Publié : dim. janv. 30, 2005 7:32 pm
Quelque part en Mer Noire, Lundi 13h15
Je termine mon déjeuner calmement, tout en discutant de son dernier vol avec Alexeï. Il fait beau, la mer est calme... Un bel après-midi se profile à l'horizon. Forcément, c'est à ce moment précis qu'un planton interrompt notre discussion:
-- Capitaine Trikiev, l'amiral vous demande au carré des officiers.
-- Pff.... son chien a encore bouffé un truc avarié, je suppose ? lui lance Alexeï.
-- C'est important.
-- Ouais, ouais, j'arrive, dis-je en me levant.
Je suis le planton le long des coursives en cherchant à deviner la raison de cette réunion "importante", mais rien ne semble justifier un tel empressement. Je me glisse dans l’ouverture de la porte, que le planton referme aussitôt.
-- Capitaine Trikiev au rapport, Amiral.
-- Asseyez-vous Sacha, et servez-vous donc une tasse de thé, ce sera long.
--De quoi s’agit-il ?
-- Nos services de renseignements ont appris qu’un trafiquant d’arme du nom d’Igor Bladienko a organisé un "marché aux armes" au nord de la Crimée. Cette petite fête devrait ouvrir ses portes mercredi, mais nos photos satellites montre qu’une grande partie du matériel est déjà sur place.
-- Ancien matériel soviétique, je suppose ?
-- Vous supposez bien. En grande partie des restes de l’armée rouge, mais également du matériel occidental apparemment. Stinger, LAW, etc… Il semblerait que Bladienko ait gardé des liens forts avec les politiques ukrainiens, et il est possible qu’il opère sous protection de ses amis au gouvernement.
-- Et à l’insu des autres ?
-- Sans doute. Impossible d’avoir une liste de noms précises, mais on parle du ministère de la Défense ukrainien.
-- Aie. Mais qu’est-ce que ça a à voir avec nous toute ces petites histoires de magouille et de trafic d’armes ? Il n’y a pas de Kh-41 ou de Topol-M sur le catalogue de jouets de Bladienko ?
--Pas que je sache. Mais notre gouvernement a décidé d’agir, pour montrer à nos voisins ukrainiens qu’il est temps de faire un peu de ménage. Les VVS se sont appropriés l’opération, mais notre ministre de la marine a réussi à garder le plus beau morceau. Votre escadrille est chargée de bombarder la zone. L’opération est prévue pour demain à l’aube, sous réserve de confirmation.
-- Demain ! Rappelez-moi où se trouve la zone cible ? Ca doit faire dans les 1000km A/R ça !
-- En vol direct, oui. Mais il est hors de question de traverser la Crimée de part en part. Nous faisons déjà route vers Novorossisk pour nous rapprocher, mais il vous restera tout de même 1200km à parcourir. Les VVS déploieront un Il-78 sur un axe Nord-Sud à l’Est du Détroit, escorté par 2 Su-30. Pour ne pas éveiller les soupçons, nous ne pouvons déployer trop de forces dans la région, mais des vols resteront en alerte sur les bases d’Anapa et Krymsk dès 5h00.
-- Bien, c’est toujours ça. Les VVS se chargent aussi d’anéantir les SAMs sur zone et de nous escorter, je suppose ?
-- 2 Su-34 arriveront du Nord-est et se chargeront de vous ouvrir une brèche dans le réseau SAM ukrainien. Selon leur plan de vol, la brèche sera ouverte à 5h50. Par contre, vous ne serez pas escortés.
-- De mieux en mieux… Ces fainéants ne peuvent pas voler avant le petit-déjeuner ?
-- C’est l’occasion de prouver la capacité multirôle de notre aviation embarquée. Mais ne vous faites pas de soucis, les ukrainiens seront pris par surprise.
-- Espérons. A combien partons-nous ?
-- 2 voire 3 appareils, je ne veux pas risquer plus. Et cela devrait amplement suffire. A vous de choisir vos ailiers, vous avez tout l’après-midi pour travailler votre mission.
-- Le capitaine Alexeï Kapranov et le lieutenant Roman Gorobets ont suffisamment d’expérience et d’heures de vol récentes pour mener à bien cette mission, si vous êtes d’accord.
-- C’est parfait. Mettez-les au courant, et préparez votre vol. Nous nous reverrons plus tard.
-- Bien, Amiral.
L’après-midi reposant est fortement compromis. Je passe 2 heures à préparer la mission avec Alexeï et Roman, après les avoir briefés. Après le décollage, nous partirons au nord vers le détroit de Kerch, en restant du « bon » coté de la frontière. Une fois en Mer d’Azov, cap à l’Ouest vers l’Ukraine. Tout ça à 6000m. Aussi anodin qu’il puisse paraître, ce vol de croisière devra être très précis, afin d’arriver à 5h50 à portée des SAMs ennemi, juste au moment où ceux-ci seront rendus inefficaces par les missiles Kh-31P des Su-34. Si nous arrivons trop tôt, les Ukrainiens seront alertés de notre présence pendant que nous tournerons en rond en attendant l’heure H, et chaque minute de retard sera une minute en moins à se concentrer sur l’objectif.
Une fois les SAMs neutralisés, descente à 2000m vers l’objectif et recherche de la cible. Puis frappe au sol et cap à l’Est une fois le travail fini. Ravitaillement au-dessus du détroit et retour à la maison. Cela semble simple, mais les apparences sont trompeuses. Il y a beaucoup trop d’inconnues pour cette mission : nous ne savons rien d’éventuelles défenses courte portée sur la zone, ni même de l’état d’alerte des bases ukrainiennes… Pour parer à l’éventualité d’un engagement Air-Air, nous emporterons chacun 4 R-27ER et 4 R-73. Cela ne laisse que 4 pylônes pour les charges Air-Sol, soit 2 conteneurs KMGU et 2 bombes à fragmentation RBK-500. De toute façon on ne pourra pas s’attarder.
Le dîner se passe sans un mot, ou presque. J’ai obtenu de l’amiral la présence de deux frégates en Mer d’Azov, en cas de coup dur. J’en informe mes ailiers qui savent aussi bien que moi que ce ne sont pas ces frégates qui feront la différence. Une fois rassasiés, nous filons profiter des quelques heures restantes pour dormir.
Mardi, 4h00
La nuit a été mouvementée, pour nous tous, mais la collation achève de nous réveiller
4h15, dernier briefing avec l’amiral. L’ordre de confirmation n’est pas encore tombé. Une fois en tenue de vol, nous montons sur le pont, où nos avions nous attendent, pleins faits et armement en place. Sans un mot, chacun d’entre nous se dirige vers son appareil, lui caresse le nez, puis les canards et les ailes. Chaque pilote vérifie son armement, et une fois le tour de l’avion terminé, je monte dans le cockpit, aidé par Igor, mon mécano. Un coup d’œil sur ma droite : Alexeï est sur l’échelle, mais Roman est encore sous son appareil. Son mécano s’approche en courant pour m’expliquer qu’il y’a un risque de fuite de liquide hydraulique. La journée commence vraiment très bien. C’est maintenant toute l’équipe de veille qui s’affaire autour du Su-33 de Roman pendant qu’Alexeï et moi nous mettons en position pour le décollage. L’amiral me contacte par la radio :
-- On est en train de vérifier l’intégrité du système hydraulique du 75 Bleu, mais cela semble compromis. Si son avion n’est pas près à prendre l’air à l’instant où nous recevons le feu vert du GQG, vous partez à deux
-- Bien compris. T’as entendu ça Alexeï ? J’espère que t’es bien frais !
-- Ouais. J’en connais un qui va devoir payer sa tournée au retour !
5h15, le top départ se fait attendre… Les pontes du GQG n’ont aucune idée du stress qui peuvent monter dans l’esprit des 2 pilotes de la Marine…
Les minutes s’écoulent péniblement… Je regarde l’horloge pour la 75e fois quand j’entends le grésillement de la radio dans mon casque.
-- Grom 1 et 2, la mission est approuvée. Vous êtes autorisés pour décollage immédiat. Bonne chance !
-- Bien reçu, Tour. On décolle. Alexeï tu me suis comme prévu à 15 secondes.
-- Wilco.
Un rapide coup d’œil sur ma gauche pour s’assurer que le Ka-27 de récupération est bien en position, et que le déflecteur s’est mis en place derrière mon avion. Tout le monde est en place. Un cran de volet sorti, freins serrés, je monte le régime moteur progressivement jusqu’à la puissance militaire. Toutes les jauges sont nominales et stables. L’officier de pont d’envol me signale que tout est bon de son côté.
La suite bientôt...
Je termine mon déjeuner calmement, tout en discutant de son dernier vol avec Alexeï. Il fait beau, la mer est calme... Un bel après-midi se profile à l'horizon. Forcément, c'est à ce moment précis qu'un planton interrompt notre discussion:
-- Capitaine Trikiev, l'amiral vous demande au carré des officiers.
-- Pff.... son chien a encore bouffé un truc avarié, je suppose ? lui lance Alexeï.
-- C'est important.
-- Ouais, ouais, j'arrive, dis-je en me levant.
Je suis le planton le long des coursives en cherchant à deviner la raison de cette réunion "importante", mais rien ne semble justifier un tel empressement. Je me glisse dans l’ouverture de la porte, que le planton referme aussitôt.
-- Capitaine Trikiev au rapport, Amiral.
-- Asseyez-vous Sacha, et servez-vous donc une tasse de thé, ce sera long.
--De quoi s’agit-il ?
-- Nos services de renseignements ont appris qu’un trafiquant d’arme du nom d’Igor Bladienko a organisé un "marché aux armes" au nord de la Crimée. Cette petite fête devrait ouvrir ses portes mercredi, mais nos photos satellites montre qu’une grande partie du matériel est déjà sur place.
-- Ancien matériel soviétique, je suppose ?
-- Vous supposez bien. En grande partie des restes de l’armée rouge, mais également du matériel occidental apparemment. Stinger, LAW, etc… Il semblerait que Bladienko ait gardé des liens forts avec les politiques ukrainiens, et il est possible qu’il opère sous protection de ses amis au gouvernement.
-- Et à l’insu des autres ?
-- Sans doute. Impossible d’avoir une liste de noms précises, mais on parle du ministère de la Défense ukrainien.
-- Aie. Mais qu’est-ce que ça a à voir avec nous toute ces petites histoires de magouille et de trafic d’armes ? Il n’y a pas de Kh-41 ou de Topol-M sur le catalogue de jouets de Bladienko ?
--Pas que je sache. Mais notre gouvernement a décidé d’agir, pour montrer à nos voisins ukrainiens qu’il est temps de faire un peu de ménage. Les VVS se sont appropriés l’opération, mais notre ministre de la marine a réussi à garder le plus beau morceau. Votre escadrille est chargée de bombarder la zone. L’opération est prévue pour demain à l’aube, sous réserve de confirmation.
-- Demain ! Rappelez-moi où se trouve la zone cible ? Ca doit faire dans les 1000km A/R ça !
-- En vol direct, oui. Mais il est hors de question de traverser la Crimée de part en part. Nous faisons déjà route vers Novorossisk pour nous rapprocher, mais il vous restera tout de même 1200km à parcourir. Les VVS déploieront un Il-78 sur un axe Nord-Sud à l’Est du Détroit, escorté par 2 Su-30. Pour ne pas éveiller les soupçons, nous ne pouvons déployer trop de forces dans la région, mais des vols resteront en alerte sur les bases d’Anapa et Krymsk dès 5h00.
-- Bien, c’est toujours ça. Les VVS se chargent aussi d’anéantir les SAMs sur zone et de nous escorter, je suppose ?
-- 2 Su-34 arriveront du Nord-est et se chargeront de vous ouvrir une brèche dans le réseau SAM ukrainien. Selon leur plan de vol, la brèche sera ouverte à 5h50. Par contre, vous ne serez pas escortés.
-- De mieux en mieux… Ces fainéants ne peuvent pas voler avant le petit-déjeuner ?
-- C’est l’occasion de prouver la capacité multirôle de notre aviation embarquée. Mais ne vous faites pas de soucis, les ukrainiens seront pris par surprise.
-- Espérons. A combien partons-nous ?
-- 2 voire 3 appareils, je ne veux pas risquer plus. Et cela devrait amplement suffire. A vous de choisir vos ailiers, vous avez tout l’après-midi pour travailler votre mission.
-- Le capitaine Alexeï Kapranov et le lieutenant Roman Gorobets ont suffisamment d’expérience et d’heures de vol récentes pour mener à bien cette mission, si vous êtes d’accord.
-- C’est parfait. Mettez-les au courant, et préparez votre vol. Nous nous reverrons plus tard.
-- Bien, Amiral.
L’après-midi reposant est fortement compromis. Je passe 2 heures à préparer la mission avec Alexeï et Roman, après les avoir briefés. Après le décollage, nous partirons au nord vers le détroit de Kerch, en restant du « bon » coté de la frontière. Une fois en Mer d’Azov, cap à l’Ouest vers l’Ukraine. Tout ça à 6000m. Aussi anodin qu’il puisse paraître, ce vol de croisière devra être très précis, afin d’arriver à 5h50 à portée des SAMs ennemi, juste au moment où ceux-ci seront rendus inefficaces par les missiles Kh-31P des Su-34. Si nous arrivons trop tôt, les Ukrainiens seront alertés de notre présence pendant que nous tournerons en rond en attendant l’heure H, et chaque minute de retard sera une minute en moins à se concentrer sur l’objectif.
Une fois les SAMs neutralisés, descente à 2000m vers l’objectif et recherche de la cible. Puis frappe au sol et cap à l’Est une fois le travail fini. Ravitaillement au-dessus du détroit et retour à la maison. Cela semble simple, mais les apparences sont trompeuses. Il y a beaucoup trop d’inconnues pour cette mission : nous ne savons rien d’éventuelles défenses courte portée sur la zone, ni même de l’état d’alerte des bases ukrainiennes… Pour parer à l’éventualité d’un engagement Air-Air, nous emporterons chacun 4 R-27ER et 4 R-73. Cela ne laisse que 4 pylônes pour les charges Air-Sol, soit 2 conteneurs KMGU et 2 bombes à fragmentation RBK-500. De toute façon on ne pourra pas s’attarder.
Le dîner se passe sans un mot, ou presque. J’ai obtenu de l’amiral la présence de deux frégates en Mer d’Azov, en cas de coup dur. J’en informe mes ailiers qui savent aussi bien que moi que ce ne sont pas ces frégates qui feront la différence. Une fois rassasiés, nous filons profiter des quelques heures restantes pour dormir.
Mardi, 4h00
La nuit a été mouvementée, pour nous tous, mais la collation achève de nous réveiller
4h15, dernier briefing avec l’amiral. L’ordre de confirmation n’est pas encore tombé. Une fois en tenue de vol, nous montons sur le pont, où nos avions nous attendent, pleins faits et armement en place. Sans un mot, chacun d’entre nous se dirige vers son appareil, lui caresse le nez, puis les canards et les ailes. Chaque pilote vérifie son armement, et une fois le tour de l’avion terminé, je monte dans le cockpit, aidé par Igor, mon mécano. Un coup d’œil sur ma droite : Alexeï est sur l’échelle, mais Roman est encore sous son appareil. Son mécano s’approche en courant pour m’expliquer qu’il y’a un risque de fuite de liquide hydraulique. La journée commence vraiment très bien. C’est maintenant toute l’équipe de veille qui s’affaire autour du Su-33 de Roman pendant qu’Alexeï et moi nous mettons en position pour le décollage. L’amiral me contacte par la radio :
-- On est en train de vérifier l’intégrité du système hydraulique du 75 Bleu, mais cela semble compromis. Si son avion n’est pas près à prendre l’air à l’instant où nous recevons le feu vert du GQG, vous partez à deux
-- Bien compris. T’as entendu ça Alexeï ? J’espère que t’es bien frais !
-- Ouais. J’en connais un qui va devoir payer sa tournée au retour !
5h15, le top départ se fait attendre… Les pontes du GQG n’ont aucune idée du stress qui peuvent monter dans l’esprit des 2 pilotes de la Marine…
Les minutes s’écoulent péniblement… Je regarde l’horloge pour la 75e fois quand j’entends le grésillement de la radio dans mon casque.
-- Grom 1 et 2, la mission est approuvée. Vous êtes autorisés pour décollage immédiat. Bonne chance !
-- Bien reçu, Tour. On décolle. Alexeï tu me suis comme prévu à 15 secondes.
-- Wilco.
Un rapide coup d’œil sur ma gauche pour s’assurer que le Ka-27 de récupération est bien en position, et que le déflecteur s’est mis en place derrière mon avion. Tout le monde est en place. Un cran de volet sorti, freins serrés, je monte le régime moteur progressivement jusqu’à la puissance militaire. Toutes les jauges sont nominales et stables. L’officier de pont d’envol me signale que tout est bon de son côté.
La suite bientôt...