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Nuclear strike

Publié : mar. juin 13, 2006 2:51 pm
par Corktip 14
Voilà un war-report que je viens d'écrire, suite à une mission sous SFP1. C'est un peu long, trop long peut-être, et, volontairement, je n'ai pas trop mis l'accent sur la partie "vol" de la mission. C'est le tout premier que j'écris, et tous les avis, comme les critiques, sont bons à prendre.



Dring... Dring...

La sonnerie du téléphone me tire péniblement du sommeil. Alors que ma main se lance à tâtons vers le combiné sur la table de chevet, j'essaye de déchiffrer ce que les aiguilles lumineuses de mon réveil essayent de me dire... 3h47 du matin, bon sang...

"Captain Bruwier? Vous êtes demandé au rapport immédiatement!"
"Encore un exercice?!"
"Une jeep passera vous prendre dans une dizaine de minutes."

Et il raccroche. Ils commencent à me courir avec leurs exercices. Etre en Victor Alert, c'est la porte ouverte à tous les abus. Je tourne le commutateur placé à l'aplomb de mon lit, et la lumière m'écorche les yeux, blanche, crue. Je me dirige tant bien que mal vers la salle de bain, m'asperge le visage d'eau fraîche pour me réveiller, un coup de rasoir électrique, mon uniforme, et trois coups de klaxon impatients se font entendre. J'éteins la lumière, sors du bungalow, et me dirige vers la jeep. Je m'y installe sans un mot, le chauffeur démarre, et nous nous dirigeons à toute allure vers la base propremment dite. Après avoir passé le dernier checkpoint, nous nous dirigeons vers la salle de brieffing. Alors que nous passons devant la hangarette où est parqué mon appareil, je l'apperçois, baigné dans la lumière jaunâtre des spots, les mécaniciens s'affairant autour de lui. Sous l'aile gauche, je discerne la bombe "Blue Boy" d'exercice, même forme que la Mark 7, mais remplie avec une boule de 600 livres de béton, cela vaut mieux que son équivalent en uranium...

La jeep se stationne devant la salle d'opérations, et je m'en extirpe, pas encore bien réveillé. De la lumière est visible aux fenêtres du bâtiment, et je me décide à entrer. Trois officier m'y attendent: le Lieutnant Colonel David Markle, qui est à la tête de mon squadron, le 492nd TFS, l'officier météo de service, et un officier de l'intelligence. Au vu de la triste mine qu'ils tirent tous les trois, un doute m'assaille brusquement: et si ce n'était pas un exercice...

"Captain Cédric Bruwier au rapport, sir."
" 'morning, Captain. Et bien, ce coup-ci ça y est!"

Mon sang se glace dans mes veines, et les mots ne me parviennent plus que loins, distants, comme si je n'étais plus dans la pièce, comme si j'étais un simple spectateur de cette scène.

"Les Russes se sont décidés à frapper un grand coup. Il y a une heure et demie de cela, les blindés de l'Armée Rouge ont profités de l'obscurité pour avancer sur Berlin Ouest. Toute nos bases environnantes ont été pillonnées par des raids surprises, seuls quelques appareils ont réussis à décoller. Il ne leur ont pas fait beaucoup de mal, comme vous vous en doutez..."

L'officier de renseignement poursuit:

"D'après les premiers rapports, nos pertes sont assez lourdes. Le message est clair, les Rouges ont décidé de traverser l'Allemagne et de s'emparer de l'Europe, quoi qu'il en coûte. Mais ils ont commis une erreur qui va leur coûter cher. Ils n'ont pas vu très loin, et ne se sont attaqués qu'à nos positions à proximité immédiate du front. C'est une chance pour nous, et nous devont la mettre à profit. Vous connaissez votre cible ainsi que le plan de vol qui vous ont été assignés. Nous pensons qu'un appareil évoluant a haute vitesse et très basse altitude aura plus de chance qu'une formations e bombardiers lourds. Et puis, il ne s'agit que d'un cou de semonce... Si vous le désirez, les derniers clichés de l'objectif sont à votre disposition."

Plutôt fort comme coup de semonce... Et bien sur que je connais ma cible et mon plan de vol, ils m'ont été assignés dès que j'ai été qualifié "nucléaire", il y a bientôt trois mois. De même pour le coup de l'avion vite et bas, ce n'est pas pour rien qu'on nous entraîne à ce genre de vol. L'officer de renseignement me tend les derniers rapports concernant les diverses défenses ennemies: DCA, chasse, ... Pour ce qui est de l'officier météo, c'est vite expédié. Le ciel est nuageux à 3/8 sur la majorité de mon trajet, et il est prévu qu'il se maitienne. Vents faibles, pas ou peu de brume, levé du soleil attendu à 6h47. Bien!

Le Lt/Col. reprend la parole:

"Votre décollage est prévu à 6h15, juste avant le levé du soleil. Il vous reste à peu près une heure pour vous restaurer, vous équipper, et rejoindre votre appareil. Si vous le désirez, l'aumônier est debout, lui aussi. Good luck son!"

L'aumônier, comme si j'avais besoin de ça... C'est au retour qu'il me sera utile, ce que je m'apprête à faire, ce pourquoi on m'a entraîné depuis des mois, et bien, ce n'est pas joli. Je me dirige vers la pièce attenante à la salle de brieffing, là où sont allignés les casiers contenant nos équippements de vol. Je me dirige vers le miens, l'ouvre, me déshabille, enfile ma combinaison et mes chaussures de vol et y range mon uniforme. Je passerais prendres mon parachute, mon casque, mes gants et mon équipement de survie un peu plus tard, ils m'encombreraient inutillement. Après celà, un rapide petit-déjeuner au mess des officiers, où une jeune caporale me sers mes oeufs et mon bacon. Je n'ai pourtant pas faim, mais je me force à manger. Dieu sait ce qui peut arriver, et je ne sais pas quand sera mon prochain repas. Le lieutenant me regarde et m'offre un pâle sourire, un peu triste. Elle sait pourquoi je suis là. Secrètement, j'espère un contre-ordre.

5h45, il est temps. Je retourne au vestiaire chercher le reste de l'équippement, je ne prends pas ma mae-west, je ne survolerais pas la mer. Je glisse mes cartes dans une poche de ma combinaison, franchis la porte et pose mon attirail sur le siège arrière de la jeep. Le chauffeur attendait là depuis tantôt. "Let's go...". Il démarre, et nous nous dirigeons vers l'abris de mon F-100C en glissant d'un cercle de lumière émis par un lampadaire à un autre. La jeep s'arrête juste devant, j'en descends, embarque mon équippement tant bien que mal, et le chauffeur repart après un dernier signe de la main.

Bob, mon chef mécanicien, se dirige vers moi et me prend mon parachute des mains. Nous posons le tout sur l'aile gauche de l'appareil. On dirait un convalescent qu'on ramène à la vie après un long sommeil, avec tout ces cables et ses tuyaux branchés de part et d'autre. J'effectue un rapide tour de l'appareil, retirant les dernières suretés, vérifiant que tout est normal. J'essaye de ne pas laisser mon regard s'arrêter trop longtemps sur le cylindre noir sous son aile. L'avion est en configuration 1-E, avec un bidon de 200 gallons sur le point d'emport extérieur gauche, un autre sur l'intérieur droit, un bidon de 275 gallons sur le milieu droit, et la bombe Mark 7 fixée sous le pylône du milieu de l'aile gauche. C'est la configuration standard pour les missions nucléaires, il va falloir trimmer l'appareil correctement, mais il sera quand-même plus délicat à piloter qu'en configuration symétrique. Une vraie partie de plaisir...

Je passe le harnais de mon parachute, et grimpe lentement l'échelle d'accès. Bob m'aide à me sangler dans le confortable cockpit du "Hun", puis me passe mon casque et mes gants. J'enfile le tout et entame la check-list standard. Une fois celle-ci effectuée, l'équipe au sol démarre l'avion. Les vibrations envahissent le cockpit, un long gémissement s'échappe de la tuyère, rapidement suivis par le souffle rauque du réacteur. Le monstre de 12 tonnes de métal inerte prend peu à peu vie. J'effectue rapidement les checks radios, un dernier thumbs up de Bob, la verrière se referme lentement sur moi, et je commence à rouler vers le seuil de la piste. Il n'est pas trop tard pour le contre-ordre, mais je n'y crois plus. Nous sommes le 14 décembre 1957, il est 6h08 précise.

"Gunslinger One-One de tour de contrôle, vous êtes clear pour décollage, good luck, over."
"Tour de contrôle de Gunslinger One-One, roger, clear pour décollage, merci chaps, out."

Et c'est tout. Ma main pousse fermement la manette des gaz vers l'avant, le bruit et les vibrations deviennent de plus en plus forts, et brusquement, la flamme de ma post-combustion illumine tout autour de moi. Je lâche les freins, et l'appareil bondit en avant, gagnant rapidement de la vitesse. Malgré le trim, l'appareil embarque lentement vers la gauche de la piste, et je dois contrer au palonnier, puis aux ailerons, et enfin, je m'arrache du sol. Rapidement, j'efface le train et les volets, et je prends le cap prévu, à 15m du sol. Dans cette obscurité, ce n'est pas facile. La vitesse augmente rapidement, je coupe la post-combustion et stabilise vers 475 noeuds. Le vol jusqu'à la cible sera relativement court, une heure et demie environ. De toute façon, passé ce délais, je commencerais à être court en carburant pour le retour.

Le vol se passe, sans incident. J'évolue toujours au ras du sol, dans une semi-pénombre qui met les nerfs à rude épreuve. Mentalement, je me repasse les consignes pour l'attaque. Tout se passe sans incident. A environ 50 nautiques de la cible, alors que je passe entre deux collines, je vois un promeneur sur le sommet de celle de droite. Il brandit un appareil photo dans ma direction. Ca lui fera une histoire à raconter, et il y a fort à parier qu'il se fera beaucoup d'argent avec la photo de celui qui aura largué la première bombe A de la 3ème Guerre Mondiale.

D'après mon calculateur de vol, je suis à 20 nautiques de la cible. J'ai choisis de bombarder en toss-bombing, par-dessus l'épaule, comme on dit, de toute façon, pas besoin d'être très précis pour obtenir un résultat, avec ce genre d'engin. J'approche de la cible, toujours au ras du sol.

Tout se passe comme dans un rêve,comme dans un cauchemard, plutôt. A 15 nautiques, pleine post-combustion et armement de la bombe. Je distingue parfaitement Dresde maintenant. C'est la première fois que je la vois en vrai, mais elle m'est familière, tant j'ai examiné des photos. Voilà la cathédrale, un peu plus loin, sur la gauche, le lycée technique, et droit devant moi, la cible, le ministère de la défense. Je rase à présent le toit des immeubles, des tirs s'élèvent dans ma direction, sporadiques. Les défenseurs ont été pris de court. Les traçantes vertes passent largement derrière mon F-100. Quelques images fugitives s'impriment dans mon cerveau, comme des photos sur la pélicule, je ne les oublierais jamais. Il y a cette femme, avec sa fille, je suppose, sur leurs balcon, à peine plus bas que moi, qui nous regarde passer. Je vois un groupe de travailleurs se jetter à plat ventre au passage de mon appareil. Dans le parc, une vieille dame me montre du doigt. Il est 7h32. Le ministère de la défense disparaît sous mon nez. Instanténement, je tire sur le manche, encaisse 4G, ma combinaison se gonfle et mon masque à oxygène se tend vers le bas, comprimant l'arrête de mon nez. A 5000 pieds, je bascule l'avion sur le dos. Sitôt la verticale passée, un système de mesure a détaché automatiquement la bombe de mon appareil, et celle-ci file droit vers le ciel pendant que je m'éloigne plein gaz, à 7000 pieds.

Je devine ce qui est en train de se passer. Comme à l'exercice, la bombe continue de monter jusqu'à environ 20 000 pieds. Comme à l'exercice, une fois au sommet de sa trajectoire, elle bascule vers le sol. Comme à l'exercice, je suis déjà relativement loin, hors de l'effet du souffle, m'éloignant à pleine PC. Comme à l'exercice, la bombe redescend comme un météore vers le sol. Et brusquemment, la réalité me rattrappe. Mon cockpit s'emplit d'une lumière blanche, éclatante, vive, presque douloureuse malgré la visière de mon P-4 rabbattue sur mes yeux. Tout autour de moi est baigné dans cette lumière. Et aussi vite que c'est venu, tout s'arrête. Le décor a repris un air normal, mais je sais que si je regarde dans mes rétroviseurs, je verrais le champignon de poussière, de fumée et de flamme qui s'élève au-dessus de Dresde. Je préfère ne pas regarder...

Le retour me semble durer une éternité. Je prend un trajet un peu différent de l'aller, forcément. Je ne croise pas un chasseur ennemi, volant trop bas pour les radars. Seuls quelques postes d'artillerie essayent de me toucher, en vain, je suis trop bas, je vais trop vite, et l'effet de surprise est aussi total à l'aller qu'au retour. Ils ne pensaient pas me trouver ici. De temps en temps, quelques nuages noirs avec un centre rouge s'accrochent à mes ailes. Quelques traçantes s'entrecroisent au-dessus de mon appareil. Mon fuel dimminue dangereusement, j'aurais juste ce qu'il me faut pour rentrer. Tout cela n'a plus d'importance. J'ai commis l'irréparable. Sur ordre, sans réfléchir, simplement en pressant un bouton.

A la base, je serais accueillis comme un héros, mais je ne suis qu'un assassin.

Image

Publié : mar. juin 13, 2006 6:25 pm
par werner
Yooooooo, je ne pensais pas qu'il allait le faire, j'espérais aussi un contre-ordre.
Et merde...

Maintenant, il va falloir une suite ...

C'est la procédure réelle de largage la chandelle avec passage dos à 5.000 pieds pour donner de l'inertie au projectile ?

Signé Werner, truffe qui courre chercher sa combinaison NBC

Publié : mar. juin 13, 2006 7:21 pm
par Corktip 14
werner a écrit :Yooooooo, je ne pensais pas qu'il allait le faire, j'espérais aussi un contre-ordre.
Et merde...

Maintenant, il va falloir une suite ...

C'est la procédure réelle de largage la chandelle avec passage dos à 5.000 pieds pour donner de l'inertie au projectile ?

Signé Werner, truffe qui courre chercher sa combinaison NBC
C'en était une sur le F-100 à l'époque, ouaip! De ce que je sais, y'avait trois solutions: t'appuyais sur un bouton, ça tombait, et boum, comme une bête bombe, une méthode en montée à 45°, on larguait à une altitude, une distance et une vitesse donnée, et ça tombait plus ou moins dans le mille, et puis le toss-bombing, comme je l'explique, ou un système commandé par gyro larguait la bombe quand on passait la verticale.

Publié : mar. juin 13, 2006 8:15 pm
par Shadow96
Mais ou tu la eu ta Mark 7

Publié : mar. juin 13, 2006 8:44 pm
par Corktip 14
Fabrication maison sur base d'un bidon de 200 gallons du F-100 :yes:

Publié : mer. juin 14, 2006 10:44 am
par Coco
Superbe récit. Par contre pourrais-tu m'éclairer un peu plus sur la façon dont est larguée la Mark 7 ? J'ai pas tout saisi (boulet inside :tongue: ). En gros tu montes a 5000 pieds et sitôt la verticale passée, un système largue la bombe en auto. Jusque là ça va. Mais là où je ne suis plus, c'est comment la bombe fait pour continuer à monter jusqu'à 20 000 pieds toute seule? par l'inertie :huh: ? Parce ya quand même 15 000 pieds d'écart entre le larguage et le sommet de sa trajectoire et ça fait beaucoup je trouve à monter par simple inertie ... nan ?

Publié : mer. juin 14, 2006 12:31 pm
par Corktip 14
Exact, simple inertie. Faut dire que l'arrivée sur l'objectif se fait à vitesse max, on encaisse la première ressource pour mettre l'avion à la verticale, à 5000 pieds (et ça va très vite à cette vitesse), on bascule le zinc, crac ça se décroche tout seul. Pour les 20.000 pieds, ce sont les chiffres que j'ai lu, c'est bien possible que ce soit moins, mais étant donné que j'ai choppé ça d'une interview d'un pilote de F-100 qualifié nucléaire, je suppose qu'il savait ce qu'il disait. D'après lui, la bombe mettait plus d'une minute pour effectuer cette parabole.

Publié : mer. juin 14, 2006 12:33 pm
par werner
Un ch'tio Dessin vaut mieux qu'un long discours.

Signé Werner, truffe qui se la joue par dessus l'épaule

Publié : mer. juin 14, 2006 1:03 pm
par Coco
werner a écrit :Un ch'tio Dessin vaut mieux qu'un long discours.
Effectivement :tongue: Beaucoup plus clair dans mon esprit. Merki :sweatdrop

Publié : mer. juin 14, 2006 2:25 pm
par Corktip 14
Tadaaa, merci la Truffe! :yes:

Publié : mer. juin 14, 2006 6:37 pm
par spiral
a quand la suite?

Publié : mer. juin 14, 2006 9:15 pm
par Scrat
Y'a pas de suite ! Les Russes ont lancé une réplique nucléaire massive et les USA ont riposté. L'Europe n'est plus qu'un désert nucléaire...

Publié : mer. juin 14, 2006 9:39 pm
par Corktip 14
Scrat a écrit :Y'a pas de suite ! Les Russes ont lancé une réplique nucléaire massive et les USA ont riposté. L'Europe n'est plus qu'un désert nucléaire...
Nan mais, ça ne va pas la tête? J'vais vous bricoler une suite de ce pas... :tongue:

Publié : mer. juin 14, 2006 10:07 pm
par sasai
excellente histoire ! :yes:

Publié : mer. juin 14, 2006 10:11 pm
par F-MATH
Salut

Il me semble que la méthode de larguage de la bombe dont tu parle étais aussi employer sur le Mirage 4 quand c'était encore une bombe. C'est un copain qui m'en avait parler une fois. Si un spécialiste pouvais confirmer ca serai cool.

Sinon sympa le réçit.

@+

F-MATH

Publié : lun. juin 19, 2006 2:35 pm
par S-Eagle
A mon avis tu peux l'employer plus ou moins partout, genre sur un F16 ou autre, ça doit être juste une question "d'équipements".

Sinon super l'histoire, ça nous rappel bien des choses...

Publié : jeu. juin 22, 2006 7:25 pm
par didier
dresde encore rasé par le feu,decidement cette ville n'a pas de chance....

Publié : jeu. juin 22, 2006 9:50 pm
par Scrat
Mais cette fois-ci d'une façon plus radicale encore.