson Field – 20h45
Les pilotes de la VF-6 sont rassemblés dans le seul bâtiment du terrain qui ne soit pas construit en toile de tente. Le sol est recouvert d’une terre battue noire caractéristique de la région. Cette baraque a été construite par les Japonais. A l’époque elle ne comportait pas de mur, seulement des piliers et un toit. Après la capture du terrain par les Marines au début du mois, des murs furent rajoutés pour la transformer en Quartier Général aérien des Marines. Mais le personnel d’Henderson Field l’appelle communément La Pagode.
Il s’agit d’un grand débriefing aujourd’hui. Les pilotes de chasse de l’Enterprise sont présents, auxquels s’ajoutent les membres d’équipages des SDB Dauntless, TBF Avenger et P-400 qui ont également participé à l’opération. Ce qui représente pas loin de 70 personnes.
Le Lieutenant-colonel Mangrum, chef des forces aériennes d’Henderson Field, est présent, debout devant toute cette assemblée de pilotes assez indisciplinés en ce moment il faut bien le reconnaître. La moitié est assise sur des chaises, le reste debout au fond de la salle. Toutes les fenêtres sont grandes ouvertes pour profiter de la fraîcheur de la nuit, déjà tombées depuis longtemps sur l’île. Le Capitaine Carl demande le calme en mâchant frénétiquement son vieux cigare allumé depuis au moins deux jours !
- « Oh ! Messieurs, un peu de calme… S’il vous plait, messieurs… Le Lieutenant-colonel va parler… »
Plusieurs secondes s’écoulent sans que le vacarme ambiant ne cesse.
O’Connor (GUIGNOL) est un peu nerveux, et cherche à repérer discrètement où sont placés les pilotes de Dauntless. Il redoute une nouvelle confrontation.
- « FERMEZ LA !!! » se met à hurler le Capitaine Marion Carl.
Tout le monde reste comme suspendu. Mangrum commence alors à parler tout en levant la main vers Carl en signe de remerciement.
- « Messieurs, aujourd’hui s’achève une grande opération auquel vous avez tous pris part ; et de belles manières en plus. Je tiens d’abord à remercier le 1st Lieutenant Jack Sparrow sans qui cette opération n’aurait pas vu le jour. »
Jack (LOWENDAL) se lève et regarde ses hommes d’un air guilleret. Il est mal à l’aise ! Les pilotes de la VF-6 l’acclament de façon très exagérée ce qui a le don d’énerver copieusement le Capitaine Carl, qui les regarde d’un air sévère. Mangrum poursuit :
- « Les pilotes de la VF-6 ont fait un travail remarquable. D’abord en organisant l’attaque de Whisky One qui, nous le savons maintenant, a été complètement annihilé. Ensuite leur reconnaissance s’est avérée à maintes fois fructueuses de par la persévérance de la prospection, ainsi que la pertinence des comptes-rendus fait à Henderson Field. Tout ceci a permis de déceler de nombreuses installations ennemies disséminées dans la jungle.
Enfin, la VF-6 s’est distinguée au combat en abatant douze avions ennemis de tout type sans aucune perte pour le groupe. Messieurs, félicitations ! »
Mangrum fait une petite pause de quelques secondes et les pilotes en profitent pour faire leurs commentaires à leurs voisins. Le bruit dans la salle commence tranquillement par se réinstaller, mais le Lieutenant-colonel reprend la parole rapidement :
- « Je tiens aussi à féliciter les équipages de Dauntless et Avenger pour leur efficacité à traiter des objectifs aussi rapidement. A partir du moment où la VF-6 détectait un campement, celui-ci était détruit systématiquement dans les vingt minutes suivantes. Le personnel au sol y est aussi pour beaucoup. Toute la logistique américaine est rentrée en action. Et quand je vois ce qu’il s’est passé à Guadalcanal aujourd’hui, je ne peux que vous assurer que le Japon capitulera prochainement. Il ne peut en être autrement… ».
Le débriefing se poursuit. Chaque site ennemi est repris méticuleusement. Les témoignages des pilotes sont entendus… Et ce n’est que vers 22h00 que tout est terminé.
Mangrum se retire de la salle en discutant avec le Capitaine Carl sous les applaudissements des pilotes. Tout le monde s’apprête à sortir de la pagode. La tente qui sert de réfectoire est ouverte et il semblerait qu’une distribution de friandises, de boissons et de cigarettes ait été organisée. Les membres de la VF-6 se retrouvent devant le QG assis sur des troncs de palmiers coupés un verre à la main, des bouteilles même pour certains...
La nuit se fait fraîche, et les moustiques ont déjà envahi le terrain d’Henderson Field depuis longtemps. Scott Canon (FOX) commence à répandre méticuleusement le contenu de sa bouteille de Whisky par terre tout autour de lui. Hanover (DORNS) l’interroge inquiet :
- « Tu fais quoi là, Scott ? »
Canon, à quatre pattes, répond avec aplomb :
- « Ca les fait fuir ! »
Hanover reste bouche bée et réagit :
- « Qui ? Faire fuir qui ? Les Japs ??? »
- « Mais non !! Les moustiques !!! » lance Canon en maugréant.
C’est alors que le Cdt Wagner sort d’un abri en compagnie de quelques officiers importants. Il donne quelques franches poignées de mains en guise d’au revoir et se dirige vers le petit groupe exténué par une journée de vol trop chargée. Wagner entame la conversation, alors que Jack Sparrow (LOWENDAL) commence à se lever pour le saluer :
- « Salut les gars, restez assis ! ».
O’Connor (GUIGNOL) bien trop imbibé n’aurait pas eu la force de se lever de toutes façons ; quant à Canon, il poursuit son dispositif défensif anti-moustique sans même se rendre compte de la présence de son Commandant ! Wagner reprend. Jack l’écoute attentivement.
- « Je viens de parler longuement avec l’Amiral Fletcher… Je ne vais pas y aller par quatre chemins… Comment dire, … il a une mission tout à fait spéciale à vous confier. Vous retournez à Pearl Harbor demain matin. Vous ne faites plus partie de la VF-6. Guadalcanal, c’est fini pour vous. Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus. Mais considérez ceci comme une véritable promotion et surtout une chance… »
